Éclats

Chapitre 2

Ella

— Bonsoir, on vit juste au-dessus. C'est bien vous, la famille Jones ?

J'acquiesce, n'osant prononcer un mot devant ce garçon aux yeux bleus glacier. Fascinée par ses iris, je ne me rends même pas compte que je le fixe depuis plusieurs secondes. Un raclement de gorge de la part de la mère me vaut un retour immédiat à la réalité, ainsi qu'une forte montée de rouge aux joues.

— Hum. Excusez-moi. Entrez.

Tout en les débarrassant de leurs affaires et des fleurs, je me présente ainsi que ma famille.

— Enchantée, dit la femme avec sincérité. Je suis Sarah et voici Daniel, mon fils. Excusez-nous du retard.

Elle sourit et je vois d'adorables fossettes apparaître aux coins de sa bouche. Je reporte mon attention sur ses cheveux, jalousant un peu leur longueur au passage. Daniel a sans doute hérité de leur couleur d'ébène.

— Ce n'est pas grave, madame. Vous pouvez vous assoir ici, leur indiquai-je en désignant les deux places vides que j'avais remarqué tout à l'heure.

Sans me quitter des yeux, mais sans non plus prononcer un mot, le fils s'exécute, suivi de près par la mère. Leur façon particulière de tirer la chaise vers eux avant de prendre place est si similaire. On pourrait croire qu'ils exécutent une chorégraphie.

Une fois de retour à table, je ne peux m'empêcher de jeter des coups d'oeil furtifs en direction de Daniel. Il faut avouer qu'il est vraiment attirant, surtout dans cette chemise qui fait particulièrement ressortir ses biceps. Une fois le plat terminé, ma mère me charge d'amener le dessert, ce que je me dépêche de faire. En ouvrant la porte de la cuisine, tenant un plateau plein de moelleux au chocolat dans une main et une poignée de cuillères dans l'autre, je me cogne à quelqu'un, manquant de près de ruiner les desserts.

— Oh, mon Dieu ! Je suis désolée !

Je me fige à la vue de la personne qui se trouve devant moi.

— C'est de ma faute, j'aurais dû faire plus attention, s'excuse Daniel. Est-ce que ça va ?

En un hochement de tête, je replace les moelleux qui avaient glissé du plateau. Heureusement, on n'a fait que frôler la catastrophe. Je n'imagine pas la tête que ma mère aurait fait si j'avais ruiné les gateaux qu'elle a pris des heures à modeler pour qu'ils aient tous le même forme d'étoile, à la branche près. Daniel se gratte l'arrière du crâne tandis qu'un silence gênant nous sépare.

— Alors, hum... pourquoi t'as emménagé ici ?

Dans l'intention de répondre, j'ouvre la bouche, mais suis immédiatement interrompue par ma mère qui déboule dans la cuisine. Nous nous tournons tous deux vers elle.

— Ella, mais qu'est-ce que tu fiches ? Dépêche-toi, enfin ! Donne-moi ça.

Elle m'arrache pratiquement le plateau des mains. C'est à ce moment là qu'elle remarque Daniel, qui se tient raide comme un piquet à côté de la porte. Elle lui sert un autre de ses fichus sourires crispés en guise d'excuse.

— Viens donc, mon petit. Le dessert va être servi, désolée pour l'attente. Tu as besoin de quelque chose ?

Daniel secoue la tête en marmonnant un petit "merci" et sort de la pièce, avec moi sur ses talons. La soirée se poursuit ainsi, jusqu'à vingt-deux heures trente environ, heure à laquelle les invités commencent à s'en aller. Lily et moi entreprenons de débarrasser la table pendant que maman se perd en remerciements déstinés à nos convives. Je tends l'oreille vers le salon, essayant de me distraire pendant que je lave les couverts.

— Laisse-moi t'aider, ordonne une voix masculine.

En ouvrant la porte, j'ai la surprise de voir Daniel aider ma petite soeur à empiler les assiettes et les verres. Un sourire me vient instinctivement aux lèvres.

Il est adorable !

Il ramène presque toute la vaisselle, laissant Lily avec quelques plats dans les bras, puis propose de la laver avec moi, ce que j'accepte, non sans embarras. Après avoir achevé toutes les corvées, nous raccompagnons les derniers invités à la porte. Sarah serre chaleureusement la main de ma mère.

— Merci encore pour l'invitation, et surtout n'hésitez pas à passer quand vous en aurez envie. Vous et votre famille êtes la bienvenue chez nous, madame Jones.

Ce à quoi madame Jones répond qu'elle peut l'appeler Alison. Je surprends Daniel à lever les yeux au ciel avant de me faire un clin d'oeil par-dessus l'épaule de sa mère, ce qui me fait écarquiller les yeux. Après un bon quart-d'heure de remerciements et de politesses inutiles, ils partent enfin. Lily étant déjà au lit, ma mère et moi nous mettons en pyjama et, le temps de tout ranger, il est déjà minuit passé.

— Ma chérie, tu devrais aller dormir, c'est la rentrée demain. Je m'occupe du reste.

Il faut dire que j'avais bien travaillé ce soir et mes pieds en payaient le prix. J'embrasse ma mère, qui me remercie de mon aide, avant de me diriger vers ma chambre.

Une fois mon alarme réglée à sept heures, je me glisse sous la couette et m'endors instantanément, malgré la boule au ventre qui vient de se former à la pensée de demain.

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