Éclats

Chapitre 21

Tyler

Je suis à nouveau arrivé en retard en cours de littérature ce matin, ce qui n'a pas le moins du monde enchanté monsieur Harris.
Résultat : j'ai rendez-vous demain à treize heures tapantes au lycée pour deux heures de colle.

Génial, ce connard vient de ruiner mon week-end.

— Qu'est-ce que vous matez ?

Je mitraille du regard tous les imbéciles d'élèves qui me fixent comme si j'étais Beyoncé sur le point de donner un concert.

Qu'ils aillent en enfer, ces fils de pute.

Je suis en train de m'installer à ma place habituelle, tout au fond de la classe, quand j'entends le prof m'appeler.

— Monsieur Brown ? Veuillez-vous installer au premier rang, à la place de Rachel, je vous prie. Vous y resterez jusqu'à la fin de l'année.

Comme par hasard, cette place se trouve juste à coté de celle d'Ella. Les astres sont contre moi, aujourd'hui, c'est ça ? Serait-ce plutôt le karma qui me donne un bon coup de fouet ? Je dois user de toute ma volonté pour ne pas me barrer de cette classe de merde et poser mon cul là où on m'a demandé de le faire. Rachel rassemble ses affaires pour s'installer à ma place.

Chanceuse.

Bien sûr, j'ai droit a des regards plus que noirs de la part de cette connasse d'Ella. Je les lui rends donc avec plaisir.
Le prof nous demande de sortir nos exemplaires de The Great Gatsby. Je ne l'ai jamais. Je trouve ça complètement inutile et absurde de trimballer un livre toute la journée pour au final ne l'utiliser que quelques minutes par jour.

— J'ai pas le mien, m'sieur, annonçai-je sans prendre la peine de lever la main.

Comme toujours, toutes les têtes se tournent vers moi.
J'attire l'attention partout où je vais. Certains disent que c'est à cause de mon comportement, mais je suis plus d'avis de ceux qui pensent à mon physique.
Le prof soupire en reportant son attention sur la peste qui me sert de voisine.

— Ella ? Aurais-tu l'amabilité de partager ton livre avec monsieur Brown, s'il te plaît ?

Même en la regardant du coin de l'oeil, je la vois rougir jusqu'aux oreilles. Mes yeux se lèvent tout seuls au ciel.

— Oui, monsieur. Euh... pas de problème.

Elle fait glisser son livre ouvert vers moi et prend soin d'en placer la tranche sur les bords de nos tables jointes. Je ne daigne même pas y jeter un oeil, préférant de loin feindre l'indifférence.
Le cours commence enfin. Au début, nous n'avons pas besoin du bouquin, étant donné que nous étudions l'auteur F. Scott Fitzgerald.
Ella n'arrête pas d'écrire, à croire qu'elle reporte chaque syllabe que le prof prononce dans son cahier. Alors que moi, je n'ai même pas de stylo. Malgré ça, j'ai d'excellentes notes, et ce, dans toutes les matières. Je ris discrètement à cette pensée.

— Bon, on s'y met ?

La voix suraigüe d'Ella me sort de mes pensées. Je me tourne vers elle, déjà agacé.

— Qu'est-ce que tu veux ?

Ses sourcils se froncent et son regard chargé vise le mien. Je dois avouer qu'elle peut faire un peu peur, quand elle veut.

— Ça t'arrive d'écouter ? Tu sais, c'est ce concept qui consiste à utiliser ton ouïe pour comprendre ce qu'on te dit.

Quelle abrutie, celle-là, à toujours vouloir remettre tout le monde à sa place.

Une petite idée me vient alors en tête.

Peut-être que je devrais la calmer...

Je me penche vers elle, un sourire enjôleur aux lèvres.

— Est-ce que tu me pardonnes si je te dis que j'étais plus concentré sur toi que sur le prof ?

Mes paroles ont l'effet escompté : son visage et ses oreilles prennent feu. Je me penche d'avantage, collant presque mon nez au sien.

— T'es tellement attirante dans ce jean que j'ai pas réussi à détacher mon regard de toi...

Ella ne bouge pas d'un pouce, certainement sous le choc de ce qui sort de ma bouche. Toute la classe nous fixe, à présent. Je sais bien que des rumeurs vont fuser à propos d'Ella et moi, mais j'en ai strictement rien à foutre. C'est bien trop marrant de la voir à court de mots. Je me redresse et pars d'un fou rire.
L'objet de mon hilarité en profite pour reprendre ses esprits.

— Imbécile ! Fais ça avec Maddison ! Tu sais, ta copine !

Elle vient de remarquer que son timbre de voix est bien trop élevé et qu'il a d'autant plus attiré les regards sur nous.

Comme si on n'était pas déjà le centre d'attention de cette putain de classe...

Cette fois-ci, elle me donne des ordres en chuchotant.

— Arrête tes conneries. Faut qu'on se mette au travail.

— Mince, alors ! C'est vrai que sinon, le professeur risque de se fâcher et de nous mettre un A-. Ça serait trop bête.

Ma petite blague ne fait pas le moins du monde rire Ella. Au contraire, je devine que sa colère augmente tandis qu'elle jette des regards furtifs tout autour d'elle avant de me faire face.

— Écoute bien, Brown. Je vais pas te faire la morale, mais si on doit travailler ensemble, on travaillera ensemble. Et crois-moi, j'en ai encore moins envie que toi. Donc bosse, maintenant.

Elle achève sa phrase en sortant un crayon de sa trousse et commence à écrire. Mais remarquant que je ne l'imite pas, elle se tourne vers moi, l'air exaspéré.

— Tes oreilles te servent de décoration ou quoi ?

Je ricane malgré moi avant de me gratter l'arrière du crâne.

— En fait... euh... je sais pas ce qu'il faut faire... donc si tu pouvais m'éclairer, ça m'aiderait pas mal. Et un stylo serait pas de refus, non plus.

À ma grande surprise, elle rejette sa tête en arrière et part d'un fou rire, dévoilant sa gorge au passage. Ce geste si innocent, si naturel, me fait réaliser quelque chose : nous sommes en train de bien nous entendre.
On se taquine même !

Depuis quand je sympathise avec des salopes comme elles, moi, déjà ?

À peine ai-je songé ces mots qu'Ella s'arrête net de pouffer, comme si elle avait lu dans mes pensées.

— Il faut... (elle se racle la gorge) relever les éléments qui permettent de construire un portrait réaliste de Gatsby.

Je hoche la tête et pour la première fois depuis des mois, je me mets au travail.

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Serait-ce un début d'amitié entre Ella et Tyler ? Ou peut-être d'amour... qui sait ?

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