Éclats

Chapitre 18

Ella

Ce mercredi-là, en rentrant chez moi, j'ai le malheur de tomber sur Daniel, assis dos à la porte d'entrée.

Super.

Au départ, je comptais simplement passer à côté de lui sans lui accorder la moindre attention, comme lui le fait au lycée, mais après avoir vu sa tête... ça me paraît tout bonnement impossible.
Il semble tout droit sorti de sa tombe. Sérieusement, je n'ai jamais vu ça de ma vie. Les zombies dans The Walking Dead font moins peur, à côté. Hésitante, je m'approche de lui, mais comme eux, il ne bronche pas.

Bizarre.

Il ne fait que fixer un point devant lui, comme si c'était la seule chose qui existait.
Je n'ose d'abord pas le toucher, mais je finis rapidement par poser la main sur son épaule froide. Il doit être là depuis un bon bout de temps. Il me fait un peu penser à un chiot abandonné, attendant que son maître rentre de sa journée de boulot.

— Daniel ?

Aucune réaction.

Que diable est-il arrivé à cet idiot ?

Je le secoue doucement, dans l'espoir de provoquer une quelconque réaction chez lui.

— Daniel ! Allô ? Il y a quelqu'un ?

— J'ai oublié mes clés.

Je lâche un soupir.

Je vais certainement le regretter. Tant pis.

Après avoir posé mes affaires au sol, je me glisse à côté de lui en frissonnant. Le sol en béton est dur et froid sous mes fesses. Il fait étonnamment frais pour un soir d'été. Il fallait avouer que je n'étais pas non plus habillée très chaudement...
De nouveau, un soupir s'échappe de ma bouche. Cette fois, c'est plus pour attirer son attention qu'autre chose. Je me mets à fixer le vide, comme lui.

— Tu pouvais sonner chez les voisins, tu sais ? Ils t'auraient ouverts.

Rien.

— Daniel ?

Toujours rien.

— Écoute, je ne compte pas parler seule toute la soirée, donc si tu pouvais répondre ça ser...

— J'y avais pas pensé.

Ça m'étonne qu'il arrive encore à penser tout court, dans cet état...

Il ne prend toujours pas la peine de me regarder, ce qui commence sérieusement à me taper sur le système. Je ne suis pas invisible, tout de même !
Je me tourne vers lui.

— Qu'est-ce que t'as ? Tu veux rentrer pour en parler ?

Putain, j'arrive pas croire que je joue à la bonne samaritaine avec un mec qui me harcèle avec sa petite bande d'imbéciles au lycée.

Daniel secoue la tête.

— Je veux juste que t'ouvres cette putain de porte, Ella.

J'aurais dû m'en douter. Je suis vraiment trop gentille...

Il se relève pour s'adosser au mur du bâtiment.
Je fais de même, dans l'intention d'exhausser son souhait et d'en finir avec lui. Franchement, il mériterait que je le laisse dehors.

— Tiens-moi ça.

Il prend les vêtements que je lui tends sans discuter. Je suis en train de fouiller dans mon sac, à la recherche de mes clés, quand j'entends un bruit de froissement suivi d'un autre, de claquement. Je me tourne et en baissant le regard, j'aperçois ma robe et mes chaussures aux pieds de Daniel, qui a les yeux écarquillés et la bouche grande ouverte.