Éclats

Chapitre 29

Daniel

Dès que je vois Ella déguerpir en direction de la fête, je me tourne vers Ethan. Grâce aux lumières qui émanent de la maison, j'arrive à voir son visage qui a pris la couleur du sang. Je crois même apercevoir de la fumée sortir de ses oreilles et de son nez.
J'ai probablement lu trop de bandes dessinées.

— Qu'est-ce que tu fous là, Müller ?

Jetant un oeil dans la direction qu'Ella a emprunté, Ethan se plante devant moi. Il ne voit visiblement pas l'intérêt de la poursuivre, étant donné qu'elle a déjà disparu de l'horizon. Je m'avance davantage vers lui et plante mon regard dans le sien.

— Qu'est-ce que tu comptais lui faire, au juste ?

Pas la peine de mentionner que je parle d'Ella. Il réajuste sa ceinture avant de me répondre.

— Ça se voyait, non ?

Il pointe un doigt accusateur vers moi avant de le planter dans mon torse pour appuyer ses propos.

— Tu nous a interrompus, d'ailleurs. Je peux savoir de quel droit ?

Je hausse les épaules, comme si ça n'avait pas beaucoup d'importance.

— Elle avait pas l'air d'en avoir envie.

Ethan fronce les sourcils.

— Non mais, de quoi je me mêle ? Occupe-toi de ta meuf, pas de la mienne, mec. Je sais très bien si elle en a envie ou pas.

Je m'approche jusqu'à ce que nos nez soient à deux doigts de se toucher.

— T'es qu'un putain de connard, Ethan.

Malgré la pluie qui commence à tomber, il ne cille pas. Si l'on avait été dans un film western, c'aurait été le moment de dégainer nos armes. Malheureusement, on est dans la réalité. Et à la place, il commence à rire.

— Tu crois que je le sais pas déjà, ça ?

— Ne t'approche plus jamais d'elle. C'est compris ?

Ne pouvant me contenir d'avantage, je monte le poing et l'écrase en plein dans son visage. Il ne devait pas s'y attendre, sinon il aurait paré mon coup. Mon adversaire porte immédiatement ses mains à l'endroit où je l'ai touché, autrement dit, à la mâchoire.
Apparemment, j'ai réussi à le prendre par surprise. Trop occupé à me réjouir de cette petite victoire, je ne réagis pas assez vite pour esquiver sa contre-attaque. Ethan, du coup qu'il vient de me porter en plein nez, m'envoie valser. Un craquement se fait entendre tandis que j'atterris sur la terre devenue boueuse à cause de la pluie. Pris d'une douleur atroce, je grimace.

Ce fils de pute vient de me péter le nez.

J'y porte la main. En les passant dessus, mes doigts rencontrent un liquide visqueux et gluant. Ils sont en sang. Je reste absorbé par cette couleur hypnotisante. Elle me rappelle certains souvenirs que je m'efforce d'oublier.

— Si tu veux te battre, c'est maintenant, Müller. Relève-toi.

La voix d'Ethan me vaut un retour net à la réalité. Alors, je lui obéis, non sans difficulté. Mon nez me fait un mal de chien mais la détermination est plus forte que la douleur. En plongeant mon regard dans le sien, je me souviens de mon objectif.
D'un coup, ma vision se brouille, ma respiration s'accélère et mes poings se crispent. Mon corps entier prend feu. Je n'ai désormais plus qu'une seule chose en tête : lui faire mal. Je me rue violemment sur lui et nous roulons l'un par-dessus l'autre dans la gadoue qui ne tarde pas à tâcher nos vêtements. En me mettant à califourchon sur lui, je le roue de coups, sans jamais le laisser m'atteindre.
Un dans le front, un dans le nez, puis un autre dans l'épaule. Malgré mes efforts, il réussit à me toucher à l'épaule et au torse à quelques reprises.

Étant obsédé par le fait de le blesser, je ne me rends compte que quelques secondes plus tard que des bras se démainent pour m'arrêter. Tout se mélange alors dans ma tête. J'entends des cris et sens des mains se poser partout sur moi. Baissant le regard sur mon corps, je réalise que des tâches de sang imprègnent mes mains et mon t-shirt.
Ils doivent appartenir à Ethan plus qu'à moi étant donné que je l'ai frappé plus fort et plus de fois que lui. Je reporte mon attention vers celui-ci mais un amas de personnes l'entourent et me bloquent la vue. J'espère de tout coeur qu'il est encore conscient. Autrement, je risque de faire un tour au commissariat. Quelqu'un s'approche de moi et saisit brutalement mon bras. C'est un garçon... Ted, je crois, l'un des nombreux cousins d'Ethan.

— Non, mais t'as complètement disjoncté, mec ! Faut t'enfermer ! T'es qu'un putain de psychopathe ! Tu te rends compte que...

Je ne l'écoute déjà plus. Me libérant de l'emprise des deux inconnus qui me tiennent à l'écart, ainsi que de celle de Ted, je me précipite vers la maison. La fête bat toujours son plein dans celle-ci, ignorant ce qui vient de se produire à côté.
Pour me donner du courage, j'emplis mes poumons d'air frais. Puis, je me mets à courir vers ma voiture. La possibilité qu'Ella l'ait prise pour filer d'ici m'effleure l'esprit. Après tout, je lui ai confié les clés. Fort heureusement, la BMW noire est toujours là où je l'ai laissé. Ella aurait pu déguerpir, mais au lieu de ça, elle s'est installée sur le siège passager pour attendre mon retour.
Je lui en suis reconnaissant.
M'approchant de la caisse, je toque à la vitre côté conducteur. Ella sursaute et porte la main à son coeur avant de se tourner vers l'origine du bruit. En m'apercevant à travers la vitre, elle ne peut visiblement pas s'empêcher d'expirer de soulagement. Je lui souris avant de toquer à nouveau.

— Bon, ouvre-moi vite, qu'on fiche le camp.

Même si elle ne m'a pas entendu, elle s'exécute. Je me glisse sur le siège à coté du sien. En apercevant plus clairement mon nez ensanglanté, les nombreuses égratignures sur mon visage et mes mains aux jointures cassées, elle émet un cri.

— Oh mon dieu, Daniel. C'est Ethan qui t'a fait ça ?

Elle commence à nettoyer le sang s'écoulant de mes narines à l'aide d'un mouchoir sorti de sa poche. Je l'arrête immédiatement.

— C'est pas grand chose, oublie.

— Daniel, tu t'es vu, au moins ? On file à l'hôpital.

— Hors de question. C'est rien de grave, par rapport à ce qui t'es arrivé. On rentre à la maison.

— Daniel, tu...

Je la coupe.

— On y va.

J'essuie mes mains sur mon jean. À l'aide des clés qu'elle me rend, je démarre la bagnole et fais marche arrière pour ensuite me diriger vers la route principale. En contournant la maison, on aperçoit une ambulance entourée d'une bonne dizaine de personnes. Je n'arrive pas à croire que je l'ai blessé au point qu'on a eu besoin d'appeler les secours, moi qui ne me bat pourtant jamais. En tout cas, mon corps aussi s'en souviendra pendant un bon bout de temps.
Trouvant Ella d'un coup très silencieuse, je jette un coup d'oeil discret dans sa direction. Tandis qu'elle scrute attentivement son agresseur et les gens qui s'affairent autour de lui, des larmes tracent leur chemin sur ses joues roses. Mon regard descend ensuite sur ses jambes nues.

Au moins, le manteau couvre le haut de son corps.

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Eh bien ! Petite baston bien méritée pour le vieux Ethan, en tout cas.

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