Éclats

Chapitre 30

Daniel

Un putain de miracle a sauvé Ella ce soir.

Après l'avoir vu descendre les escaliers avec un air indéchiffrable sur le visage, j'ai voulu m'assurer qu'elle allait bien. J'ai donc abandonné la partie de billiard pour partir à sa recherche. C'est en m'éloignant un peu de la baraque que j'ai aperçu Ethan l'embrasser plus ou moins sauvagement contre un arbre. Je me suis alors dit qu'ils étaient probablement venus ici en quête d'un peu d'intimité. Mal à l'aise, je suis alors vite retourné à la soirée, ne voulant pas assister à ce spectacle plus longtemps.
À peine quelques minutes plus tard, Eric, un des cousins d'Ethan, m'a proposé de sortir fumer. J'ai réfusé la clope mais ai accepté sa proposition d'aller prendre l'air. Eric est rentré aussitôt sa cigarette terminée. J'ai voulu rester encore quelques minutes pour observer les étoiles. C'est là que j'ai entendu des cris provenant du sentier menant à la forêt. Alarmé, je me suis précipité vers les appels à l'aide.
Et... vous connaissez la suite.

— Est-ce qu'on peut rentrer plus vite ? J'ai déjà largement dépassé mon couvre-feu.

Elle se fiche du couvre-feu, ce n'est qu'une excuse. Je sais qu'elle veut rentrer pour que je me rende à l'hôpital le plus rapidement possible.

— Pas de problème.

Un silence assez dérangeant s'installe. Ella regarde les maisons défiler par la fenêtre, ne me prêtant aucune attention. Pour ma part, j'ai du mal à me concentrer sur la route, trop occupé à me faire un sang d'encre pour elle. Je décide alors de me garer sur le côté, devant un magasin de meubles fermé. Bizarrement, cette rue est déserte.
Ella se tourne vers moi, troublée.

— Pourquoi on s'arrête ?

— On doit aller à la station de police, Ella. Tu dois reporter ce qui vient de...

Elle m'interrompt.

— Il ne s'est rien passé, c'est clair ? Je ne veux ni aller à la police, ni en parler. Et puis, c'est plutôt toi qui devrait aller à l'hôpital que moi au commissariat.

Ses yeux lancent des éclairs. Même si elle semble vraiment en colère, je me dois de la convaincre.

— Oublie l'hôpital. Il a pas le droit de s'en tirer comme ça. Tu comprends, ça ? Je sais pas si tu te rends compte de la gravité de la situation.

Des larmes recommencent à couler de ses yeux rouges, traçant un nouveau chemin sur son visage.

— Tu crois que je ne sais pas qu'il a failli me violer ? Regarde-moi, Daniel. J'ai même pas d'habits à proprement parler et mes affaires doivent sûrement être quelque part dans ces foutus bois.

Elle renifle.

— Crois-moi, je me rends très bien compte de la gravité de la situation.

Je ne voulais pas la contrarier, mais visiblement, j'avais réussi. Croisant les bras sur mon torse, je m'adosse au siège.

— Ella, je suis désolé, mais on n'ira nulle part avant que tu me dises que tu veux aller au commissariat.

D'abord, plusieurs secondes passent sans qu'aucun d'entre nous ne dise un mot. J'en profite pour nettoyer un peu de sang séché sur mon visage. Puis, sans prévenir, Ella ouvre la portière et sort de la voiture. Déboussolé, je l'observe marcher dans la direction opposée à moi, se frottant les bras dans le but de se réchauffer.

Merde. Là, elle va se faire violer à coup sûr.

Reprenant mes esprits, je redémarre la caisse et roule jusqu'à elle pour m'arrêter à sa hauteur. J'ouvre la portière côté passager.