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Face au miroir, un milliard de questions tourbillonnent dans mon esprit : « Est-ce que je leur fais confiance ? » ; « Est-ce que je peux vraiment ? » ; « Est-ce que je prends ce risque ? » L'indécision m'écrase, un poids insupportable sur ma poitrine. Je leur accorde une confiance suffisante pour ne pas craindre qu'ils me tuent dans mon sommeil, mais est-ce que je peux leur confier la vie de mon petit frère ? Ca ne demande qu'une série de petites questions pour le découvrir.

   Je sors de la salle de bain et tombe directement sur Aimée, allongée en étoile de mer sur le lit.

— Aimée ? Tu n'es pas avec les gars ?

— Non, je suis là.

   Oui, merci, je vois bien.

— Écoute, les gars ne savent pas. S'il te plaît, ne dis rien.

— Dwayne doit être au courant, il est concerné. Ça fait combien de temps ?

— Pas longtemps, je dirais deux mois.

— Deux mois ?! Donc tu as sept mois pour lui dire, s'il ne le remarque pas avant à cause de ton ventre qui grossit et de l'odeur qui change.

— Attends, tu penses que je suis enceinte ?

— Bah, j'ai pensé que tu avais compris que je faisais allusion à ça...

   Un éclat de rire jaillit de nous deux, mais je ne peux pas m'empêcher de poser la question :

— Et toi ? Tu pensais à quoi, alors ? Ça fait deux mois que quoi ?

— Ne leur en parle pas, s'il te plaît.

— Je te le promets.

— L'alpha Peter Black est venu il y a deux mois...

— Oui. Je l'encourage à poursuivre.

— Un jour où il était là... Nous avons eu une attaque à l'Ouest, et il en a profité pour venir me voir...

   Je comprends sans difficulté la suite. Le regard qu'elle me lance est empreint de détresse, tandis que le mien déborde probablement d'une haine profonde et infinie pour cet homme.

— S'il te plaît, ne leur dis pas. Ils ne doivent pas savoir. Pas tout de suite... Cela compromettrait trop de choses importantes.

— L'alliance ? Je suis convaincu que ton frère le tuerait. Accompagné de ton âme-sœur, de ses deux autres bêtas et de la meute.

— Espoir, ce n'est pas que ça qui serait foutu en l'air. Il ne faut absolument pas qu'ils découvrent la vérité avant le bon moment. Viens, ils nous attendent.

   Elle se lève et s'éclipse, me laissant immobile, choqué. Elle parvient à se lever après son viol, alors que moi, je suis paralysé par l'horreur. Elle place sa meute avant son propre malheur. Pendant ce temps, je ne vis que pour ma vengeance, une vengeance qui se nourrit désormais de la souffrance d'Aimée.

   Je finis par rejoindre le groupe. Aimée fixe l'horizon à travers la fenêtre, le regard dans le vide. Si les autres ne sont pas au courant, alors elle a affronté cette épreuve seule. Sans personne pour la réconforter, personne pour lui murmurer qu'elle n'est pas seule.

   Après ce qu'elle a vécu, je suis persuadé qu'elle ne supportait plus qu'on la touche. Elle devait désirer qu'on la laisse en paix, mais, étant la seule à connaître la vérité, elle n'a pas pu laisser libre cours à ses sentiments de peur et de tristesse. Sinon, ils lui poseraient trop de questions sur son état. Personne ne devrait traverser ça seule. Personne.

— Espoir, tu voulais cette réunion. M'interpelle Maxwell.

   Je ne lui prête aucune attention, mon regard s'accroche à Aimée, qui semble enfermée dans un souvenir douloureux. J'ai dû affronter la perte de ma famille en solitaire, et elle, elle a été seule après son viol. Je comprends maintenant l'immensité de la solitude qu'elle doit ressentir. Et je commence à saisir l'importance du point-virgule.

   Les voix des garçons se mêlent à l'angoisse ambiante, mais je reste sourde à leurs appels. Même Aimée ne semble pas les entendre.

— Espoir.

— Qu'est-ce qu'elles ont ?

— Ce n'est pas vrai ! Pourquoi elles ne nous entendent pas ?!

   Je vois Dwayne poser une main sur l'épaule de son âme-sœur. Celle-ci sursaute et se tourne vers lui, la peur dans les yeux. Je ne perds pas une seconde et ouvre mes bras pour l'envelopper. D'abord surprise, elle ne réagit pas, puis lentement, elle m'entoure de ses bras.

— Tu n'es plus seule, je suis là. Je murmure doucement, juste assez pour qu'elle seule m'entende.

   Ses bras se crispent, comme si elle cherchait à contenir la douleur qui menace de jaillir. Je sens son désir de se laisser aller, de libérer sa peine, mais elle se retient. Il y a les garçons, et leur présence la pèse comme une chaîne invisible.

— Nous en reparlerons si tu veux.

   Nous nous séparons après ces mots. Elle acquiesce d'un simple hochement de tête, sans un mot. Je lui adresse un sourire, le plus sincère que je puisse lui offrir dans ce moment de vulnérabilité.

— Qu'est-ce qu'il se passe ? S'énerve l'alpha, sa voix grondant d'impatience.

— J'avais juste besoin d'un câlin féminin, alors je lui en ai donné un. Je réponds calmement, en posant mon regard sur lui.

— Un câlin ? Répète Liam, un sourcil haussé. Que je sache, Aimée n'aime pas qu'on la touche.

   Je ne la regarde pas, sachant exactement pourquoi elle évite le contact. Sa douleur est quelque chose qu'elle préfère garder enfouie, loin des regards.

— Même avec moi. Ajoute Dwayne, sa voix pleine de tristesse à peine voilés.

— Les gars, je... Commence Aimée, mais je l'interromps avant qu'elle ne se perde dans des explications inutiles.

— Parfois, un câlin féminin, c'est tout ce qu'il faut. On avait toutes les deux besoin d'un câlin féminin. Alors ne soyez pas jaloux. Je précise avec un petit sourire, même si leur jalousie n'est pas la véritable raison de cette tension.

   Je répète le mot "féminin", insistant sur le fait que ce n'est pas une question de proximité masculine ou de confort physique. C'était un moment qui leur échappe, un instant qu'ils ne peuvent pas comprendre, car ce besoin est bien plus profond.

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Et si... Nous étions âme-sœurOù les histoires vivent. Découvrez maintenant