5

1.1K 8 0
                                    

A la fin de ma troisième, deux policiers sont venus dans mon collège pour parler du viol. Dans ma classe, nous étions trente et un. Au départ, j'étais contente, je trouvais le sujet intéressant, je trouvais ça bien que deux policiers viennent pour nous parler de ça et puis, je loupais une heure d'espagnole. Ils sont rentrés dans la salle d'abord silencieux, à observer partout comme s'ils cherchaient de potentielle bombes. C'était une femme et un homme. Elle était blonde, ses cheveux étaient coincés dans un chignon strict, des yeux bleus de glace, des lèvres rosées par du rouge à lèvre qui mettait en valeur ses gercements. Lui, était grand, costaud, il était très imposant. Cheveux brun, yeux bleus sans vie, de la barbe. Tous les deux portaient la tenue que donnait la police. De grosses chaussures noirs, peut-être un gilet par balle en dessous de leur sorte de veste, et un flingue.

Le gars se promenait entre les rangées de tables et la madame notait au feutre des trucs au tableau. Elle avait une écriture lambda mais écrivait petit. Je pouvais lire de là où j'étais – à l'avant dernier rang- « VIOL » en plein milieu du tableau. Ce mot était entouré de plusieurs questions :

Qu'est-ce que c'est ?

A quel moment on parle de viol ?                   Quoi faire en cas de viol ?

Que risque un violeur ?

Elle nous a tout raconté. Et c'était vraiment impressionnant. Quand elle parlait, toute la classe était obligée d'écouter, son visage fermé et sévère ne nous laissait pas le choix. Elle fessait peur. Elle a répondu à toutes les questions inscrites en rouge. J'ai dit elle ? Je voulais dire nous. Elle nous interrogeait, et c'est pas grave si t'avais pas lever la main ou si tu savais pas la réponse. Comme je l'ai dit, elle fessait peur, et on était tous pétrifié quand elle prononçait un prénom. Je ressentais une boule dans mon ventre qui ne voulais pas me quitter et ma gorge avait été sèche, irriter par le passage de ma salive qui me brulait. Ce qui m'a le plus surpris c'est que le gars qui fait habituellement rire l'ensemble de la classe, le gars qui est toujours là à toujours débiter les mêmes conneries, se l'était fermé pendant toute l'heure. On aurait pu croire que c'était par respect envers la policière mais ces joues rouges en témoignaient le contraire. Par contre, le gars timide, le garçon timide qui ne dit jamais rien, lui, par contre, avait réponse à la moitié des questions. Il connaissait tout.

La dame nous a tout dit. Un viol est un acte par lequel une personne force une autre à avoir une relation sexuelle avec elle avec violence. Pour un viol, il faut qu'il y ait pénétration. Sinon ce sont des attouchements. Ça peut être de plusieurs manière, par la chatte, par le cul, avec la langue, avec les doigts, avec la bite. Bref, vous connaissez le sujet, je ne vais pas vous faire un mini cours. C'était un peu dérangeant car elle utilisait les mots spécifiques et je pense que ça a plus d'impact car ça montre, que c'est pris au sérieux. « Pénétration par voies génitales », « pénétration anale ». C'était plus simple de dire « chatte », « bite », « cul », « queue ». Parce que quand j'employais ces mots, s'était pour rire, c'était amusant. Là, ça ne l'était pas, d'amusant.

Elle m'a fait prendre la parole, sauf que je ne savais pas quoi dire. Qu'est-ce qu'elle voulait que je dise ? Que le viol c'est pas bien ? Sur l'instant, je l'ai traité silencieusement de « salle chienne ». Elle le méritait pour l'accélération du rythme de mon cœur et du coup de poing dans le ventre. J'ai tremblé puis j'ai dit dans un souffle :

- Je sais pas.

Et c'est tout. Elle a fait un mouvement de la main comme si elle venait de chasser une mouche et a dit suivant. Elle ne m'a plus regardé ni interrogé. Je n'avais pas su répondre et du coup je n'existais plus. Je n'étais qu'un déchet, elle pensait avoir besoin de moi, elle m'a fait fonctionner, je n'ai pas fonctionné, elle me laissait seule sur le sol, s'intéressant à un autre joujou. Je sais pas pourquoi je l'avais pris si personnellement, de toute manière, je sais pas grand-chose. Peut-être parce que je me suis dit que toutes les deux nous connaissions ce qu'elle appelait « pénétration par voies génitales », « pénétration anale », pas de la même manière certes mais ça n'empêche rien. Moi j'exerçais, avec des personnes consentantes bien sûre et elle, elle en parlait. Elle est venue avec un mec inutile et je considère que les mecs sont inutiles. Elle a dû remarquer que son collègue ne servait à rien et devait en penser quelque chose. Je pensais être comme elle, une femme à l'allure féroce, qui avait un partenaire là juste pour la présence parce qu'on gérait très bien toute seule. Mais apparemment, ce n'était pas réciproque. Je me leurrais, c'est tout. Je me suis inventée une sorte d'« amie » imaginaire qui pouvait me comprendre tout comme moi je la comprenais. Après ce petit cours spécial, je ne l'ai plus jamais revu. Et même si je la revoyais, disons par exemple dans son commissariat de police et que je portais plainte contre viol et que c'est elle qui me prendrait ma plainte, jamais elle me dirait « tiens, je me rappelle de toi, on en a parlé ensemble justement » avec un petit clin d'œil, non, elle ne pourrait pas me dire un truc comme ça, pas parce que ça ne se ferait pas ou parce qu'elle en a pas les couilles, non, juste parce qu'elle ne se souviendrait plus de moi.

Je sais pas ce qu'elle est devenu et à vrai dire, je m'en fiche un peu. Je vous l'ai déjà dit, je ne sais pas grand-chose mais grâce à elle, je connais le sujet du viol par cœur. Je ne me suis jamais faite violer, je n'ai jamais violé personnes, ce qu'elle nous a enseigné ne m'a jamais servie.

Mes amoursOù les histoires vivent. Découvrez maintenant