LA MORT DE LA POESIE

Poème 59 SACRIFIEE

Une petite fille me regardait au bout de la rue
Comme si à l'instant au monde elle fut venue.
Le soleil s'apprêtait à se lever
Et moi à me coucher.
Son regard ne me lâchait pas.
Comme ses yeux étaient bleus.
Mes pas ne la suivaient pas.
Mon dieu nous étions tous deux
A nous regarder
Comme si plus rien autour de nous ne comptait.
Le soleil se levait.
J'étais fatigué.
Sa chevelure blonde,
C'était cet astre brillant,
Encore aujourd'hui de mélancolie m'inonde.
Lorsqu'elle fit le premier pas
Elle se retrouva en face de moi.
Les murs de chaque côté de la rue
Depuis longtemps n'étaient plus.
Des gouttes tombèrent sur mon visage
Et mon cœur était d'un autre âge.
Lorsqu'elle me prit la main
Nous étions déjà au lendemain.
Plus rien n'était autour de nous
Et je me rendis compte que le temps était flou.
Alors je devins fou,
La voyant porter une arme à son cou.
J'ai voulu comprendre pourquoi
Mais j'ai vu qu'elle ne voulait pas.
Elle me demanda seulement de choisir :
Je me tue
Ou je vous tue.

Une révolution se produisit dans mon esprit.
J'avais réglé cette question depuis des décennies.
Elle connaissait mon passé
Et avec aisance y naviguait.
Je crois qu'elle était ma conscience,
Celle que je réfutais avec méfiance.
Elle était belle comme jamais,
Et c'était la première fois que je la voyais.
Je me demande encore
Ce que symbolisait son arme.
Elle était puissante
Et en même temps malveillante.

Je vis l'arme se lever sur moi
Et compris que c'était moi.
Lorsqu'elle avait baissé son bras
Je n'étais plus là.
Perdu dans mes pensées,
Loin dans le passé.
Le canon me montra son trou béant
D'où coulerait bientôt la fumée du néant.
Mais non !
Quelque chose ne va pas !
Sur son visage l'arme elle pointa.
Je comprends qu'elle est ma fille
Et que sa vie va exploser.
Devant moi,
Impuissant humain,
Elle pressa la détente.
Je préférai fermer les yeux.

Des larmes coulent sur mes joues
Car ma fille s'est sacrifiée pour nous.
Le soleil s'apprête à se lever
Et moi à me réveiller.