Chapitre 15

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Comme prévu, c'est à 2h30 du matin que mon réveil me sort de mon profond sommeil.

D'abord agacée d'être réveillée en pleine nuit, je change vite d'état d'esprit quand je me rappelle la raison de ma nuit écourtée.

Encore à moitié endormie, je soulève ma couverture et sors de mon lit de la façon la plus lente qui soit. Je prends le temps de me frotter longuement les yeux puis de m'étirer pour bien réveiller mon corps. J'enfile ensuite mon jean noir acheté il y a trois ans et un sweat de la même couleur. Je m'assois ensuite sur mon lit pour chausser mes converses. Je farfouille dans mon placard jusqu'à tomber sur mon bonnet noir qui permet de cacher légèrement mes longs cheveux bruns, je l'enfonce sur ma tête.

Le numéro 205 tourne en boucle dans ma tête.

J'attrape mon sac de cours, y fourre mes achats de l'après-midi, mes croquis et le ferme avant de le mettre sur mon dos. Avant de sortir, je préfère quand même vérifier que mon père n'est pas rentré, ce qui à mon plus grand soulagement, n'est pas le cas. Je m'extrais de mon appartement en prenant bien soin de ne faire aucun bruit pour n'alerter personne. J'utilise la lampe torche de mon téléphone pour être éclairée : utiliser l'éclairage de l'immeuble serait trop risqué et je risquerais d'être repérée.

J'avance dans le couloir sur la pointe des pieds.

Quand j'arrive devant la porte 205, je chuchote :

— Salut toi, ça te dirait de changer de tête ?

J'attends de voir si elle me répond. Ce qui n'arrive pas.

— Non ? Dommage t'as pas le choix !

Je dégaine mes bombes de peinture achetées plus tôt dans la soirée — une rouge et une noire — de mon sac ainsi que mon croquis.

Le doute m'envahit peu à peu au moment où je m'apprête à commencer le tag, mais est vite chassé par l'adrénaline qui coule dans mes veines.

Impatiente, je ne résiste pas plus longtemps et me lance. Après quelques minutes, mon croquis réalisé plusieurs heures plus tôt prend désormais forme sur cette porte. Je n'ai jamais été très douée en dessin, mais quand on veut on peut. Alors avec un peu de volonté, j'ai réussi à faire quelque chose de très correct et qui fait passer le message que je souhaite.

Une fois totalement fini, je me recule et souris en voyant mon chef d'œuvre : un dessin représentant le mec de tout à l'heure en train de toucher une fille, une mineure. Moi. Mais bien entendu je me suis dessinée sous un autre visage pour ne pas être reconnue. Au-dessus j'ai inscrit : « Les gens dit normaux en 2018 » en désignant l'homme représenté.

Je me retourne après avoir contemplé la porte une dernière fois, et me dirige en trottinant vers le rez-de-chaussée.

Si je veux que mon père ne rate pas le prochain tag, il faut que tout le monde puisse le voir. Le seul endroit que j'ai trouvé est la porte d'entrée de l'immeuble. Elle est en vitre donc on verra mon tag de l'intérieur comme de l'extérieur. L'un sera forcément à l'envers mais on pourra comprendre ce qui est dessiné dans tous les cas, alors ça n'a pas de réelle importance.

Je m'apprête à sortir de l'immeuble pour le dessiner de l'extérieur, quand un groupe de gars arrive vers l'entrée, là où je me trouve.

Sous l'effet de la panique, je me précipite vers le local où il y a tout le matériel des femmes de ménage et ferme la porte derrière moi. Je regarde par le trou de la serrure pour voir qui entre dans l'immeuble à cette heure-ci. Un des gars appuie sur l'interrupteur pour que la lumière les éclaire. Je me fige en constatant que ce n'est personne d'autre que Connor, Louis, Caleb et Jeffrey.

Je suis d'autant plus choquée en voyant qu'ils sont tous plus ou moins amochés. Mais qu'est-ce qu'ils ont fait pour être dans un état pareil ? Ma bouche est grande ouverte et je ne fais rien pour la fermer. Là tout de suite je meurs d'envie d'aller leur demander ce qui leur est arrivé, mais je m'abstiens en me rappelant qu'ils comprendraient que c'est moi qui aie fait les tags.

— Je te jure Connor, tu nous fais plus un coup comme ça sérieux. Ça aurait pu nous coûter encore plus.

— Ouais, ouais, je sais, mais c'est l'autre qui m'a cherché.

Caleb, visiblement énervé par le discours de son ami, le saisit par le col de son t-shirt et l'approche de lui.

— C'est toujours le même discours avec toi, sauf que tu te rends pas compte qu'en faisant ça tu nous mets tous en danger, pas seulement toi. On est déjà assez dans la merde comme ça, alors si tu pouvais éviter de nous ramener des problèmes ça serait pas mal.

Il a dit ça sans arrêter une seule seconde de fusiller Connor du regard. L'intéressé ne répond rien pendant quelques secondes... puis :

— Ramener des problèmes ? Je dois vraiment te rappeler que c'est toi qui as ramené Alexis à l'appart ? Elle est un aimant à problème et toi tu nous l'apportes directement chez nous. Et maintenant tu sais ce qui est en train de se passer ? Elle s'attache à vous trois, mais vous la décevrez forcément à un moment donné.

— Et je peux savoir pourquoi on va forcément la décevoir selon toi ? demande Caleb sur le point d'exploser. On n'est pas des connards !

— Tu comprendras quand t'auras fait le lien, puis il se tourne vers Louis et Jeffrey : quand vous comprendrez vous me tiendrez au courant pour qu'on trouve une façon de lui annoncer la nouvelle, je pense qu'elle aimerait connaître la vérité.

Sur ces mots il se dégage de l'emprise de Caleb et quitte le hall d'entrée en entrant dans la cage d'escalier. Le silence qui règne désormais est pesant. Les trois garçons s'échangent des regards remplis d'incompréhension, visiblement je ne suis pas la seule à être totalement larguée par les paroles de Connor. Puis sans un mot, ils s'éloignent à leur tour, prenant le chemin qu'a pris leur ami quelques secondes plus tôt. Une fois qu'ils ont complètement disparu de mon champ de vision, je souffle un bon coup avant de sortir du local où il commençait à faire chaud. Des dizaines de questions se bousculent dans ma tête mais aucune ne trouve de réponse cohérente à ce à quoi je viens d'assister.

J'essaie de reprendre mes esprits même si un mauvais pressentiment s'empare de moi. En sortant de l'immeuble, je fais bien attention à ne pas claquer la porte. Je ressors mes bombes de peinture et commence mon second dessin, l'esprit pas du tout concentré sur mon objectif initial.

Quand j'ai fini, je contemple mon œuvre qui cette fois-ci représente autre chose : un homme qui frappe sa fille. Pour ce dessin j'ai cherché un slogan plus poussé et qui interpelle plus que l'autre. J'ai fini par en trouver. Mais pas un, j'en ai trouvé deux. J'ai inscrit un au-dessus du tag : Pour les douleurs et le sang, on a déjà nos règles. Et pour le slogan du dessous j'ai mis : On ne naît pas femme mais on en meurt.

Des slogans chocs qui doivent provoquer un déclic chez les personnes qui n'ont pas encore conscience de ces violences-là. Je photographie mes œuvres sur mon téléphone et rentre chez moi. La boule au ventre ne me quitte pas depuis la conversation de tout à l'heure.

En entrant dans l'appartement, je prends tout juste le temps de me changer avant de me coucher. Je m'endors presque instantanément, bien que les paroles de Connor restent ancrées dans ma mémoire.

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