7.Les Plaines d'Émeraude

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Le soleil se couchait à présent.

Ce chevalier était silencieux, de nature froide et lugubre, pourtant en la présence de Théo tout cela disparaissait.
Assis dans une chambre à l'intérieur du chalet d'Isolda, il contemplait ses paumes.
Il les regardait comme hypnotisé par les dessins tracés sur sa peau.
Elles avaient fait énormément de mal comme il était facile de le remarquer.

Théo pensait qu'il était silencieux car parler pour lui devait être une perte de temps, sûrement encore une de ses leçons à la noix.

Ce soir le sorcier de la tour revînt, le guerrier l'entendit entrer, reconnu son pas sur les planches de bois grinçantes. Marchant à présent devant sa porte et avant même qu'il ne toque, Vlad dit à l'homme d'entrer.

Le torse découvert et pâle, il se tenait assis sur une chaise de bois et d'osier, les cheveux longs et détachés.

- Je dois examiner vos blessures.

Finit enfin par déclarer Kalixto, tendu.
Le chevalier était impressionnant, surtout quand il se leva, tous ses muscles dorsaux se contractèrent rien que pour se redresser.
Il était stoïque, et laissa le mage regarder la peau ayant cicatrisée miraculeusement.

- Allez-vous bien ?

Vlad ouvrit les yeux :

- Mmrh.

Grogna-t-il satisfait.

- Je suis heureux d'avoir pu vous aider brave homme, cependant...

Et le vieux mage se promenait légèrement angoissé dans la pièce en continuant de parler :

-... Je ne crois pas que vous vous soyez présenté ?

Le colosse se sentait légèrement agressé :

- Je me nomme Vlad, c'est tout ce que vous avez besoin de savoir.

Lança-t-il en l'écartant et s'asseyant avec des manières de manant.

Cependant Kalixto n'était pas dupe, il savait que "Vlad" était un nom qu'on ne donnait plus en ce temps et surtout dans ce royaume.
Les enfants de paysans ou de serfs à qui on avait donné ce nom avaient été le plus souvent châtié et pire que ça après la guerre...
Il le questionna afin de le piéger, d'un ton pour le moins amical :

- Et d' où venez-vous mon ami ? Êtes-vous noble tout comme moi ?

Vlad leva ses yeux rougeâtres vers ceux du mage stressé, il parla trop calmement pour que son ton soit rassurant tout en articulant clairement :

- Je ne suis pas votre ami, mage, demain je partirai à l'aube, ne cherchez pas à en savoir plus sur moi.

Le mage se rapprocha en taquinant le colosse conscient qu'il avait perdu cette joute :
Théo ne s'en rendait pas compte mais cette dispute mesquine n'était évidemment rien d'autre qu'une chasse à l'information.

Quelques minutes plus tard, quand Kalixto fut parti, Vlad attrapa le bras du jeune Théo dans le hall.
Il lui dit en chuchotant, presque plus inquiet encore qu'en affrontant la bête de ce matin sans y être préparé :

- Nous ne sommes pas en sécurité ici, demain à l'aube, nous reprendrons notre route.

Théo, perdu, ayant seulement entendu hausser le ton dans la chambre qu'on lui avait prêté ne compris rien à ce qui se passait :

- Pourquoi dis-tu cela, Vlad ?

Sa main lâcha machinalement le bras fébrile du jeune homme, il s'éloigna d'un pas les yeux dans le vide, les pupilles noires dilatées :

- Ne pose pas de questions dont tu ne veux pas connaître la réponse.

Bégaya-t-il perdu à son tour dans des pensées lointaines et vives.
Il se retira dans sa chambre avec des allures faisant penser à de l'angoisse.
Le jeune Théo dormit dans le hall servant aussi de salon dans un vieux fauteuil.

Le lendemain Théo se réveilla en éternuant, il avait la tête accoudée à la nuque d'un cheval, le nez dans son crin.
Il se redressait alors, Vlad était devant eux, tirant le cheval avec une corde tressée enroulée autour de son cou.

Il marchait, serein, calme et reposé.

- Bien dormi ?

Lança Vlad d'un ton sérieux en ne se retournant pas.

- Oui et toi cher instructeur. Dis-moi, comment tu sais que je suis réveillé, ou où je suis situé tout le temps ?

Vlad gloussa et se moqua pendant que le cheval secouait la tête :

- Tu es trop bruyant, Théo de Grisaille.

Et il ricanait, cela faisait ressentir pour une fois une certaine joie à Théo qui ne l'avait jamais entendu rire auparavant.

Un sourire se dessina sur le visage de Théo.

- Peut-être pourrais-tu m'apprendre à être plus discret ?

Il s'arrêta de rire, intéressé :

- Excellente idée.

Dit-il en se retournant et souriant.

Il devait néanmoins reprendre la route avant tout, ils se rendirent alors vers leurs chevaux qui les attendait la depuis quelques jours à manger du foin.

Mais avant cela le chevalier arrêta Théo pour lui donner un présent :
En effet, il tendit une sacoche de ceinturon verte à Théo en lui disant :

- Tiens, regardes-ça.
Tu m'as fait penser à ton père hier, il était un peu têtu sur les bords mais il avait un grand cœur.

Curieux et ému, Théo glissa sa main au fond du tissu et y trouva une bague :
Un bijou d'or, une émeraude gravée d'un arbre au milieu d'elle.

- Elle est magnifique !

Vlad se tut le temps d'un instant et poursuivit en avalant sa salive :

- Gardes-la, petit, elle appartenait à ton père, tu sais.

Théo admirait le bijou doré du colosse, bien trop petit pour ses doigts de géant.

le jeune homme voulu le questionner au sujet de son père mais il se rendit compte que Vlad avait l'air vraiment bouleversé rien qu'en y pensant.
Il de contenta donc de porter fièrement la bague.

Les deux explorateurs s'arrêtèrent dans une vaste plaine, parsemée de verdure et de fleur de toutes les couleurs.
Les collines formaient des vagues multicolores dormantes, parsemées de pétales volants au gré du vent.

Les bottes de cuir de Vlad creusait un passage dans les herbes haute, sans armure, il amena son apprenti dans le creux de deux collines.

À l'abri du soleil, entourés de fleurs et de papillons, à ce moment, Vlad demanda tout à coups à Théo d'un ton rauque et exigent :

- Montres-moi ta posture de combat, comme quand tu te battrais à mains nues.




Antan (Volume 1)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant