Alors que le crépuscule de printemps commençait à dévorer le ciel, l'obscurité envahissait peu à peu Grisaille.
Il faisait frai, et dehors, où régnait le silence et les quelques lumières des lanternes accrochées aux portes des maisons, la pénombre accueillait encore une fois l'étranger.Sa respiration était longue et vive, mais aussi douce que la fumée semblant s'échapper de sa bouche à cause de la fraicheur de l'ambiance ténébreuse.
Traversant à présent une courte rue, où se trouvaient deux rangées de maisons, l'homme marchait. Dépassant les lanternes de fer et d'argent, censées éloigner les monstres.le grand homme se considérait comme l'un d'entre eux. Dans son cœur, il n'y avait de place pour l'amour, la douceur ou la compassion, ces prédispositions sentimentales lui étaient inconnues, ou du moins, elles n'avaient plus leur place à ses côtés.
Il venait dans la ville, ou plus précisément dans cette fameuse auberge de Grisaille pour retrouver son futur apprenti.
Alors qu'il passait le palier de la porte, il fut confronté à un spectacle aussi bien douloureux qu'émouvant.Devant le comptoir de l'auberge, Yvann était assis en face de son fils adoptif, il tenait entre ses mains son épée.
Il lui dit alors qu'elle lui appartenait à présent et que s'il accomplissait des actes de chevalerie ou de noblesse avec, il pourrait lui donner un nom.
Théo l'accepta avec joie et n'eut pas d'autre réaction que de prendre dans ses bras son père
Il était heureux, mais triste, Yvann allait lui manquer, et inversement.Vlad ferma la porte dans un bruit cassant pour prévenir de son arrivée, face à cet acte d'héritage, il s'imposa.
Il s'approcha de sa grande taille et questionna seulement Théo sur son choix, celui-ci répondit qu'il était prêt.
Yvann demanda au titan de prendre soin de Théo, et l'être immense hocha seulement la tête.Ils se mirent en route de nuit, ce qui étonna fort l'aubergiste et son rejeton.
Cependant, en ce temps brumeux, il n'allait pas plus traîner ici.
La vérité était que Vlad n'aimait pas vraiment socialiser et qu'il n'aimait pas non plus la compagnie des gens en général.Après moins d'une heure de marche, Théo se retrouvait au même endroit : le Sanctuaire.
Dans la même coupole abîmée par le temps et les âges, un feu de camp à demi-étouffé au centre de la pièce spacieuse et sombre.
Théo avait toujours eu peur du noir, des ténèbres ou bien du silence pesant qu'imposait la nuit et son ambiance lugubre.
Il paraissait que les monstres se réveillaient la nuit pour chasser les enfants car leur chair était tendre.La même couchette en vieille fourrure douce l'attendait, le chevalier quant à lui, dormait à moitié, une main empoignée sur le manche de sa grande épée.
Son arme témoignait d'ailleurs d'une disposition à la richesse, la lanière de cuir enlacée sur son manche était traitée, noircit par un feu doux et long. Son métal était poli et brillant :
Théo avait passé beaucoup de temps à la forge en compagnie d'une femme forte et respectable du nom d'Yseult.
Il avait étudier avec elle durant 3 ans peut-être plus, et avait vu la qualité d'un travail soigné, pourtant, l'épée que ce chevalier portait était d'une qualité encore bien supérieure :"Comment était-ce possible ?"
Cette question qui bourdonnait dans la tête de Théo s'effaça peu à peu alors que le sommeil le rattrapait et que le feu mourrait.
Un rayon de soleil traversait le plafond éventré, alors que la boule de feu dans le ciel suivait son cours, faute de temps, il couvrait de plus en plus les paupière de Théo.
Il rêvait, le soleil dans le ciel, se traduisait en brasier dans sa tête, les larges flammes dévorant les arbres et les maisons d'un monde qu'il ne connaissait pas.
Tout devint sombre à présent, le soleil était caché, les flammes s'atténuèrent, laissant place à une grande silhouette sombre et imprévisible.Elle traversait la mâchoire que dessinait les flammes pleine de fureur, posant maintenant son pied en dehors des flammes dansantes. L'ombre se rapprochait encore de Théo, recroquevillé, immobile.
Comme paralysé par une peur muette, pourtant, son corps tremblant et son échine tendue l'encourageaient à courir, loin et vite.
La silhouette quasiment humaine était juste devant lui à présent.Elle se courba, munie de bras d'une longueur anormale, la bête approcha son visage de celui de Théo ses mains soutenant son énorme poids.
Se faisant, Théo pu contempler ce que les gens appeler l'autre monde où encore l'enfer.Son visage était brûlé, ses dents comme limées dégoulinaient de bave mélangée à du sang.
La bête souriait, savourant la saveur de la morsure qu'elle comptait asséner au garçon sans défense.
Maintenant que les flammes en fond avaient quasiment disparues, les yeux rouges sang de la bête brillaient dans l'ombre.
Éclairant ses pommettes osseuses, et ses cornes dressées comme des lances courbées sur sa tête.
Son sourire. Cela devenait atroce alors qu'il s'approchait en ouvrant sa gueule rougeâtre.Théo ouvrit les yeux d'un coup :
Le chevalier le regardait, juste en face de lui, décidemment il était vraiment effrayant, il le questionna, pragmatique :
- Un cauchemar ?
Théo lui répondit, demandant en bégayant si les démons existaient, convaincus qu'ils n'étaient qu'un croque-mitaine absurde.
Le grand homme assis lui répondit que comme les monstres, ce cauchemar était bien réel, et que le mythe des démons n'étaient pas qu'une histoire racontée autour du feu pour effrayer les enfants.
Théo était sûr qu'il en avait déjà affronté un.Il tendit sa main vers les fresques à l'intérieur de la coupole :
- Regardes-ça, toutes ces fresques retracent l'histoire de Sigurd l'Aîné, pour l'avoir connu, il y a bien des années, je t'assure que pour lui les démons étaient une réalité.
Théo ouvrit de grands yeux ébaïts :
- Tu as connu... un dieu vivant ??
Bégaya-t-il plein d'admiration.
Vlad sourit du coin des lèvres et lâcha sans la moindre pression :- Ouais, c'était un sacré casse-burne !
Il se ressaisit en gloussant après avoir pu remarquer l'expression pleine de désapprobation sur le visage de Théo :
- Bref, qu'est-ce que tu vois sur ces fresques ?
Le jeune homme les contempla, d'abord sans dire un mot, puis en commentant ce qu'il avait compris :
- Il était un général de guerre ? Mais c'est impossible, tout le monde disait qu'il était un dieu...
- Les deux versions sont vraies, l'une est juste un peu plus précise.
Rétorqua Vlad, corrigeant les erreurs du jeune homme, qui continua son monologue :
- Là on le voit affronter les démons en compagnie d'une autre divinité qui n'a pas de nom.
Je me demande qui cela peut-il bien être.Vlad marmona amusé par ses souvenirs :
- Ça, c'est un secret qu'il a toujours su garder précieusement, ce vieux fou.
Théo reprit :
- Enfin, ici on le voit fonder un château immense dans les Plaines d'Émeraude, et là, il règne sur les autres royaumes en compagnie de son fils ?
Vlad eut un sourire d'admiration en voyant les gravures finales de la fresque :
- Oui, Sigurd et son fils, Skjör, furent les premiers à veiller sur cette île.
Ah, si ce titan enragé était encore en vie, le Palais d'Émeraude ne serait pas tombé.
On raconte que pendant ses phases de colère, Skjör pouvait réduire toute une armée en charpie, et à mains nues, quelle fougue !Théo avait encore beaucoup de mal à cerner son mentor mais une chose était sûre, il était pour le retour du roi "légitime", tout comme Yvann.
Il commençait à l'appréciait.
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Antan (Volume 1)
AdventureLes royaumes sont en désordre depuis des années maintenant, le ciel s'assombrit de nouveau... Mais avec l'obscurité vient peut-être la braise qui enflammera de nouveau l'arbre cendré des Plaines d'Émeraude ?