Chroniques de Pleym-Shurg : Le complot du Dépeceur

Chapitre 1

La peur, le désespoir, la mort. Trois notions que tout être redoute car elles se présentent au moment où il n'est pas maître de la situation, où il est vulnérable. Dans le Monde Humain, ces trois indésirables avaient adopté la forme d'une créature appelée « Dépeceur ».

En effet, l'Homme n'était désormais plus au sommet du règne animal. Il avait été détrôné, puis chassé par ces monstres sans pitié et dévastateurs. Tandis que ces prédateurs se multipliaient à une vitesse prodigieuse, les humains avaient été pris de court alors qu'ils se querellaient pour un morceau de territoire, une langue de terre ou une citadelle sur un rocher. Il ne fallut pas longtemps aux deux camps pour s'engager dans une bataille sans merci, d'une horreur telle que même le ciel se teinta de sang et devint rouge.

Inférieurs en force, puis plus tard en nombre, les derniers humains furent contraints de se réfugier derrière un rempart immense, couvrant le quart de la surface planétaire. Ils l'équipèrent de la seule chose capable, à long terme, de maintenir les créatures de cauchemar à distance : des appareils à ultrasons.

Depuis l'érection de cette ceinture protectrice autour du nouveau Monde Humain, l'Homme tente bien que mal de reprendre sa vie d'antan. Il vit malgré tout dans la crainte de constater qu'un jour, les machines si chers à leur survie ne fonctionneront plus.

Notre histoire prend place un millénaire après l'apparition des Dépeceurs. Zircon, jeune homme de vingt-et-un ans, gagnait sa vie en construisant des armes pour son tuteur, Enath. Celui-ci, responsable du jeune homme depuis que ses parents avaient disparu, l'avait élevé, formé et aimé comme son propre fils. Tous les pensaient biologiquement liés, cependant : ils avaient les mêmes yeux verts, les mêmes cheveux d'un blanc immaculé dûs au surplus de travail. Zircon était toutefois physiquement plus fin que son père d'adoption et possédait une cicatrice au-dessus de l'œil gauche.

Les deux fabricants d'armes vivaient modestement dans une ville au pied du Rempart protecteur du Monde Humain, dans une ville nommée Udrar. Ils avaient une certaine renommée qui leur permettait d'avoir beaucoup de clients fidèles, parfois même fortunés.

Toutefois, l'endroit où ils vivaient était loin d'être le plus luxueux du monde humain. À vrai dire, le système sociétal de ce monde était relativement simple et explicite. En effet, plus les revenus d'une personne étaient bas, plus cette même personne vivait proche du Rempart. Voilà pourquoi la géographie du territoire des hommes était semblable à un cercle concentrique, avec quatre pays répartis derrière le Rempart. Zircon et son père vivaient dans le pays qui jouxtait l'extrémité du Monde Humain : Oflos, aussi appelé « La Sentinelle ».

Plus en profondeur dans les terres humaines prospérait le pays appelé Skaidal, surnommé « Le Fer de Lance » puisqu'il s'agissait de la seule armée légale du Monde Humain. Skaidal était l'ultime protection des deux derniers pays érigés par l'Homme : Goflana, la « Ferme du Monde », en charge de l'approvisionnement complet de denrées alimentaires aux autres pays, et Pleym-Shurg, la Ville-Capitale ou « Nirvâna » puisqu'elle abritait les êtres les plus fortunés de l'humanité dans une seule ville de gratte-ciels. Les deux hommes fournissaient des armes à tous les pays, mais leurs principaux clients étaient les sentinelles du Rempart.

Zircon était, pour le jour, dans l'atelier de la demeure, attelé à l'entretien d'un arsenal de fusils de chasse qui avaient rouillé. C'est alors qu'il était en train de remonter les pièces entre elles qu'Enath entra :

« Comment ça se passe, avec la marchandise ? demanda-t-il.

— Tout est bon, répondit Zircon. J'ai fini de les nettoyer et je suis en train de les réassembler.

— Tu as fait vite, constata son tuteur. »

Zircon eut un sourire. Il avait beau être doué pour l'entretien des armes, son père adoptif ne lui faisait que très peu de véritables compliments. Leur relation était faite ainsi : des mots simples qui en disaient pourtant beaucoup. Le jeune homme savait qu'Enath était fier de lui. De la même manière, il n'aurait pu espérer meilleure figure paternelle.