Chapitre 5

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Lorsqu'elle descendit, le lendemain matin, Aymeric et William prenaient déjà leur petit déjeuner. Leur père avait quitté la maison de bonne heure et Gauthier n'allait sans doute pas tarder à apparaître. Elle s'empara d'une épaisse tranche de pain et en tendit un morceau à Kiko, qui le renifla sans intérêt.

– Bien dormi ? questionna Aymeric.

– Ça va, répondit-elle, dans un bâillement sonore.

William avait les bras croisés et les dévisageait à tour de rôle.

– Qu'est-ce qu'il y a ? lui demanda Elina.

– Vous n'avez rien à me dire ?

Les deux comparses firent semblant de rien.

– Pourquoi tu demandes ça ? fit Aymeric.

– Impressionnant, admira l'aîné de la famille. Quelle loyauté vous unit !

Elina porta toute son attention sur la tranche de pain.

– Vous n'êtes pas les seuls à avoir entendu le crieur, hier matin. Les gens ne parlent que de ça, au village.

– Et alors ? fit Aymeric.

Et alors ? Aymeric, sérieusement...

– Bon, ça va, intervint Elina. J'ai envie de m'inscrire, Will. Avec Aymeric, on va essayer de me déguiser en garçon.

– Je vois.

– J'ai réfléchi aux dangers, le devança Elina, mais je ne pense pas que notre roi me fera trancher la tête. Du moins, je l'espère.

Aymeric et elle eurent un petit rire nerveux.

– Vous en avez parlé à papa ? interrogea l'aîné.

– Non, répondirent-ils en chœur.

– Et vous ne comptez pas le faire ?

– Pas avant que ce soit indispensable, répondit Aymeric. À quoi bon l'inquiéter ? Voyons d'abord si on parvient à lui faire passer l'étape des inscriptions.

Le front plissé de William indiquait son état d'esprit.

– D'ailleurs, renchérit Aymeric, tu vas m'aider à rassembler différents déguisements. Nous les testerons dès le retour d'Elina.

Il ne répondit pas tout de suite.

– Tu vas m'aider alors ? demanda Elina.

– Oui. Mais j'arrêterai tout si je suspecte le moindre danger. Et je ne suis pas certain qu'il soit judicieux de le cacher à papa.

– Merci, Will. Pour papa, on verra... À propos... Pourquoi ne nous as-tu jamais dit que tu avais des souvenirs de la mort de maman ?

Aymeric dévisagea son frère, choqué.

– Qu... Quoi ? bredouilla-t-il.

– Et donc, d'après toi, elle n'était pas dans l'escalier ? rétorqua William. Tu aurais dû me dire qu'elle avait entendu notre conversation.

– Et toi, tu aurais dû nous dire que tu savais des choses, s'insurgea Elina. Pourquoi ne l'as-tu jamais fait ?

– Parce que je ne suis pas certain de mes souvenirs. Parce que je ne sais plus ce qui est vrai et ce que ma mémoire a déformé.

– N'empêche !

– Tu as quatorze ans, Elina, j'en ai presque vingt et un. Il est normal que je sois davantage informé.

ElinaOù les histoires vivent. Découvrez maintenant