Chapitre 15

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Les autres chaises étaient vides et une deuxième table avait été apportée, garnie d'assiettes, gobelets, tabliers et plats divers de certains desquels s'élevait une douce fumée.

Amaury se redressa.

– Très chers candidats. Vous êtes déterminés à sillonner la difficile route menant à la chevalerie. J'espère que vous êtes pleinement lucides quant aux difficultés et aux périls que cela représente.

Il observait ses aspirants.

– Comme vous le savez, un page de votre âge a habituellement déjà suivi un enseignement de plusieurs années et s'apprête à passer au rang d'écuyer. Or, il nous serait impossible de vous enseigner la totalité de cet apprentissage en quelques semaines. C'est pourquoi, la première épreuve sera peut-être la plus sévère quant aux éliminations qui s'en suivront.

Quelques torses se redressèrent.

– L'une des qualités primordiales chez un chevalier est sa bonne éducation, enchaîna le roi. Cela débute par les tâches journalières à effectuer dans le château.

Il pivota vers la porte située à sa gauche et tous les regards suivirent le sien.

– Madame, Messieurs, appela-t-il.

La Reine Ermeline d'Aspremont, Falkor et Thibaut firent leur entrée. Seul Gontran, qui s'était joint à eux, semblait ne pas jouir de cette belle journée. Les convives s'installèrent à table et Thibaut prit la parole.

– Votre première épreuve consiste à dresser la table, servir les plats et le vin, comme le font les pages en apprentissage. Vous serez rassemblés dans le grand hall du château et répartis en groupes de cinq.

Il fit un geste de la main en direction de l'un des gardes qui entreprit de mener les jeunes garçons dans ledit hall. Elina n'en croyait pas ses oreilles. Tout ce chemin, toutes ces angoisses, tout ce tralala... pour une épreuve digne d'un cours de Madame Montdeau ?

– Au repos ! ordonna le garde lorsqu'ils furent tous à l'intérieur.

La tension se relâcha et elle put observer à loisir la réaction de ses condisciples. Ahurissement, colère, amusement, tout y passait. Certains semblaient désemparés. Ceux qui avaient revêtu une lourde armure se hâtaient de l'enlever. Gauthier, lui, semblait aussi serein que déterminé à éviter son prétendu cousin.

Un élan de gratitude inattendu à l'égard de son professeur s'immisça dans son esprit.

– On peut savoir ce qui t'amuse ?

Elina sursauta. Le supposé Gaëtan s'était approché. Elle le dévisagea et refoula la haine qui l'envahissait.

– Je t'ai demandé ce qui t'amusait, répéta-t-il. Tu trouves cela comique, de jouer le rôle de serviteur ?

L'arrogance se dégageait de son être tout entier.

– En fait, oui, répliqua Elina.

Elle se plaça face à lui et croisa les bras sur son torse.

– Je trouve cela très comique, même. Tout le monde s'attendait à combattre et nous voilà lancés dans une épreuve en réalité fort simple. Je m'appelle Elian.

Elle lui tendit une main qu'il ignora.

– Gaëtan Fiercastel. On se reverra dans quelques années, quand tu serviras ma femme et mes enfants.

Il passa son chemin la tête haute et la bouscula au passage. Elina abaissa lentement la main qu'il avait ignorée.

– Eh bien, t'as peur de rien, toi !

ElinaOù les histoires vivent. Découvrez maintenant