Chapitre 22

197 39 5
                                    

Mercredi matin arriva. Elina scrutait son reflet dans le miroir. La paire de ciseaux tremblait dans sa main droite. De sa main gauche, elle enroulait ses longues boucles, d'un geste automatique. Elle n'arrivait pas à se décider : devait-elle couper ses cheveux avant l'ultime épreuve ou attendre d'en connaître l'issue ? Si, par miracle, elle remportait ce concours, elle pourrait toujours décider de le faire. Cependant, la frayeur qu'elle avait ressentie lorsque Gaëtan s'était agrippé à sa perruque la hantait. Elle avait été à deux doigts d'être démasquée.

Elle leva les yeux au ciel, à la recherche d'un signe et, le visage imprégné de souffrance, coupa la première mèche.


* *


Leur père demeurait introuvable, et l'inquiétude grandissait au sein de la fratrie. Gauthier restait enfermé dans sa chambre et ne parlait à personne, plus solitaire que jamais.

Elina déjeunait dans la cuisine avec William. Aymeric dormait encore.

– Comment va ta blessure ? demanda William.

– Bien.

Il la dévisagea.

– Ça va plus ou moins, admit-elle.

– Bon, écoute, papa a un ami qui habite à une petite distance du village. Je sais qu'il l'a déjà hébergé auparavant. Je vais m'y rendre pour voir s'il n'est pas passé par là. Si je ne te vois plus ici quand je rentre, je suppose que je sais où te trouver... ?

Il savait qu'il ne servait plus à rien de discuter. Il étreignit sa sœur avant de sortir.

– Sois prudente...

Elle monta se préparer, le cœur rempli de sentiments contradictoires. Elle enfila sa tunique, son pantalon. Aymeric l'aiderait avec son armure. La jeune fille n'arrêtait pas de se passer la main dans les cheveux. Elle se sentait nue, amputée d'une partie d'elle-même. Elle chassa de son esprit la profonde tristesse qui s'y était installée depuis plusieurs jours et plaça son médaillon autour du cou.

– Tu vois, maman, je poursuis mon rêve, comme tu l'aurais voulu, j'en suis sûre... Et puis... il faut que quelqu'un te venge.

Pour la dernière épreuve, les candidats allaient participer à une joute, l'exercice qui avait honoré et déchu tant de chevaliers. Une joute était en réalité un grand tournoi : deux guerriers s'élançaient au galop l'un vers l'autre, hommes et chevaux vêtus de leurs plus beaux apparats. Le but consistait à désarçonner l'adversaire à l'aide d'une épaisse lance. Les apprentis avaient eu la journée du mardi pour s'y préparer. Malheureusement, Elina n'avait pu en profiter.

Elle redescendit dans le jardin, près de l'enclos des ayes-ayes. Le ciel était radieux. Il n'y avait toujours aucune trace de Kiko. Elle avait espéré qu'il retrouverait son chemin, guidé par l'odeur de ses congénères.

– Elina ?

C'était Aymeric. Elle dormait lorsqu'il était rentré de chez Alixe, la veille. Le sourire qu'il affichait en disait long.

– Je suis tellement heureuse pour vous...

– Moi aussi, sœurette... J'ai bien failli la perdre.

– Un conseil : ne retente jamais la chose, car tu la perdrais définitivement.

– Tu me crois aussi bête ? Alors, et toi ?

– Je suis prête.

– Qu'as-tu fait à ta perruque ? Elle est bizarre.

Elle fixa son frère de ses yeux rougis, incapable de prononcer les mots. Les pupilles de ce dernier s'agrandirent, comme s'il avait vu un fantôme. Il s'approcha et prit une mèche de cheveux entre ses doigts.

ElinaOù les histoires vivent. Découvrez maintenant