Chapitre 25

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La haine qu'elle lut dans ses pupilles pétrifia son mouvement. Il l'aurait tuée s'il en avait eu l'occasion. Il n'en fallut pas plus à Gaëtan pour porter le coup de grâce. Il frappa à la vitesse de l'éclair, avec une puissance que la rage avait décuplée. Un hurlement de souffrance couvrit le tumulte de la foule et Elina fut projetée dans le vide, tel un pantin désarticulé, incapable de contrôler sa chute. Sa tête heurta violemment le sol et son casque s'envola. La jeune fille roula plusieurs fois sur elle-même avant de s'immobiliser, joue contre terre. Ses côtes criaient de douleur. Gaëtan avait frappé à l'endroit précis de sa blessure fraîchement recousue.

Le mal qui se réveillait sur chaque parcelle de son corps et le rêve qu'elle voyait s'envoler pour de bon, la clouèrent au sol. Même si les chevaliers déclaraient l'égalité, elle n'était plus en mesure de se battre. Elle entrouvrit un œil et aperçut, à travers la poussière qui lui entravait la vue, Aymeric qui courait dans sa direction. Elle sentit le museau de Kiko tapoter contre sa joue. Elle tenta de se redresser, en vain.

Soudain, une voix rugit, brisant le silence sourd qui s'était installé.

– ELINA !

Son sang se glaça. Cette voix, qui n'exprimait que douleur, était celle de son père. Aymeric se jeta à terre.

– Ça va aller, la rassura-t-il.

– Laissez-moi passer ! beugla leur père. Laissez- moi passer, c'est ma fille !

Elle entrevit son père dévaler les gradins, tenter de franchir l'imposante garnison. Des murmures d'incompréhension s'élevaient de toute part.

– C'est une plaisanterie ? s'ulcéra Gaëtan.

Il était descendu de cheval et tenait fermement sa lance, à quelques mètres d'Elina.

– Tu es une fille ?

Aucune joie, aucune ironie, aucun sentiment victorieux n'émanaient de sa voix. Se faire égaler, voire dominer au combat par une fille était sans nul doute l'insulte la plus profonde qu'on lui ait jamais faite.

– Recule ! lui ordonna Aymeric.

– Vous vous rendez compte de ce que vous avez fait ? aboya Gaëtan.

Il continuait à avancer, menaçant.

– Recule ! hurla Aymeric.

Il s'était relevé pour protéger sa sœur.

– J'espère qu'on vous fera trancher la gorge à tous les deux, cracha Gaëtan, hors de lui.

– Jette ta lance et viens te battre comme un homme, assassin !

Aymeric se rua sur lui si rapidement que Gaëtan n'eut pas le temps de contrer la pluie de coups qui s'abattait sur lui.

– Aymeric, non ! s'écria Elina.

Mais la rage avait décuplé la force de son frère. Il tapait sans relâche sur Gaëtan qui n'avait d'autre choix que de replier les bras devant son visage pour le protéger.

– Assez ! tonna une voix.

Le roi et ses cinq chevaliers étaient descendus sur la lice.

– Séparez-vous ! ordonna le souverain.

Les deux jeunes hommes reculèrent, hors d'haleine et rouges de colère. Gaëtan saignait du nez et portait de nombreuses traces de coups.

– Père, s'insurgea Gontran, ceci est un outrage à la cour ! Cette fille doit être condamnée sur le champ ! Et son complice banni !

Le prince avait déjà attrapé Aymeric par le bras. Le monarque leva la main pour l'interrompre, sans cesser d'observer Elina. Gontran relâcha sa prise avec dégoût. Elle aurait voulu s'encourir et ne pas avoir à affronter la suite. L'importance de son acte s'imposa à elle et elle se sentit atrocement stupide d'avoir pensé qu'elle pourrait s'en sortir.

ElinaOù les histoires vivent. Découvrez maintenant