Elina

Chapitre 21

Quatre visages graves, empreints de colère, tristesse et déception, l'attendaient dans le salon. Elle avait estimé inutile de se changer et se contenta d'ôter sa perruque. Elle regretta plus que jamais l'absence de son Kiko. L'ampleur de son acte s'imposa tandis que l'adrénaline des épreuves retombait. Le sentiment de honte qui s'empara d'Elina lui donna envie de ramper sous terre. Elle avait trahi son père, Gauthier, et même William.

– J'espère que tu as bien profité de ton petit numéro de saltimbanque, car c'est terminé.

Malgré la retenue que son père tentait d'afficher, de la fureur s'était dégagée de chaque syllabe. Elle baissa les yeux.

– Regarde-moi ! rugit-il.

Sans doute l'attendaient-ils depuis des heures. William posa une main sur son épaule.

– Papa...

Celui-ci se dégagea.

– Ce ne sont pas les princesses qui sauvent les princes, Elina ! Et il y a une raison à cela !

Il pantelait de rage. Elle était pétrifiée par l'intensité de la colère qu'il déversait sur elle.

– Je t'ai dit que c'était de ma faute, intervint Aymeric.

– Tais-toi ! aboya leur père. Je ne veux plus t'entendre !

– Mais enfin, répliqua-t-il, arrête de...

Le temps s'arrêta. Elina ne put retenir une exclamation d'horreur. Aymeric se tenait la joue, laquelle portait une trace rougeoyante. Elle ne reconnaissait pas l'homme qui venait de gifler son fils. Jamais leur père n'avait porté la main sur eux. Il fallut un instant à Aymeric pour reprendre ses esprits. Il prit sa sœur par le bras.

– Viens, on s'en va.

– Jamais de la vie ! beugla leur père.

Il attrapa sa fille par l'autre bras et la tira vers lui. Le mal, la tristesse, la culpabilité, le désarroi, devinrent trop intenses pour Elina, qui tomba à genoux, secouée de sanglots, tremblante de douleur. William fut le premier à remarquer les taches foncées qui maculaient la blouse de sa sœur.

– Lâchez-la ! intima-t-il aux deux hommes.

Il porta sa sœur jusqu'au banc, face à l'âtre, et l'y allongea.

– Que s'est-il passé ? s'enquit-il, tandis qu'il déchirait sa blouse et ôtait le bandage.

Elina tressaillit.

– Que s'est-il passé ? répéta-t-il.

– Elle a reçu un coup d'épée mal placé.

Tous les visages se tournèrent vers Gauthier. Ainsi, elle n'avait pas rêvé lorsqu'elle l'avait aperçu, dissimulé dans le buisson.

– Je ne veux même pas savoir, bouillonna leur père.

Il s'approcha d'Elina, jeta un bref coup d'œil à la plaie.

– Tu veux mourir avant même d'avoir vécu ? Très bien, mais ne compte pas sur moi pour y assister !

Il se dirigea vers la fenêtre, s'arrêta net, bifurqua vers l'escalier, s'arrêta à nouveau, puis fonça vers la porte d'entrée qu'il fracassa derrière lui.

– Personne ne sort d'ici, ordonna l'aîné. C'est clair ?

William n'attendait pas de réponse.

– Qui a effectué les premiers soins ? demanda-t-il.

– Falkor.

– Qu'a-t-il dit ?

– Qu'il fallait vérifier si l'entaille ne nécessitait pas de points de suture.