Chapitre 9

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Elle s'assit sur le petit tabouret en bois qui lui était destiné, face à Monseigneur Thibaut de Montbard, l'un des plus vaillants chevaliers de Sa Majesté Amaury de Languedoc. Elina n'osait pas poser les yeux sur cet homme. Ses exploits et sa bravoure étaient connus dans toute la région et bien au-delà. Il terminait d'inscrire quelques notes à propos du précédent candidat. Elle risqua un rapide coup d'œil, tandis qu'il prenait un nouveau morceau de papier. Thibaut était de taille et de corpulence plutôt normales. Il avait des cheveux noirs qui s'engageaient dans sa nuque.

– Bonjour, jeune homme, commença Thibaut, d'une voix claire et agréable.

– Bonjour, Monseigneur, répondit-elle, peu assurée.

– Ton nom ?

– Elian Codeugnal, Monseigneur.

Elle vit qu'il retranscrivait cette première information en haut de la page.

– Je voudrais que tu m'expliques pourquoi tu désires participer à ce concours et si tu estimes avoir une chance de le remporter.

– Hum... Monseigneur, d'aussi loin que je me souvienne, j'ai toujours éprouvé une passion pour la chevalerie.

Elle réalisa qu'elle devait se montrer prudente dans sa réponse.

– Depuis que je suis tout jeune, j'observe, quand c'est autorisé, s'empressa-t-elle de rajouter, l'entraînement des chevaliers. J'observe les techniques et les exercices. J'essaye aussi...

– Excuse-moi, l'interrompit Thibaut. Pourquoi ne me regardes-tu pas ? Depuis le début de notre entretien, je n'ai pas une seule fois vu tes yeux. Tu ne m'as regardé qu'au moment où je terminais mon rapport sur Barthélémy de Closdantant. J'ai l'habitude d'entretenir un contact visuel avec mes interlocuteurs. La plupart des gens ignorent la quantité de renseignements que l'on peut lire dans le regard de quelqu'un.

Elina releva lentement la tête. Thibaut avait un visage marqué par la vie, mais il lui sembla qu'il n'avait pas encore atteint la quarantaine. Une cicatrice lui entaillait le sourcil gauche. Sa peau était mate et quelques rides bien marquées rendaient ses yeux marron rieurs. Une chose était certaine : il dégageait énormément de bienveillance.

– Voilà qui est mieux. Surtout qu'avec des yeux pareils, tu dois en faire craquer des filles !

Elle ne put s'empêcher de rougir.

– Alors, tu m'expliquais ta passion pour la chevalerie ?

– Oui... Monseigneur, bredouilla-t-elle. Je m'entraîne presque tous les jours et j'essaye de reproduire ce que j'ai vu.

– Presque tous les jours ?

– Oui, Monseigneur. Parfois je n'ai pas le temps parce que je dois aider mon père.

Il prit quelques notes. Elle se demanda si ses yeux allaient la trahir.

– Bien. Je suis curieux de voir cela, Elian. Tu peux passer à la table de Monseigneur de Languedoc. Je vois d'ici qu'il s'impatiente.

Il fut secoué d'un petit rire et l'invita à se lever.

– Merci, Monseigneur.

Au moment où elle baissait la tête en signe de respect, elle saisit au vol quelques mots inscrits par Thibaut. Elle ne distingua que deux éléments : « Mère ? » et « Regard sincère ». Elina se dirigea vers la seconde table et ne put s'empêcher de jeter un rapide coup d'œil à la troisième table. Falkor attendait patiemment le candidat suivant, contrairement à Gontran qui martelait la table de ses doigts. Lorsque Falkor croisa le regard d'Elina, celle-ci baissa immédiatement les yeux.

ElinaOù les histoires vivent. Découvrez maintenant