Chapitre 7

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Elle ne sut dire l'heure qu'il était lorsqu'elle se réveilla. Le jour tant attendu, redouté, était arrivé. Samedi vingt août. Il faisait encore sombre, bien que l'on devine la lumière du jour qui pointait à l'est. La respiration de Kiko était régulière. Une chose était certaine, elle avait passé une bien mauvaise nuit, agitée, entrecoupée de rêves saugrenus. Entre le Roi Amaury qui la faisait pendre sur la place, William qui la pointait du doigt et niait la connaître ou encore Falkor qui la bannissait de la région, elle avait eu sa dose de sueurs froides.

Ces derniers jours, ils avaient évité d'aborder le principal sujet de conversation des villageois en présence de leur père. Elina restait cependant persuadée qu'il n'était pas dupe. Gauthier était loin de se laisser intimider par son aîné et la seule raison à son silence était probablement liée au fait qu'il comptait, lui aussi, désobéir à l'interdiction du patriarche. William essayait de temporiser la tension qui régnait désormais au sein de la fratrie, en vain.

Malgré cela, son saltimbanque de frère était passé voir comment tenaient ses nerfs, la veille au soir :

– Ça va aller ? Tu ne préfères pas dormir dans ma chambre, comme au bon vieux temps ? Tu avais peur de voir surgir de nulle part le frère démoniaque d'Urs Le Velu, qui t'étranglerait dans ton sommeil avec les poils gigantesques de ses aisselles.

Il avait alors enfilé les différents éléments qui constituaient le déguisement d'Elina, y compris la perruque, le tout, bien trop étroit pour lui. Il s'était tourné vers sa sœur, l'air hagard, et s'était mis à avancer, telle une momie, les bras tendus devant lui.

– Je suis le frère d'Urs Le Velu... avait-il susurré d'une voix absente et mystérieuse. Il m'envoie pour le venger... Rhâââââ... Je viens t'infliger le châtiment suprême... Rhâââââ...

Il s'était approché d'Elina et avait fait mine de vouloir l'étrangler. Le coussin l'avait atteint en pleine figure.

– Ouste ! Je t'ai assez vu, espèce de bouffon !

– Ma parole, tu oses m'insulter de la sorte ! Rhââââ... Rhâââ... !

– Dehors, dehors, dehors !

Elina resta allongée dans son lit. Oui, tout allait bien se passer. Aujourd'hui, elle ne devait encore rien prouver. En dehors du fait d'être un garçon... Elle jugea inutile de continuer à se retourner dans son lit et se leva. Une lueur en provenance du salon lui indiqua qu'elle n'était pas la seule à être tombée de son lit.

– Déjà debout ? l'accueillit son père.

– Bonjour papa. Je n'arrivais plus à dormir. Elle déposa un baiser sur sa joue.

– Ah bon ? fit-il, suspicieux. C'est bien aujourd'hui que se déroulent les inscriptions ?

Elle détestait devoir lui mentir.

– Oui.

– Et je me suis bien fait comprendre quand je vous ai formellement interdit d'y participer ?

Comme elle détestait cela.

– Oui.

– Et Gauthier l'a bien compris, lui aussi ?

– Je suppose.

– Vous allez assister aux inscriptions, toi et tes frères ?

– Sans doute.

Il l'observait. Elle déploya toute sa volonté pour ne rien laisser transparaître.

– Bien. Je te laisse, je dois arriver tôt au village. Il va y avoir du monde ce matin. Je vous verrai là-bas.

ElinaOù les histoires vivent. Découvrez maintenant