Chapitre 7 : Conflit

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   Ma présence, contrairement à celle de Rebecca, paraissait naturelle. Autour de la table, derrière la plupart des personnes assises, se trouvaient d'autres gens comme moi : des gardes du corps, main sur la ceinture, non loin de leur arme de prédilection. Même pendant des discussions entre "amis", il fallait toujours assurer ses arrières.

   Dario était bien moins bavard qu'à l'ordinaire, ne répondant que par des phrases courtes lorsque c'était nécessaire. Rebecca, elle, était comme d'habitude. Autrement dit, elle n'arrêtait pas de parler en continu. Elle posait des questions, faisait part de son avis sur chaque sujet et montrait en général un grand intérêt pour la conversation. L'échange du jour concernait leurs récentes exportations d'œuvres d'art. Si cela avait été un sujet plus sordide, peut-être n'aurait-elle pas été si loquace.

   Cet Alexei semblait bien l'aimer. Peut-être un peu trop, même. Je n'aimais pas ses regards. Instinctivement, je me rapprocha d'elle de manière défensive. Toute la subtilité se trouvait dans l'art de ne pas avoir l'air trop menaçante pour autant. Je leva les yeux vers Dario : comme tout père qui se respecte, il avait remarqué la même chose que moi.

   La conversation dériva peu à peu vers d'autres sujets un peu plus généraux. Rebecca, la nouvelle attraction du jour, devint très vite le centre de l'attention. Cela n'avait pas l'air de lui déplaire. Je m'étais attendue au pire, mais tout semblait penser à croire que c'était là une victoire pour elle.

   Je n'écoutais la conversion plus que d'une oreille lorsque le rire gras d'Alexei me sortit de mes pensées.

   — Ha ha, t'es une future entrepreneuse, ma petite Rebecca, c'est moi qui te le dis ! Où est-ce que tu l'avais cachée pendant tout ce temps, Dario ?

   — Elle était occupée à faire des trucs de son âge, comme aller à l'école.

   Les yeux du père et de sa fille se croisèrent dans un échange qui voulait tout dire.

   — Mieux vaut tard que jamais, rétorqua Rebecca avec un sourire aimable. En tout cas, mon père a beaucoup de chance de vous avoir comme allié.

   — Ça je te le fais pas dire ! Répondit Alexei. Et lui aussi a de la chance de t'avoir. Dario, tu voudrais pas me la prêter ? Je suis sûr qu'elle plairait à mon fils !

   Rebecca rit d'un rire franc. Le ton d'Alexei avait été jovial, mais j'avais pu percevoir une once de sérieux dans sa question, et Dario connaissait assez le personnage pour en connaître la raison : ce n'était pas une plaisanterie.

   — C'est ma fille, Alexei, c'est hors de question.

   — Allez, Dario, pourquoi tu le prends comme ça ? On est amis, non ? Mon fils avec ta fille, ça ne reviendrait pas à graver notre alliance dans le marbre ?

   Le sourire de Rebecca s'effaça peu à  peu. Elle observa les visages de chacun et comprit la gravité de la situation. Dario s'était levé de sa chaise, les poings serrés sur la table. Il fixa Alexei droit dans les yeux. Plus aucune forme de politesse n'était présente dans son regard.

   — Je t'interdis de t'approcher de ma fille, ordonna-t-il d'une voix menaçante.

   La tension grimpa d'un bond dans la pièce. Tout le monde commençait à s'agiter autour de la table, et quelques gardes du corps firent un pas en avant. Rebecca ne disait plus rien, comme si la peur venait enfin d'atteindre son cerveau. Alexei déglutit, et lui répondit avec une agressivité nouvelle :

   — C'est quoi ton problème, Dario !? D'où tu te permets de me parler comme ça ? T'es toujours là à te croire le plus fort et à traiter tous ceux que t'estimes pas à ta hauteur comme de la merde. Les Leoni Notturni, quelle blague ! Et quelle blague de me présenter ta fille sur un plateau d'argent !

[EN PAUSE] Douce ViolenceOù les histoires vivent. Découvrez maintenant