Chapitre 25 : Le camp des innocents

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   Je me précipitai en grandes enjambées à l'intérieur. Mon corps était comme en auto-pilote alors que je fendais la foule jusqu'au bar où j'étais sûre de trouver Rebecca. Elle y était encore, bien évidemment, un martini dans la main tandis qu'elle riait avec ses amies. Elle tourna la tête vers moi, et avant qu'elle ne puisse dire quoi que ce soit, je lui attrapai le bras, sans un mot. Sous son regard éberlué et celui des autres adolescentes, je la tirai jusqu'au grand couloir qui menait aux autres pièces, loin des invités.

   Bien évidemment, elle se débattit.

   — C'est quoi ton problème ? geignit-elle. J'étais en train de m'amuser !

   — Cette maison a un sous-sol sécurisé, non ? lui demandai-je sans lui répondre.

   — Hein ? croassa-t-elle en faisant la moue. Euh, oui, mais j'étais—

   — Allez vous-y cacher tout de suite. Je viendrai vous chercher moi-même.

   — Qu'est-ce que tu racontes ? C'est un stratagème de papa pour ne pas que je boive ? C'est juste un marti—

   — Faites ce que je vous dis pour une fois, bordel !

   Je lui avais presque crié dessus. Elle dut cette fois-ci comprendre que je ne plaisantais pas, car elle se figea un bref instant avant de murmurer un minuscule « oui » et de courir vers le lieu que je lui avais indiqué.

   Maintenant que ceci était fait, je devais affronter le père.

   Je retournai une fois de plus dans la foule des invités, tous inconscients du choc imminent, et balayai la pièce du regard. Je devais trouver Dario au plus vite. Pourquoi fallait-il que ce foutu manoir soit aussi grand ?

   J'écartais et poussais les gens sans accorder d'attention à leurs regards noirs et leurs remarques offusquées. Il y avait plus important en ce moment que les bonnes manières.

   C'est alors que je le vis, assis dans un des coins privés aménagés du côté des baies vitrées. Il discutait de manière enjoué avec des invités autour de verres de champagne et d'autres substances bien moins légales à disposition pour ses amis. Je fonçai alors vers lui, et ce ne fut que lorsque je fus plantée devant leur table qu'ils levèrent tous les yeux vers moi.

— Ellie ? dit Dario, décontenancé, en se levant. Tu veux nous rejoindre ?

— Je dois vous parler. Maintenant.

   Il s'avança, un sourire professionnel plâtré sur son visage, plus à destination à ses amis qu'à moi. Son attitude leur faisait signe que cette conversation ne les concernait pas, et ils reportèrent leur attention sur leur précédente discussion.

   — Je t'ai dit que nous parlerions plus tard, dit-il à voix basse.

   — Il n'y a pas de plus tard, cette fois vous allez m'écouter et parler !

   Il écarquilla les yeux face à l'énergie inattendue de ma voix, dont le ton, plus fort que d'habitude attira momentanément l'attention des amis de Dario. Ils levèrent brièvement le regard avant de le baisser aussitôt. Je pris alors une grande inspiration et lui demanda de but en blanc :

   — Vos ex compagnes, vous les avez tuées ?

   À l'expression sur son visage, je crus qu'il venait de manquer de s'étouffer. Contrairement à nos discussions ordinaires, cette fois-ci, ce fut lui qui peina à trouver ses mots. Mais tant pis. Au diable la délicatesse, au diable si d'autres personnes écoutaient, ni lui ni moi n'avions le luxe d'attendre plus longtemps.

[EN PAUSE] Douce ViolenceOù les histoires vivent. Découvrez maintenant