[EN PAUSE] Douce Violence

Chapitre 24 : Ce soir

   Ce connard venait vraiment de me dire qu'il y avait bien quelque chose à expliquer et avait tout simplement fui au lieu de le faire, me laissant toute seule pour gérer mes propres doutes.

   En cet instant précis, l'envie mortelle de casser quelque chose me démangeait cruellement les mains.

   J'avais mis ma vie en danger en tentant de mettre les choses au clair avec lui, et j'étais revenue les mains vides. Mon cœur tambourinait encore de l'échange, et ce fut sans doute la raison pour laquelle je ne remarquai pas tout de suite l'énième personne qui vint à ma rencontre. Cependant, je reconnus sa voix, depuis peu familière.

   — C'était un sacré spectacle que vous venez de faire tous les deux, dit la femme qui venait de me rejoindre. Querelle d'amoureux ?

   Christina était souriante, un peu trop à mon goût. Elle aussi était particulièrement élégante avec sa robe de soirée noire à strass et sa longue chevelure blonde au brushing parfait. La coupe de champagne qu'elle tenait dans sa main gauche avait déjà été à moitié entamée. Visiblement, il y avait au moins l'une d'entre nous qui passait une bonne soirée.

   — Nous ne sommes pas amoureux, rétorquai-je.

   — Ah oui ? Sex-friends, alors ? Avec Dario et ses nombreuses amies, j'ai souvent du mal à m'y retrouver.

   — Non, m'énervai-je, nous ne sommes pas non plus... Laissez-tomber.

   Cette fois, elle haussa simplement les épaules. Elle but une gorgée de son champagne et se mit à scruter mon visage. C'était la troisième fois de la soirée que je devais affronter l'attention non désirée d'une autre personne, et je commençais à en avoir marre.

   — Je me demande bien ce qu'il te trouve, dit-elle. On ne peut pas vraiment dire que tu aies un physique de mannequin. Loin de là, même.

   — J'ai été engagée pour mes compétences, pas pour mon physique. Ça n'a pas l'air d'être votre cas, si ?

   Elle ne broncha pas à ma remarque cinglante, mais plissa néanmoins les yeux.

   — Tu ne m'apprécies pas, hein ? me demanda-t-elle d'une voix dénuée de colère.

   — Vous non plus.

   — Je ne t'apprécie pas parce que j'ai des vues sur Dario. Je n'ai pas l'intention de me faire passer pour quelqu'un d'autre.

   Bien qu'il était vrai que je ne portais pas Christina dans mon cœur, je devais admettre que je la respectais pour assumer sans aucune honte son jeu. L'honnêteté était une qualité qui se faisait rare dans ce milieu, et Dario venait tout juste de me le prouver une fois de plus.

   — Mais ce que tu dois te demander, continua-t-elle, c'est pourquoi toi tu ne m'apprécies pas. Si tes sentiments pour lui ne sont que d'ordre professionnel, alors pourquoi me considères-tu comme une rivale ?

   J'ouvris la bouche pour riposter, pour lui dire qu'elle se trompait sur toute la ligne, mais je la refermai aussitôt. Merde. Elle avait raison. J'avais beau retourner mon cerveau encore et encore à la recherche d'une raison de la haïr, le seul souvenir qui me revenait en tête était de la voir se tenir près de Dario en souriant. Ce sentiment qui me tiraillait les entrailles, c'était de la jalousie. C'était tellement ridicule, mais plus encore, j'étais terrifiée à l'idée que cela signifiait.

   Que mes sentiments pour Dario étaient plus forts que je n'acceptais de l'admettre.

   J'esquivai son regard, ce qui dut lui donner la puce à l'oreille sur mes émotions actuelles. Ses traits s'adoucirent d'un air presque compatissant.