Chapitre 15 : Nuit noire

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   Durant tout le trajet entre les douches et ma chambre, je ressentis des frissons dans mon corps entier.

   Lorsque j'entrai finalement dans mon seul espace un tant soit peu personnel, je fermai la porte et me laissai tomber comme une loque sur le lit. J'enfouis ma tête dans mon oreiller tandis que je tremblais de partout. Les pensées qui tourbillonnaient dans ma tête étaient insoutenables, mais les sensations qui glissaient encore sur ma peau étaient bien pires encore.

   J'essayai tant bien que mal de prendre de longues respirations, mais rien n'y faisait : je n'arrivais pas à me calmer. Et pour couronner le tout, je me sentais terriblement bête, à réagir ainsi comme une adolescente.

   Dans cet espace clos, j'avais failli céder à la tentation. Là-bas, ma raison s'était faite comme supplanter par mes désirs, et ce n'était qu'à la dernière minute que j'avais pu reprendre mes esprits. Il était clair que je regrettais mon geste. Si je regrettais de m'être laissée aller ou de m'être stoppée, ça je n'en savais trop rien.

   Tout laissait à croire que j'avais pris la bonne décision. Je ne m'étais pas offerte à cet homme que je m'étais jurée de haïr, et je n'avais trahi ni mes principes ni mes sentiments pour Clark. 

   Et pourtant, toujours ces mêmes regrets.

   Me mentir à moi-même ne servait à rien. Au fond de moi, je mourrais d'envie de fondre dans les bras de Dario. De sentir son souffle se mêler au mien, sa langue danser avec la mienne, et ses doigts explorer mon intimité.

   Je me relevai dans le but de remettre mes idées en place. J'essayai de diriger mes pensées vers Clark, mon unique pilier dans ce chaos ambiant. Mais sa voix me paraissait maintenant si lointaine. Et lorsque j'essayai de porter davantage mon attention dessus, je pris honteusement conscience que les sentiments que j'accrochais à lui n'étaient plus aussi forts qu'avant.

   Je suis dans la merde.

   Dario était arrivé dans ma vie, et il avait tout mis sans dessus dessous. Et pour quelle raison ? Juste pour son amusement personnel. Il venait bien de me faire comprendre qu'il ne ressentait rien de plus que de l'attirance physique à mon égard. Sans doute était-ce suffisant pour le célèbre Dario Romano, qui ne vivait que pour satisfaire ses pulsions, qu'elles concernent son agressivité ou ce qu'il se passe dans sa chambre à coucher. Dario avait peut-être un cœur de pierre, mais ce n'était pas mon cas. Aimer, que ce soit sur le plan physique ou mental, équivalait à se montrer vulnérable. Et je n'étais pas prête à m'abandonner uniquement pour l'un des deux.

   Il était tard, désormais, mais dormir paraissait compliqué. À chaque fois que je fermais les yeux, je ne voyais plus que le visage de Dario, si près du mien, perçant l'obscurité.

   Je m'allongeai à nouveau sur le lit, encore toute habillée, et me perdit dans la contemplation de la noirceur sous mes paupières. Cet homme se foutait de moi, et pourtant je passai le reste de la soirée à fantasmer sur lui, jusqu'à ce que les bras de Morphée m'étreignent à leur tour.

***

   Un bruit suspect dans la chambre me sortit de ma torpeur. Enfin, je crois. On était maintenant au beau milieu de la nuit, et il faisait si sombre que je ne pouvais pas voir ce qu'il y avait en face. Fort heureusement, je pouvais toujours sentir mon oreiller sous ma tête et plus important encore, le revolver caché en dessous. J'y passai ma main jusqu'à me saisir de l'arme tout en me relevant lentement.

   Je scannai la pièce le temps que mes yeux s'habituent à l'obscurité. Je me souvenais pertinemment avoir fermé la porte à clé avant de m'endormir et les fenêtres étaient toutes fermées, ce qui signifiait que ce bruit de source inconnue ne pouvait présager rien de bon. Puis une étincelle se forma soudainement dans un coin de la pièce, qui me permit de distinguer la silhouette derrière elle. Je pointai aussitôt mon revolver.

   — Tes réveils sont toujours aussi brusques ? Dit une voix devenue bien trop familière. Il va falloir que je m'y habitue.

   La silhouette s'avança et je pus enfin reconnaître Dario, qui venait de s'allumer une cigarette. Je posai mon arme en l'écrasant presque contre le matelas.

   — Mais qu'est-ce que vous faites là ? Et comment vous êtes entré ?

   — Je te rappelle que c'est chez moi ici, et que j'ai les clés de toutes les pièces.

   Je soupirai. Il me fallut un instant pour discerner s'il s'agissait ou non d'un rêve, mais l'odeur du tabac me révéla que j'étais bel et bien réveillée. Je ne m'attendais pas à le revoir si tôt après ce qu'il s'était passé entre nous, et c'était honnêtement très déstabilisant.

   — Et... Qu'est-ce que vous faites là ?

   La question flotta un moment dans l'air. La situation ne laissait pas beaucoup de place à l'imagination. Nous étions seuls tous les deux dans ma chambre, à l'heure où les gens étaient censés dormir. Il était debout devant moi, après m'avoir couverte de ses caresses plus tôt dans la journée, et moi j'étais allongée là sur le lit, telle la plus idéale des invitations. Sous mes vêtements, je sentais déjà mon cœur s'emballer.

   — Pourquoi tu crois que je suis là ?

   Il s'avança et se baissa pour poser une main sur le lit. Je reculai jusqu'à ce que mon dos cogne la tête de lit, tandis qu'il grimpait jusque vers moi. Puis son visage se retrouva juste au dessus du mien.

   Avait-il finalement décidé d'ignorer ma demande ? Même après qu'il ait dit qu'il m'attendrait ? Dario, espèce de salopard ! Si toi tu n'en fais qu'à ta tête, comment est-ce que je dois réagir moi !? 

   — Dis-le, chuchota-t-il tout en soufflant une bouffée de sa cigarette sur mon cou.

   Je n'avais pas envie de le dire. De peur de rendre cet instant réel, mais surtout de peur que ma voix révèle le plaisir dissimulé que j'éprouvais de ce contact. Mais Dario ne bougeait pas, attendant une réponse de ma part sans volonté d'abandonner cette manche.

   — ... Continuer ce qu'on allait faire dans les douches ? osai-je finalement dire à voix basse.

   Il sourit, satisfait. Sa voix devint plus mielleuse encore alors qu'il s'approcha de mon oreille pour me dire :

   — Vous avez les idées mal placées, Mademoiselle Winters...

   Il colla à nouveau sa cigarette à ses lèvres avant de reprendre :

   — ... Mais ce n'est pas pour ça que je suis là.

   Et il se releva. J'étais abasourdie.

   Il s'écarta un peu plus loin dans la pièce, fier de son coup, tandis que j'essayais d'additionner les mots pour former une phrase cohérente sur ce que je ressentais.

   — Non mais vous êtes sérieux !? Pestiférai-je. Vous me réveillez en pleine nuit juste pour vous foutre de ma gueule !?

   — Désolé Ellie, dit-il en riant à moitié. Tu avais l'air tellement adorable dans ton sommeil, c'était trop tentant.

   — Et donc quoi, vous étiez juste venu me regarder dormir ?

   Il reprit petit à petit son sérieux.

   — Non, si je suis là, c'est pour te demander quelque chose d'ordre professionnel. En fait, je ne peux le demander qu'à toi. Je sais que c'est soudain, et j'aimerais que les choses soient autrement, mais en ce moment tu es la seule en qui j'ai confiance. Et j'ai besoin d'un coup de main.

   Je me levai aussitôt du lit, devinant toute la gravité de la situation.

   — Qu'est-ce qui se passe ? Lui demandai-je.

   — Tu te souviens de l'incident avec Alexei ?

   — Comment l'oublier.

   — Eh bien j'ai un de ses hommes attaché dans ma cave, et je veux que tu m'aides à lui soutirer des informations.

[EN PAUSE] Douce ViolenceOù les histoires vivent. Découvrez maintenant