[EN PAUSE] Douce Violence

Chapitre 18 : Enquête

   Peu de temps après cette dernière altercation, Christina fut reconduite à l'entrée. Elle me jeta un dernier regard mauvais avant de s'engouffrer vers l'extérieur, et Dario et moi nous sommes retrouvés seuls à nouveau. Enfin, pas pour pour très longtemps, car il ne tarda pas à s'enfermer de nouveau dans son bureau, me laissant à mes activités à la fois officielles et officieuses.

   Comme cela était prévu, je décidai d'aller à la rencontre des employés du manoir des Romano. Depuis mon arrivée, j'en avais déjà salué quelques uns et fait la conversation avec certains, mais rien de très profond ou de quoi que ce soit qui pourrait témoigner une envie de passer dans l'autre camp. Bien sûr, je ne comptais pas leur demander de but en blanc s'ils avaient envie de trahir leur patron, j'allais devoir ruser.

   Ainsi, lorsque je croisai Isabelle, une femme de chambre d'âge mur qui venait régulièrement le matin, je décidai de pousser la conversation un peu plus loin qu'un simple « Bonjour ». L'âge et le physique peu athlétique d'Isabella ne laissaient pas penser qu'elle puisse être capable d'attenter à la vie de qui que ce soit. Mais on pouvait très bien porter atteinte à autrui autrement qu'avec une arme, et mes années d'expérience m'avaient montré que n'importe qui pouvait appuyer sur une gâchette.

   Elle me parla longuement de ses tâches quotidiennes, de son salaire bien plus élevé que la moyenne que lui fournissait Dario, de ses décennies à travailler pour sa famille. Je me rappelai du dossier à son nom que j'avais aperçu dans le bureau de Dario, qui disait qu'elle avait autrefois été impliquée malgré elle avec le trafic de drogues de son défunt mari. Les Leoni Notturni avaient été ceux qui l'avaient lavée de tout soupçon et fourni un travail.

   Son visage était empreint d'un profond respect lorsqu'elle parlait de Dario, et il était difficile de l'imaginer comploter pour éliminer cet homme qui l'avait apparement sorti d'une situation délicate. Je lui avais demandé si tous les autres employés voyaient Dario sous un aussi bon jour qu'elle, ce à quoi elle m'avait répondu de façon énigmatique :

   — Il n'y a rien d'autre à ressentir.

   Plus tard, je bavardai pendant quelques minutes avec le chef cuisinier attitré de la famille, qui me fit mille et unes louanges sur Dario et sa fille, bien qu'il m'avoua ne pas porter les amies de cette dernière dans son cœur, qu'il jugeait un peu trop bruyantes. Mon interrogatoire déguisé fut cependant interrompu lorsque je dus me rendre auprès de Rebecca à son réveil. Ma journée commençait officiellement.

   Lorsqu'elle sortit de sa chambre, elle m'observa longuement sans rien dire. J'eus peur un instant qu'elle puisse lire dans mes expressions tout ce qui avait pu se passer la veille au soir, que ce soit les éléments les plus agréables ou les autres.

   — Tu as mauvaise mine, se contenta-t-elle de dire.

   Elle n'avait pas tort. Je m'étais moi-même arrêtée devant le miroir lorsque j'avais remarqué la taille de mes cernes. Elle me conseilla de me reposer lorsqu'elle serait à l'école. Je répondis d'un simple hochement de tête. Je ne pouvais lui avouer que j'allais devoir passer la journée à traquer celui qui en voulait non seulement à la vie de son père, mais également à la mienne, et qui sait, peut-être même à la sienne.

   Lorsqu'elle fut prête, nous nous embarquâmes comme chaque matin de semaine dans la grande Mustang de Dario. Je m'endormis presque sur le trajet, et je dus lutter pour garder les yeux ouverts. Ceux de Rebecca étaient pointés sur moi, suspicieux. Nous nous ne tardâmes pas à arriver au lycée, et elle bondit élégamment hors de la voiture.

   — Ne faites pas de bêtises, mademoiselle, lui dis-je sur le parvis de l'école.

   J'avais l'impression d'être sa mère à lui parler ainsi, mais je ne me sentais pas prête à devoir gérer une énième situation compliquée si Rebecca se sentait à nouveau le cœur de défier son père.