[EN PAUSE] Douce Violence

Chapitre 27 : Quitter le navire

   Après notre baiser, aussi passionné et ardent eut été-il, nous n'eûmes pas le temps de nous perdre dans les regards langoureux ou les petits riens murmurés à voix basse. Le chaos de sang et de verre brisé tout autour de nous nous rappelait haut et fort que nous n'avions plus rien à faire d'ici.

   La vérité nous avait éclaté au visage, en bon comme en mauvais, et parmi elle, il était devenu évident que la demeure des Romano n'était plus un lieu sûr, si elle l'eut même jamais été. Y rester après le fiasco de ce soir n'équivalait qu'à rester planter là et attendre que la mort vienne nous cueillir. Dario avait fait preuve de clémence ce soir ; mais ni lui ne moi n'était assez naïf pour croire que ceux qui en voulaient à sa vie seraient assez compatissants pour s'en arrêter là pour ce soir.

   Ainsi, Dario prit ma main et me guida en vitesse à travers le manoir après que je lui ai dit où j'avais demandé à sa fille de se cacher. Une étincelle de reconnaissance jaillit dans ses pupilles lorsque je le fis, visiblement soulagé qu'elle ait été en sécurité pendant tout ce temps et que ce fut été moi qui l'ait préservée du drame.

   Heureusement, lorsque nous arrivâmes au sous-sol sécurisé, Rebecca était bien là, à faire les cent pas dans un coin de la pièce. À en juger par ses tremblements, elle avait dû entendre le fracas d'en-haut. Ses yeux s'écarquillèrent lorsqu'elles nous vit, plus particulièrement l'état dans lequel était son père. Elle ne demanda pas ce qui s'était passé, comme si les mots ne lui venaient pas, et se jeta au contraire dans ses bras. Dario serra les dents au contact, mais leva une main pour lui caresser doucement les cheveux.

   Il lui expliqua rapidement qu'ils devaient partir au plus vite avant de conclure avec un petit sourire :

   — Et puis, tu m'avais dit que tu avais bien besoin de quelques vacances, non ?

   Ça ne la fit pas rire.

   Dario, sans peur, prit les devants en nous guidant à travers le manoir. Je gardais Rebecca à côté de moi, prête à bondir au moindre danger. Chose infiniment rare, l'adolescente était muette, signe qu'elle devait être sincèrement bouleversée par toute cette situation. Je restai derrière elle, fermant la marche et protégeant ses arrières. Nous commençâmes à traverser les couloirs d'un pas prudent, prêts à bondir au cas où Zack aurait décidé d'emmener des renforts. Dario s'arrêtait à chaque coin pour vérifier qu'il n'y avait personne, puis nous faisait un signe de tête pour nous indiquer que la voie était libre.

   Sur le chemin, nous vîmes de nombreux verres cassés, de même que quelques manteaux abandonnés par les invités, seul preuve qu'une fête battait encore son plein il y a encore quelques heures. Devant Rebecca, Dario boitait légèrement, dû à sa blessure à la cuisse. Heureusement, il ne saignait pas beaucoup, la plaie n'ayant pas dû être profonde. S'il avait mal, il ne le laissait en aucun cas paraître, continuant d'avancer le dos droit comme un soldat.

   Dans ma poitrine, mon cœur battait encore à tout rompre, et je me demandais si c'était à cause de l'adrénaline ou du baiser que j'avais échangé avec Dario. Lorsque je tournai un bref regard dans sa direction, je devinai que c'était sans doute les deux, car mon cœur fit un nouveau salto à sa simple vue. Ses cheveux, précédemment tirés en arrière, étaient maintenant décoiffés, et sa chemise arborait plusieurs marques de lacérations, dévoilant un aperçu des muscles toniques en-dessous. Je n'arrivais pas à croire que je pensais tout ça, et encore moins dans cette situation, mais c'était décidément dans le chaos qu'il était le plus attirant.

   — Par ici, nous lança Dario en nous attirant vers un petit placard encastré dans un mur.

   Il l'ouvrit d'un coup sec, l'intérieur ne révélant que quelques paires de chaussures éparpillées au sol. Il donna cependant un coup dans le bois, révélant un double-fond. Il y passa un bras musclé et en sortit deux valises.