Chapitre 11 : Ce foutu sentiment

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   Suite à ma conversation avec Dario de ce matin, je me sentais le cœur plus léger. La journée avait commencé par un échange tumultueux pour au final finir sur la découverte d'une facette un peu plus humaine de lui. 

   J'avais maintes fois entendu parler de son histoire par le passé, notamment sur le célèbre drame familial des Romano, mais l'entendre en parler par lui-même et voir à quel point cela l'avait touché m'avait profondément retournée. Il n'y avait pas que de la pitié dans les émotions qui m'agitaient actuellement. J'avais réussi l'exploit de développer un semblant d'affection pour lui après qu'il ait eu l'air si inquiet pour sa fille et qu'il ait même pris le temps de s'excuser auprès de moi. Après qu'il se soit ainsi confié à moi, je me sentais bien plus en confiance avec lui.

   Mais mis à part cela, je ne me faisais pas d'idées. À mes yeux, il restait toujours le même abruti arrogant.

   La scène actuelle était un tableau particulièrement paisible. Nous étions tous dans le jardin, profitant des rayons du soleil de l'après-midi. Rebecca, lunettes de soleil sur le nez, me faisait la conversation tout perfectionnant son bronzage. Dario, non loin de nous, était sur son ordinateur à s'occuper d'affaires professionnelles peut-être en rapport avec l'incident de la veille. D'habitude il s'occupait de ses affaires professionnelles dans son coin , mais il avait probablement eu envie d'avoir sa fille à l'œil après ce qu'il s'était passé. Même Zack avait fini par nous rejoindre sans que je ne l'eus même entendu arriver.

   Rebecca jeta un coup d'œil furtif à son père avant de me dire à voix basse :

   — Dis, t'essaierais pas de draguer mon père, par hasard ?

   — Quoi ? Hoquetai-je de surprise. Pas du tout ! C'est plutôt lui qui...

   Je m'interrompis. Ça me gênait d'en parler avec sa propre fille, mais il était clair que même elle avait bien compris qu'il se passait quelque chose entre Dario et moi. Il faut dire qu'il n'avait pas vraiment pris la peine d'être discret.

   — Ça me gêne pas tant que ça, tu sais, dit-elle d'un air détaché. Toi au moins, t'es plutôt cool. Et si ça peut distraire Papa des autres harpies comme cette charognarde de Christina, ça me va.

   — Qui c'est, cette Christina ? Demandai-je.

   — Une collègue à Papa qui l'aide à gérer ses finances, un truc comme ça. Mais ses finances, ça l'intéresse un peu trop, si tu veux mon avis. Elle est toujours là à roucouler auprès de lui avec ses décolletés plongeants. Ça se voit qu'elle est seulement attirée pour son argent, cette fausse blonde.

   — Et Dario, qu'est-ce qu'il pense d'elle ?

   — Je sais pas trop, je crois qu'il l'aime bien, même si je vois pas ce qu'il lui trouve. Des filles comme Christina, il y en a toujours eu pour lui voler autour, alors ça arrive que l'une d'elle devienne son intérêt du moment. Mais bon, il finit toujours par s'en lasser.

   Je n'aimais pas ce foutu sentiment qui me picotait les entrailles, car je savais exactement ce que c'était : de la jalousie. J'avais toujours été au courant de la réputation sulfureuse de Dario par rapport à ses nombreuses conquêtes, mais après avoir été son objet de désir depuis tout ce temps, cela ne me laissait plus autant indifférente.

   Une myriade de femmes sans doute plus belles les unes que les autres, comme cette Christina, s'offraient continuellement à lui sans qu'il ait à lever le petit doigt. Il pouvait diriger son attention d'une à l'autre sans que cela ne lui fasse ni chaud ni froid, alors rien ne pouvait l'empêcher de faire de même avec moi. Je n'étais pas grand chose, après tout. Juste une distraction.

   Rebecca dû percevoir mon inquiétude, car elle s'empressa d'ajouter :

   — Mais t'inquiète, toi t'es pas comme les autres ! J'ai bien vu que tu n'attendais rien de sa part. Moi je t'aime bien. T'es cool, et tu sais te battre. 

   — Merci pour votre bénédiction, mademoiselle, gloussai-je. Mais vous savez, il ne va vraiment rien se passer entre votre père et moi.

   Elle se contenta de répondre par une moue sarcastique. Je pouvais me berner moi-même, mais pas Rebecca Romano.

   Je décidai de rebondir sur un autre sujet avant de perdre la face :

   — Savoir se battre, c'est un élément important à souligner à vos yeux ?

   — Eh bien, ce n'est pas si habituel que ça ! Répondit-elle. Moi j'ai appris les bases du self-défense, mais je suis loin d'être une experte non plus.

   — Et vous aimeriez devenir une experte ?

   — Franchement, ouais ! Sans vouloir t'offenser, je n'ai pas envie de me trimballer des gardes du corps toute ma vie. Si je veux être une vraie femme indépendante, il va falloir que je sache assurer mes arrières toute seule un jour.

   Je ne pus m'empêcher de sourire. Pas par moquerie, mais par une sincère empathie. Lorsque je l'avais vue descendre les escaliers le jour de mon arrivée, j'avais cru que Rebecca serait une simple ado superficielle, mais il se trouvait qu'elle cachait en réalité le même tempérament de feu qui avait commencé à bouillir en moi quand j'avais son âge.

   Une idée aussi saugrenue que plaisante me vint en tête.

   — Pourquoi attendre ? lui demandai-je en me redressant.

   Elle leva les yeux vers moi à travers ses lunettes de soleil, ne comprenant pas ma question.

   — Vous avez bien votre propre salle de sport, ici, non ? Expliquai-je.

   — Oui, Papa s'y rend très souvent.

   — Alors tant que je suis à votre service, et vu que vous êtes libre, je vous propose qu'on y fasse un tour dès maintenant afin qu'on s'entraîne toutes les deux. Je pourrai évaluer votre niveau et vous donnez quelques conseils.

   Des étincelles jaillirent de ses yeux.

   — Sérieux ? s'exclama-t-elle. Tu ferais ça ?

   — Bien sûr. En plus, je n'ai pas vraiment eu l'occasion de m'entraîner en profondeur depuis que je suis arrivée ici, ça ne me fera pas de mal à moi non plus.

   — Génial !

   Rebecca se leva d'un bond de là où elle était précédemment allongée. La scène était plutôt amusante à voir : pour une fois, elle faisait réellement son âge quand elle était aussi enthousiaste.

   — Vous allez à la salle de sport ? Nous interrompit soudainement la voix de Dario, qui avait apparemment entendu la fin de notre conversation.

   — Oui, répondit Rebecca, Ellie va m'entraîner personnellement !

   — Oh, voyez-vous cela ! Commenta-t-il.

   Il ferma son ordinateur portable et se leva à son tour.

   — Ça vous ennuie si on vous rejoint, Zack et moi ? Ajouta-t-il sans attendre une quelconque approbation. On avait déjà prévu de s'échanger quelques coups, tous les deux, et j'ai aussi très envie de voir comment notre chère Ellie se bat.

   — Ça te dérange pas, Ellie ? Me demanda timidement Rebecca.

   Je n'irais pas jusqu'à dire que cela me dérangeait, mais même si cela avait été le cas, ce n'était pas comme si je pouvais dire non de toute manière. Et puis après tout, pourquoi pas. Moi aussi j'étais curieuse de ce qu'avait Dario Romano dans le ventre.

   — Très bien, Dario, acceptai-je. Essayez juste de ne pas vous fatiguer trop vite. Je ne voudrais pas vous mettre la honte devant votre fille.

[EN PAUSE] Douce ViolenceOù les histoires vivent. Découvrez maintenant