𝙲𝚑𝚊𝚙𝚒𝚝𝚛𝚎 𝚞𝚗

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Bonne lecture ! 

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Peter Parker a un avis bien précis sur les restaurants.

Il n'aime pas particulièrement y aller : les odeurs sont trop fortes, il y fait souvent une chaleur étouffante, et son estomac gronde comme un fou à la simple vue d'une assiette remplie. Avant, il appréciait quand May lui disait qu'elle avait eu sa paie, et que pour fêter ça elle lui offrait le dîner de son choix : un petit plaisir qui arrivait une fois tous les deux mois, parfois moins.

À présent, c'est un peu plus rare. Depuis la morsure, Peter doit manger davantage : à l'appartement, il se retient de ne pas dévorer tout ce qu'il trouve, car leur budget est serré et May ne peut pas se permettre de faire les courses plusieurs fois par semaine. Donc Peter a souvent faim, mais il compense grâce à la cantine (et à la cantinière qui le resserre deux fois, quand il tente un regard assez convaincant) et aux gens qu'il sauve dans la rue et qui le remercient avec de la nourriture. Ce n'est jamais assez. La tentation est toujours là, et de temps en temps il se force, se coupe, se prive, en espérant que l'appétit sera plus discret s'il espace ses repas. Ça ne fonctionne pas.

Il n'aime donc pas particulièrement aller au restaurant, car c'est parfois comme présenter un bar rempli des plus bons et des plus raffinés alcools au monde à un alcoolique qui ne va pouvoir en prendre qu'une demi-gorgée. Un plat, et c'est suffisant pour attiser sa faim, certainement pas pour le rassasier.

May a bien compris qu'il n'appréciait pas particulièrement certains endroits. Son air morose et ses traits tirés devant une assiette pourtant bien garnie étaient plutôt clairs. En revanche, cela ne s'appliquait pas aux restaurants à volonté, qui étaient sans aucun doute les meilleurs lieux au monde pour l'estomac sans fond qu'était Peter Parker. Pour treize dollars par personne, il pouvait manger, manger, et manger encore sans se soucier de l'état du frigo ou du prix de la note.

— Tu n'as pas faim ? s'étonne-t-elle en le regardant jouer avec sa nourriture.

Peter relève sa tête. Son estomac a grondé toute la journée, et rien que l'idée de mettre une seule bouchée de son porc au nuoc-mâm entre ses lèvres le fait saliver. Pourtant, la culpabilité lui serre la gorge et il peine à penser à autre chose.

— Oh, si. C'est juste un peu chaud.

— T'as pas l'air en forme aujourd'hui. Ça va faire dix minutes que je te parle, et j'ai bien dû répéter le mot nuoc-mâm au moins dix fois sans réaction.

Peter tente un sourire désolé. Il déteste se sentir comme ça, donner l'impression aux autres qu'il n'est qu'à demi là, qu'il n'est pas présent, qu'il n'est pas intéressé. Elle l'invite, et lui n'écoute même pas.

— Je suis désolé, May. Je suis juste... fatigué.

— Oh, chéri. C'est ce stage chez Stark Industries ?

— Mmh, oui. Y'a de ça. Pas mal de... boulot.

Quelques semaines plus tôt, son plus gros souci était de retrouver le propriétaire d'un vélo, et de savoir si une voiture était en train d'être volée (ou si son propriétaire n'avait tout simplement pas les clés, et essayait de l'ouvrir avec un cintre). À présent, quelqu'un a failli mourir.

À présent, ça a bien failli être de sa faute.

— Tu devrais te ménager, tu sais. Te concentrer sur l'école, c'est déjà bien assez. Je suis pas vraiment une fan de... Tony Stark. Il te distrait énormément, et même si tu es un petit malin, tu restes un ado : j'ai l'impression qu'il a tendance l'oublier, avec tout le travail qu'il te donne.

Elle continue, lui demande ce que Stark lui fait faire, avec une expression douce (et légèrement inquiète, comme toujours en ce moment alors qu'il revient tard et qu'il a des bleus partout) mais le son de la TV le distrait quelque peu. Il peine encore à offrir sa pleine attention à une seule et unique chose, maintenant qu'il peut entendre une mouche voler dans la pièce d'à côté.

— La sandwicherie Delmar', établissement réputé du Queens, a été attaquée un peu plus tôt dans la soirée, pendant qu'un vol de distributeur de billets était en cours dans la banque située juste en face. Cette dernière a été déjouée par une autre légende du Queens, le justicier haut en couleur : le Spider-Man. Alors que ce dernier tentait d'arrêter le braquage, une onde s'est déclenchée et a découpé l'épicerie de l'autre côté de la rue. Par miracle, personne n'a été blessé...

Peter dépose doucement les baguettes qu'il a gardées dans sa main sur le côté de son assiette : rien que de repenser à l'explosion, à la boutique enflammée de M. Delmar qui ne possède rien d'autre, à son corps étalé dans les gravas que Peter a eu du mal a faire sortir, à son chat aux poils rôtis qu'il a été rechercher...

Sa gorge se serre, et May se retourne vers lui, la bouche serrée.

— Si tu repères ce type d'événements, tu pars en courant dans la direction opposée.

Elle a l'air tout à fait sérieuse, comme si voir son quartier devenir de plus en plus dangereux chaque jour n'était pas un problème pour elle, mais pour lui. May a toujours fait ça : Peter avant tout. Il déglutit et hoche doucement la tête en essayant d'être crédible.

— Ouais. Ouais, ouais, bien sûr.

— C'est à peine à six rues, t'imagines ?

Et Peter doit détourner son attention. Car là, il est en train de lui mentir : il sait non seulement très bien ce qui s'est passé, mais sait aussi très bien que si jamais quelque chose comme ça se reproduisait, il ne partirait pas en courant.

Il courait tout droit, tête baissée en direction de la catastrophe.

Et lui promettre quelque chose comme ça, alors même que son corps est plein de bleus, qu'il s'est déjà reçu un coup de couteau et évite des balles au moins une fois par semaine, et bien ça le déchire. Alors Peter ouvre la bouche et dit :

— Hm, tu m'achètes un nouveau sac ?

Comme si l'argent, pour eux, était quelque chose de tellement plus facile.

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Will it matter when I'm gone | Peter ParkerOù les histoires vivent. Découvrez maintenant