𝙲𝚑𝚊𝚙𝚒𝚝𝚛𝚎 𝚝𝚛𝚎𝚗𝚝𝚎-𝚚𝚞𝚊𝚝𝚛𝚎

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Bonne lecture ! 

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 — Alors Peter, cette rentrée ?

La psy l'observe avec un regard bienveillant qui l'oblige à se tortiller sur place. Sa feuille est déjà bien remplie : c'est au moins le troisième sujet de la séance et Peter est fatigué.

— C'était... bien.

Il n'y a pas vraiment d'autre mot pour ça. La pièce est silencieuse, il pleut dehors, et une odeur d'humidité règne partout dans le bâtiment. Sa bouche est engourdie ; il a dépassé le couvre feu de May de plusieurs heures la veille, et même si elle est moins exigeante avec l'horaire quand c'est vendredi, sa tante n'a pas semblé ravie.

Peter n'a pas beaucoup dormi. Il s'est levé tôt pour ce rendez-vous.

— Fatiguant, souffle-t-il. Tout le monde me fixe, dans la classe. Lundi, les couloirs ça allait mais je crois que la rumeur s'est répandue parce que mercredi ils me fixaient tous quand j'ai été à mon casier. Ned est content, même s'il s'est fait d'autres amis pendant l'année. Sa mère l'a fait rejoindre plein de club que je peux pas rejoindre en cours d'année, et même si je pouvais... je peux pas faire tout ça, et Spider-Man.

Et Spider-Man n'est pas négociable. Si Peter devait faire une pause, là tout de suite (ne plus virevolter dans les airs, ne plus grimper sur les immeubles, ne plus secourir des gens qui se font agresser à un coin de rue, ne plus recevoir des fruits, des gâteaux, ou des hot-dogs de la part des personnes qu'il aide) il ne survivrait pas. Ça lui serre le cœur et l'empêche de respirer rien que d'y penser.

— Je pensais pas à avoir à me soucier des cours, mais j'ai vraiment du mal avec la littérature. J'ai une bonne mémoire, enfin je peux apprendre les choses par cœur sans vraiment essayer : les sciences et les langues, ça va. Mais j'ai l'impression d'avoir des années de retard en littérature, et même si techniquement ma bourse n'est plus vraiment là je... je peux pas avoir... enfin. Hm. Mon dossier. La fac.

Il hausse les épaules et se passe une main dans les cheveux.

— Bref, c'est plus dur que ce que je pensais. En plus...

Sa bouche se tord légèrement, et la psy redresse la tête : elle a noté quelques petits trucs.

— Oui, Peter ?

— C'est... pas grand-chose. Mais j'aurais pas cru que retrouver une vie normale serait aussi... étrange. Je suis content, mais d'un coup je me souviens que rester assis sur une chaise pendant des heures, c'est insupportable. Que le bruit des couloirs, c'est dur à supporter. Je ressens vraiment tout puissance vingt, et même si je sais comme... atténuer les choses, ça n'empêche que parfois... hm. J'avais oublié, tout ça. Et... hum.

Il se racle la gorge, car sa voix s'est brisée en cours de route.

— Certains jours, j'ai l'impression de reprendre la vie de quelqu'un d'autre. C'est bizarre. C'est... si vide. Je vois Ned, ou MJ dans ma classe, et je devrais être content. Je le suis vraiment, certains jours. Mais pendant d'autres je... sais pas trop.

Il touche distraitement sa poitrine.

— Il y a eu tellement de choses. J'ai été dans l'espace, et là je retourne au lycée. C'est... bizarre, répète-t-il.

Sa bouche se tord. Ça le dégoûte presque de dire ça.

— J'ai l'impression que tante May n'est pas réelle. Que Mr Stark n'est pas réel. Que je suis encore, hm, dans un rêve. Parfois j'ai du mal à être, comment dire, empathique, à être humain.

Il s'attend à ce qu'elle dise quelque chose, comme elle le fait parfois, mais la psy reste silencieuse.

— C'est pour ça que Spider-Man est là. J'aide des gens, mais au final je fais ça pour moi, parce que ça m'aide moi.

Toujours aucune réaction, alors il finit par soupirer.

— Je fais des efforts, d'accord ? Je sais que c'est ridicule d'attendre que tout redevienne comme avant, mais je fais des efforts. Je mange tout ce qu'on me donne même si ça me donne l'impression de prendre de la place, et j'essaye de dormir même si mes rêves me...

Il secoue la tête.

— J'ai repris l'école, j'ai repris Spider-Man, j'ai les mêmes relations avec les autres qu'avant. Mais... mais...

Peter inspire.

— Je suis ridicule, murmure-t-il en se penchant en avant pour poser ses avant-bras sur ses cuisses. Tous ceux qui ont disparu arrive très bien à reprendre leur vie. J'ai l'impression d'en faire des caisses, de me... complaire dans cette impression de vide. Si je faisais un peu plus d'effort, peut-être que...

Il s'arrête, car il ne sait même plus où il veut en venir. Il est si fatigué qu'un mal de crâne pointe derrière ses paupières.

La pièce devient silencieuse pendant un moment.

La psy n'est pas là pour le réconforter, mais elle tente tout de même : Peter l'écoute lui dire qu'il n'a pas eu le même parcours que les autres, que certains ont du mal à refaire surface, qu'il allait certainement mal bien avant la Disparition, que reprendre une vie normale après des événements aussi importants n'est pas censé être facile, qu'il a tout de même failli mourir.

Peter écoute.

Deux pas en avant, un pas en arrière.

Ce n'est pas un bon jour.

Demain, ça ira peut-être un peu mieux.

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Will it matter when I'm gone | Peter ParkerOù les histoires vivent. Découvrez maintenant