𝙲𝚑𝚊𝚙𝚒𝚝𝚛𝚎 𝚟𝚒𝚗𝚐𝚝-𝚎𝚝-𝚞𝚗

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Bonne lecture !

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Tony n'avait pas menti : la maison du lac est immense.

Peter marche dans les couloirs pendant un bon moment, cette nuit-là. Il observe les murs, la cuisine, les portes qui mènent aux chambres. Il ne fait aucun bruit, un silence parfait, et pendant quelques heures il n'a pas vraiment l'impression d'exister : un fantôme qui ne fait que repérer les lieux, toucher du bout des doigts des vases, des photos, des cadres.

Il y a une photo de Mr Stark et lui au-dessus de l'évier.

Morgan grandit au fil des années dans le salon.

Quelques jouets ont glissé sous le canapé, un robot ménagé est rangé dans un coin, aucune vaisselle sale ne traîne, les rideaux sont tirés. Peter s'assoit dans un fauteuil quelques instants, épuisé, et observe tout sans savoir quoi en faire. Ce n'est pas chez lui. Et ce n'est pas tout à fait lui.

Il a faim. Il a soif, aussi.

Avec un soupir, il retourne dans sa chambre et referme doucement la porte derrière lui. À l'intérieur, il n'y a que son lit défait, une table de nuit remplie de feuilles noircies d'encre, une tablette à la batterie vide, et une armoire pleine de vêtements qui ne lui appartiennent pas. Il passe ses journées en jogging et t-shirt blanc, ne s'inquiète même pas de savoir si tout ce qu'il y avait dans sa chambre existe encore.

Il s'avance jusqu'à la fenêtre, et fait glisser la vitre pour accéder à l'extérieur : il est au rez-de-chaussée, mais ça n'aurait pas changé grand-chose. Peter aurait sauté dans tous les cas.

Dehors, l'air est déjà plus respirable. Les odeurs sont fortes, et les poils de ses bras se hérissent à la première brise qui fait bouger ses cheveux (en voyant ça, Peter fronce les sourcils et penche la tête. Ça le titille, ça tire, ça fait un peu mal. Une autre migraine, sûrement, mais ça le force à se mordre la lèvre). Il marche pieds nus sur la terrasse en bois, puis sur l'herbe tiède. La nuit est vraiment sombre ici, et à nouveau il pense à New York : il a envie de sauter. De tomber. Il a envie de voler et de se balancer, il a envie de faire plus que remuer douloureusement les doigts de sa main droite.

Il ne l'a encore dit à personne : quelques mouvements de peau noircie, ça n'a rien d'extraordinaire. Son cœur ne s'est même pas emballé en voyant cela. Son cœur ne s'emballe plus pour grand-chose. Les souvenirs sont là quelque part, ceux d'avant en tout cas. Ce ne sont pas des images, simplement des sensations.

Des sensations sur la nourriture, sur ses pouvoirs, des sensations sur son rapport aux autres. Ils semblent tous si loin. Il n'y a que Peter qu'on a mis en pause : le monde a continué de tourner.

— Prends au moins une veste, quand tu sors.

Ça fait à peine quelques minutes qu'il s'est assis au bord de l'eau. Ses pieds trempent doucement, son regard s'est perdu sur les vaguelettes créées par le vent, et il écoute distraitement les bruits des rongeurs qui courent non loin de là.

Il n'a pas vraiment entendu Tony s'approcher : il l'a senti ouvrir la porte de l'arrière de la maison, il a senti son soupir en remarquant Peter dehors, il a senti ses pas dans l'herbe.

Un gilet en polaire tombe sur ses épaules, et Mr Stark s'installe à côté de lui.

— Promenade nocturne ?

Peter acquiesce en silence.

— Je vais faire semblant de croire que tu as attendu l'autorisation du médecin pour faire ça, et que c'est la première fois que tu sors à l'extérieur. Autorisation que tu as obtenue il y a à peine six heures, d'ailleurs.

Le regard de Tony suit aussi le cours de l'eau. Le ventre de Peter vibre : ça ne fait pas de bruit, ça lui rappelle simplement qu'il a utilisé des forces qu'il n'a pas pour se lever, marcher, et aller explorer la terrasse. Il a l'impression de se souvenir de la neige à sa fenêtre.

— Pourquoi t'es pas sorti quand il faisait jour ?

— Trop fort, murmure-t-il.

Trop de lumière, trop de bruit, trop de tout. Il a parfois l'impression de revivre les débuts de sa morsure. Un contrôle vraiment bancal, un mal de tête sous-jacent en permanence, une grimace chaque fois que quelqu'un parle trop fort ou bouscule quelque chose.

Il dort beaucoup la journée. Parler est épuisant.

Peter ferme les yeux une seconde.

— Ned ?

Il veut poser la question depuis des semaines. Parfois il y pense : aux cours, à sa vie. Il va peut-être devoir redoubler (ou peut-être pas, Peter a toujours de l'avance après tout alors ça devrait sans doute le faire) si jamais il retourne un jour à l'école. C'est sûrement bête, car bien sûr qu'il va y retourner, il n'est pas mort, mais il n'arrive pas à simplement imaginer l'avenir.

La terre tourne, et Peter est là.

— Il appelle May de temps en temps. Elle lui donne des nouvelles.

— Il sait ?

— Quoi ?

Il déglutit. Sa gorge est sèche : il a envie de se pencher, de mettre ses mains dans l'eau, et de boire de longues gorgées.

— Pour ça.

Il regarde son bras ganté.

— Et mon réveil.

La nuit est si silencieuse. Pas de klaxons, pas de voitures, de passants. Pas de costume collant son corps comme une deuxième peau, pas de voix féminine dans son oreille (quelques jours plus tôt, il a réussi à l'importer dans la tablette que lui a prêtée Mr Stark, et même s'il n'a pas encore craqué la Wi-Fi de Tony Stark pour aller sur internet, l'entendre lui fait du bien).

Peter aimerait voir ce qu'on dit de lui. Il aimerait savoir si son identité a été révélée. Il aimerait prendre des nouvelles du monde, voir à quel point tout a changé. Rien que la nouvelle technologie qu'il ne comprend pas encore parfaitement lui donne envie de vomir.

— Il sait que t'as été blessé. Et il sait aussi que tu t'es réveillé. May lui a dit que t'étais... pas encore prêt pour les visites. En plus c'est encore...

— Période scolaire. Je sais.

Il déglutit. La polaire est douce sur sa peau, et il la serre un peu plus.

Tony ne le gronde pas pour être sorti ainsi, il ne le gronde pas pour les repas sautés, ni pour le manque de sommeil ou ses tentatives d'apprendre des choses par le biais de Morgan. À une époque, il n'était qu'un gamin un peu malin que Tony essayait de former (il faisait des bêtises, se mettait en danger, et Tony s'énervait). Ça a changé, ensuite, car il a eu accès au labo, puis au reste : Peter restait un gamin, mais ils travaillaient ensemble.

Maintenant, Tony Stark a des cheveux poivre et sel, une fille, une femme, une maison près d'un lac.

— Je suis tombé d'un vaisseau, souffle-t-il. C'est vrai ?

— Qui te l'a dit ?

— Personne.

Tony se mord la lèvre, et surprend le mouvement distrait des doigts de Peter. Ses doigts noirs. Il ne dit rien, mais Peter voit bien qu'il a envie de tendre la main, attraper son poignet, l'interroger pendant des heures.

Sa mémoire revient un peu.

Tony a l'air presque effrayé.

— Tu t'es accroché à un vaisseau en train de décoller, sans penser à l'oxygène. Tu es tombé, et l'amélioration du costume t'a rattrapé. Je t'ai dit de rentrer.

— J'ai pas écouté.

— T'as pas écouté.

Peter mord l'intérieur de sa bouche, puis acquiesce. Il inspire, se lève, et Mr Stark suit son mouvement sans rien dire de plus.

— Bonne nuit, Pete.

Il murmure une réponse, puis s'éloigne jusqu'à sa chambre.

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Will it matter when I'm gone | Peter ParkerOù les histoires vivent. Découvrez maintenant