𝙲𝚑𝚊𝚙𝚒𝚝𝚛𝚎 𝚚𝚞𝚒𝚗𝚣𝚎

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Bonne lecture !

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Peter n'a pas peur du vide.

Il n'a pas peur des hauteurs.

La première fois, pour tester, il a sûrement fait quelque d'un peu stupide. Il ne peut plus rester immobile, à parler à quelqu'un : il veut faire le poirier, marcher au plafond, sauter sur place, poser ses mains à plat sur une surface verticale et porter le reste de son corps grâce à la force de ses bras. La première fois, le premier test pour ses lance-toiles, Peter l'a effectué en sautant du haut d'un immeuble. Il a enjambé la barrière de sécurité, a regardé le vide, et a décidé que oui, il pouvait sauter. Il l'a fait.

Peter a fait pire, après : escalader la tour de Washington, sauter au millimètre près pour atteindre une minuscule fenêtre, tomber du haut d'un pont, s'écraser dans l'eau.

Se laisser emporter par un homme normal équipé d'ailes, et tomber. Tomber. Tomber. Tomber dans l'eau, s'enrouler dans une toile beige, ne pas réussir à s'en sortir. L'eau froide, glacée, couler, couler encore.

Ce jour-là, Peter a eu moins peur de la hauteur que de l'atterrissage : le vide, la solitude, le froid. La douleur.

Il a l'impression d'avoir disparu. D'avoir goûté le vide, pour de vrai. Ce n'est sûrement pas tout à fait ça. Il n'est pas sûr. Il ne s'en souvient pas.

Peter n'a toujours pas peur des hauteurs.

Mais il a définitivement peur du vide à présent.

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Peter ouvre les yeux en ayant l'impression d'avoir dormi.

En tournant doucement la tête, il remarque immédiatement que ce n'est son lit. Chez May, sa chambre est petite et étroite : il peut toucher son bureau en tendant le pied depuis l'armature de son couchage. Un lit superposé, où l'étage ne lui sert qu'à entreposer des choses, et à installer des gens (Ned) quand ils restent dormir.

Peter n'a pas le souvenir de s'être endormi.

La fenêtre est immense, du sol jusqu'au plafond. Il met un instant à voir que c'est une baie vitrée, et que la porte peut très bien s'ouvrir. À l'extérieur, il n'y a que des arbres, de la neige épaisse, un ciel blanc et des flocons qui tombent. C'est joli. C'est calme. Il n'a jamais vu de neige aussi blanche, à New York il n'y a que quelques secondes de calme, quand elle tombe : une fois au sol c'est terminé, il ne reste que de la boue blanchâtre et des bouchons dans les rues.

Peter apprécie le silence, alors il ferme les yeux un instant et inspire très fort.

Il y a plein de choses qui devraient attirer son attention. Il remarque son bras, enroulé dans des bandages blancs cassés. Il remarque les dessins à l'aquarelle fait sur le mur. Il remarque le lit immense, les couvertures douces, les oreillers moelleux. Il remarque les machines, les aiguilles et les fils.

Il voit tout ça, mais aucune réaction ne s'impose dans sa poitrine. L'odeur qui flotte dans la pièce est agréable, c'est à peu près tout.

Peter reste immobile pendant un bon moment. Ses paupières sont lourdes. Sa bouche est sèche. Il vient de se réveiller, pourtant il se sent si fatigué, si exténué. Il reste là, à observer le plafond, les changements de couleur et les petits défauts.

(Il essaye de bouger un pied. Ses orteils remuent. Il a envie de sourire, en voyant ça, mais c'est fatigant.)

Peter ne sursaute même pas quand la porte s'ouvre sans douceur. Le bruit est surprenant, oui, surtout à travers le calme qui régnait une seconde avant, mais il se contente de fixer l'embrasure avec fatigue. Tony entre, les yeux rivés sur sa tablette.

Peter remarque à nouveau quelques petites choses, mais son esprit ne fait clignoter aucune lumière. Il voit. C'est à peu près tout.

Tony a des cernes, comme toujours. Son pyjama tombe lâchement sur ses épaules, et son bas de pantalon traîne sur ses pieds. Ses cheveux ne sont pas spécialement coiffés. Il se frotte les yeux en avançant, et ses doigts tapent agilement sur l'écran.

Il ne relève pas la tête, pas tout de suite. Peter observe. Il s'avance dans la pièce, regarde par la fenêtre, jette un coup d'œil aux machines, finit par s'asseoir dans le fauteuil. Cela dure quelques secondes.

Jusqu'à ce que finalement Tony Stark soupire, retire ses lunettes épaisses, se pince l'arête du nez, et lève les yeux. Peter le voit, l'exact instant où Tony pose son regard sur ses paupières ouvertes, l'exact instant il remarque et comprend que Peter est réveillé.

Sa bouche s'ouvre lentement.

— Putain de merde.

Peter a encore envie de sourire. Il essaye, cette fois : ça ne fait même pas mal, mais il ne sent pas ses lèvres remuer alors il se contente de cligner des yeux.

— Oh, merde, répète Tony en se levant. Peter, tu... tu....

Il inspire profondément. Son visage montre tout, et c'est assez étonnant : ça se voit qu'il essaye de tout faire disparaître, de reprendre son calme, de montrer son expression publique (celle qu'il adopte face aux journalistes ou aux personnes qu'il ne considère pas comme son entourage, ce qui enlève un bon nombre de personnes).

Mais ça ne fonctionne pas très bien, alors à la place il agit.

— FRI ? Fais venir le médecin immédiatement. Ne préviens personne d'autre, il faut juste... merde, Pete tu peux parler ? Comment tu te sens ?

Il l'observe encore, les oreilles un peu sifflantes.

— Non ? D'accord, je vois. C'est pas grave. Pete, tu guéris. Ça va aller. Ça s'améliore vraiment, et maintenant que tu es réveillé ça... ça va aller. Vraiment.

Il se répète. Il est si proche du lit qu'il semble à deux doigts de s'asseoir dessus. Son regard passe sans arrêt du visage de Peter à son bras.

Dehors, la neige tombe encore plus fort.

— Est-ce que t'as mal ? Réponds simplement avec ta tête, d'accord ? Dis-moi juste si tu as mal.

Peter le regarde. Il pense à son corps engourdi, à sa bouche pâteuse, à son esprit cotonneux. Ça tire un peu. Ça picote, maintenant.

Il est fatigué.

Il secoue lentement la tête.

— Bien. C'est très bien, merci.

Tony passe une nouvelle main sur son visage, et sourit. Il a l'air épuisé. Il a l'air content, mais pas entièrement.

Peter sent ses paupières se fermer, et il résiste.

— C'est bon, Pete. C'est pas grave. Tu peux dormir, tu peux te reposer. Je reste là.

Il n'entend même pas la fin de la phrase.

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Will it matter when I'm gone | Peter ParkerOù les histoires vivent. Découvrez maintenant