Bonne lecture !
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— Alors, Peter ? Vous avez quelque chose à dire, pour commencer ?
La psy a les jambes croisées et les yeux rivés sur lui. Peter regarde partout ailleurs : elle a un haut en mousseline qui tombe sur ses épaules, ainsi qu'un collier qui semble lourd.
— Je...
Il serre les lèvres. Sa respiration semble bloquée dans sa poitrine depuis qu'il s'est assis en salle d'attente, vingt minutes plus tôt. Il a attendu sagement, jusqu'à ce qu'il sente sa jambe remuer seule, sans qu'il ne puisse rien y faire.
Son poing droit est serré, couvert de son gant.
La psy attend encore un peu. Il ne connaît pas son nom, enfin il ne l'a pas retenu en tout cas. Finalement, elle acquiesce doucement.
— D'accord. Dites-moi peut-être ce qui vous amène ?
Peter fronce les sourcils.
— Je croyais que... enfin Mr Stark a dit que vous saviez...
— Bien sûr. M. Stark a pris le rendez-vous, je suis bien au courant.
Il a failli l'appeler Tony. C'est le prénom qui a manqué de passer ses lèvres : il le lui a dit à chaque fois, maintenant. Quand il appelle, quand ils se parlent. Cela semble être son objectif du moment, que Peter l'appelle Tony.
Et en vérité, ce n'est pas qu'il a un problème avec ça. C'est juste... ça lui paraît bizarre. Même maintenant. Presque déplacé. Tony Stark est... Tony Stark. Il n'est pas son oncle. Il n'est pas son père. Il n'est que la personne qui le sort de sa merde quand il s'est trop profondément enfoncé dedans.
Peter déglutit. Il n'y a pas d'eau à côté de lui, simplement une boite de mouchoirs.
— Ce que je voulais dire, c'est : pourquoi pensez-vous qu'il l'ait fait ? Pourquoi en avez-vous besoin ?
— Je ne...
Il se tait. À ce stade, il ne sait pas trop si c'est l'ambiance du bureau ou le simple fait de se trouver là, mais ça le rend sensible. Ses émotions sont là, coincées dans sa gorge. Il ne sait pas quoi en faire. (Car c'est la première fois : peut-être qu'il aurait dû y aller un peu après la mort de ses parents, ou après la mort de Ben, ou après la morsure, mais il n'a rien fait).
— Ils sont tous... inquiets.
— Pourquoi ça ?
— Je sais pas.
Elle note quelque chose, puis relève la tête et attend. Le silence est dérangeant, alors sa jambe finit par s'agiter à nouveau.
— En fait, peut-être que c'est à cause des repas. Et du... je dors pas très bien.
Il la zieute un peu.
— Il m'a dit que vous saviez pour...
— Spider-Man ? Je suis au courant.
Son expression s'adoucit si rapidement que Peter se rétracte dans son siège. Ce qu'il lit dans ses yeux, c'est assez curieux : la première fois qu'une véritable civile, qu'il ne connaît absolument pas, est au courant.
Il inspire, et souffle :
— D'accord. D'accord, je vois.
Il cherche. Ce qu'il peut dire de plus. Ce qu'il doit certainement dire de plus : quand Tony lui a dit qu'il avait pris rendez-vous pour lui, et qu'il tenait absolument à ce qu'il y aille, Peter a traîné sur internet toute la nuit pour lire des simulations de rendez-vous.
— J'ai essayé de remettre le costume. Il est dans ma chambre, Mr. Stark me l'a envoyé la semaine dernière. Je pensais que j'attendais que ça, mais... mais quand je l'ai remis, j'ai pas réussi à sortir.
Les mots sont tombés de ses lèvres, et il regrette un peu. Partager, se confier : c'est si dur. C'est avouer qu'il y a un problème, un problème qu'on arrive pas à régler seul, un problème qui n'a sûrement pas lieu d'être car tout va bien ou presque. Peter aimerait tellement pouvoir simplement dire à ses proches qu'il a un peu de mal, que tout n'est pas si facile.
Mais Mr Stark a sûrement payé cette femme très cher. New York a encore besoin de Spider-Man, s'il se base sur ce qu'il entend sur la chaîne de radio de police qu'il a piraté. Tante May doit retrouver une vie normale. Peter doit retourner au lycée. Ned ne doit plus le regarder avec cet air triste.
— Pour l'instant, je peux que sortir sur les toits. J'attends le bon moment. J'ai remis mes bracelets avec mes lance-toiles, au cas où, mais j'arrive pas... à sauter.
Le matin même, Peter s'est regardé dans la glace. Nu, au milieu de la salle de bain, il a observé son maigre corps encore musclé, ainsi que la délimitation du noir sur son bras : des fines remontées sombres, comme des veines, depuis la brûlure qui démarre au milieu de son biceps jusqu'à son épaule. Ça ne disparaîtra jamais.
— J'ai l'impression que mon bras va mieux. Certains jours, je l'oublie presque. Mais parfois... il lâche. Je fais tomber des trucs, je les casse, ou alors ça brûle et ça pique et ça finit par me déconcentrer. Je peux pas être Spider-Man si je suis pas entièrement concentré. Je peux pas... je peux pas prendre le risque de faire tomber quelqu'un.
Elle note encore. Plein de choses, très vite : la page est remplie en un rien de temps. Peter a presque envie de lui demander s'il peut lire.
— Je...
Elle l'écoute attentivement. Elle est si discrète que c'est facile d'oublier qu'elle est là, qu'elle entend tout.
— J'ai encore du mal à être Peter Parker. Comment je pourrais être Spider-Man, en plus ?
— Vous vous sentez obligé ? D'être Spider-Man ?
Il relève la tête, et cette fois croise son regard. Ça ne dure qu'un instant, car ses yeux se posent bien vite sur un tableau, derrière.
— Je n'ai pas été forcé de devenir Spider-Man. Pas vraiment. Je n'ai pas...
Il renifle. C'est si brusque qu'il cligne plusieurs fois des yeux pour faire remonter les larmes. Il n'a parlé à personne de ça.
— La morsure, c'était... c'est arrivé. De ma faute, en plus, parce que si j'étais pas allé mettre mon nez dans cette pièce, j'aurais jamais rencontré cette araignée. Peut-être que d'autres se sont fait mordre. J'y pense, parfois : pourquoi moi, pourquoi mon corps l'a accepté. Cette nuit-là, j'ai vraiment cru... que j'allais mourir. Je savais plus ce que je faisais, j'avais tellement de fièvre et tous mes muscles étaient...
Il inspire.
— Je crois que je suis mort. J'ai le souvenir d'avoir entendu mon cœur ralentir, j'ai entendu mon corps tomber sur le sol de ma chambre. Tout faisait tellement mal. J'ai dit à tout le monde ou presque que je me souvenais pas, que je m'étais réveillé comme ça, mais...
Il triture un peu ses doigts.
— La morsure m'a offert des capacités que je n'avais pas. Et parfois c'est bien, mais parfois c'est aussi... Je suis pas obligé d'être Spider-Man. Mais je suis obligé de faire quelque chose de ces dons. Parce que si quelque chose arrive un jour, quelque chose que j'aurais pu éviter si jamais j'avais agi, alors ça serait ma faute.
Il attend, car là il a dit tout ce qu'il pouvait. Il n'a pas l'impression de pouvoir dire un mot de plus, de pouvoir offrir un autre secret. Il se sent épuisé.
La psy, elle, note et note encore pendant plusieurs longues secondes. Il observe le stylo qui bouge, puis ses doigts qu'il tord à nouveau. Quand elle redresse la tête, Peter ne sait pas ce qu'elle voit. En revanche, il soupire de soulagement quand sa prochaine question est :
— Peter, est-ce que vous avez des projets concernant la suite du lycée ?
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Will it matter when I'm gone | Peter Parker
Fanfiction| Peter Parker-centric / IronDad & SpiderSon | Fiction terminée | ❝ - Je ne me sens... pas très bien. Il aurait dû dire cette phrase des mois plus tôt. Il aurait dû appeler à la première blessure, la première balle, la première coupure. Il aurait d...