𝙲𝚑𝚊𝚙𝚒𝚝𝚛𝚎 𝚟𝚒𝚗𝚐𝚝

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Bonne lecture !

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D'habitude, la doctoresse vient l'examiner quand il n'y a pas trop de monde.

Peter entend les pas dans le couloir, ainsi que les discussions qui suivent. Il entend tout ce qui se passe dans la moitié de la maison, mais fait de son mieux pour se contrôler : entendre May renifler ou Tony boire un autre verre n'est vraiment pas agréable. Morgan parle beaucoup toute seule, et peut-être qu'elle se sent seule. Pepper reste parfois des heures sur la terrasse, avec un thé chaud et des soupirs fatigués plein la poitrine.

D'habitude, il lui laisse de l'espace : quand il doit retirer son t-shirt pour montrer son torse étrangement maigre (et pourtant encore musclé, toujours depuis la morsure) ou quand elle retire son gant pour vérifier son bras et appliquer des baumes. La marque noire a cessé de reculer depuis des semaines. Il commence à sentir des choses, ce qui est sûrement bien.

Sa peau reste complètement froide, en revanche.

Cette fois, il y a May et Tony. Ce dernier n'a pas levé une seule fois les yeux depuis qu'il est entré. Il s'est simplement assis dans le fauteuil du coin de la pièce et a commencé à noter des choses sur sa tablette avec un stylet. Peter entend son cœur battre avec fatigue.

Liz rabat les couvertures sur les côtés, et fronce les sourcils en voyant ses jambes. Elle se mord la lèvre, lui jette un coup d'œil en coin.

— Tes jambes se musclent, remarque-t-elle.

May sourit.

— C'est une bonne chose, n'est-ce pas ?

L'expression de Liz n'est pas aussi ravie.

— Plus ou moins. Peter ?

— Mmh ?

Il évite de croiser son regard, car au fond il sait très bien ce qu'elle va dire.

— Tu te lèves combien de fois par semaine ?

May fronce les sourcils, et la question attire l'attention de Tony qui relève la tête. Ses yeux sont sombres, et Peter n'a pas besoin de croiser son regard pour entendre la manière dont ses mains se crispent.

— Mais..., souffle sa tante. Vous aviez dit qu'il ne devait pas se lever.

Elle ne comprend pas trop. Comme si, à ses yeux, Peter n'était au fond plus vraiment Peter : il le sent très bien. Il n'est plus vraiment lui, il n'est plus un ado, il n'est plus un élève, il n'est plus Spider-Man. Ils ont tous oublié comment il était, et le traitent comme un patient sans sentiments. Ils ne lui disent rien, ils attendent qu'il guérisse.

Peter n'a pas le droit d'être triste, en colère, ou de simplement vouloir aller aux toilettes tout seul.

La doctoresse a dit de ne pas se lever, alors Peter a bien évidemment suivi les consignes. C'est ce qu'ils pensaient tous.

Ils le laissent seul dans une chambre en attendant que le chien galeux redevienne un gentil chiot qui ne vomit plus sur le tapis.

— Je ne sais pas, répond-il.

— Tu t'es levé, hier ?

— Oui.

— Tu marches ?

Il acquiesce. Liz l'observe.

— Tu te lèves tous les jours ?

— Parfois.

Le visage de May s'effondre un peu. Tony lève son poing devant sa bouche et s'affaisse légèrement sur son siège.

— Mais Peter tu... elle t'a dit de...

Elle ne semble même pas en colère. Simplement perdue : May attrape sa main gauche et la serre entre les siennes. Elle cherche son regard, essaye de comprendre pourquoi Peter ne suit pas simplement les indications, pourquoi il ne guérit pas bien sagement.

Pourquoi, la nuit, il tente de monter le long du mur, de prendre l'air à la fenêtre, de se couper le doigt pour voir sa peau se refermer. Son cerveau fonctionne comme avant, il remplit des pages et des pages de formules, de schémas, d'idées, de calculs. Ses mains se collent toujours aux surfaces, sa force est un peu plus grande que la moyenne (il a cassé un verre, la veille, simplement en le serrant. Il voulait voir, il voulait être sûr).

Tout est plus fragile. Mais tout est là.

— Tu ne devrais pas faire ça.

Liz se redresse sur le tabouret. Elle note ses constantes, semble réfléchir, puis mord légèrement le bout de son stylo.

Peter attend en silence, car aujourd'hui est un jour sans. Il a à peine la force de parler, de supporter le bruit, la lumière, les mains des autres sur lui.

— Quand tu te lèves, ton corps utilise des ressources qu'il possède à peine. Pour tes muscles, ta force, tes sens. Tu ne manges pas assez (Il serre les poings), tu ne bois pas assez, et depuis quelque temps tu ne dors sûrement pas assez non plus. Ton corps a du mal à suivre.

Il fixe ses doigts noirs, son bras brûlé. C'est tellement plus facile d'éviter les autres regards : il entend Tony se lever, et s'approcher de la fenêtre en croisant les bras.

— Tu muscles tes jambes alors que ton corps est encore occupé à soigner ton bras. À soigner ton cœur, tes os, ton foie. Peter, il faut donner le temps au temps.

Un silence suit, assez long, et il remarque enfin qu'elle attend une réponse. Il acquiesce lentement, et May serre son autre main un peu plus fort. Même elle ne semble pas savoir quoi dire.

Au bout d'un moment, après encore de longues minutes d'observation, elle finit par l'autoriser à remettre son t-shirt, et Peter n'attend pas une seconde de plus avant de s'allonger pour fermer les yeux.

Il remonte la couverture jusqu'à son menton, et attend : il entend presque le regard que s'échangent May et Tony.

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Will it matter when I'm gone | Peter ParkerOù les histoires vivent. Découvrez maintenant