Chapitre 8

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Me voilà aux portes de l'Île des sirènes. C'est ici que tous les visiteurs sont répertoriés. Je m'avance donc dans les couloirs bondés de monde et dirige mes pas vers l'accueil. La caserne de l'île est implantée juste aux étages du dessus, ce qui fait pas mal de remue-ménage. La milice est constituée de mercenaires de toutes sortes, sous les ordres du lumbars Goer, l'intendant de l'île. Ce barbare géant du nord doit rendre des comptes au propriétaire, l'elfe très charismatique que j'ai croisé l'autre jour.

Mais je n'ai pas le temps de divaguer à ça. Le temps presse.

J'accélère donc jusqu'au comptoir et me hisse sur mes petites jambes pour me faire remarquer du soldat qui se cure machinalement les ongles.

Non loin, ses petits camarades « surveillent » le flux de visiteurs qui passent sous l'énorme porche d'entrée en notant leur identité. De l'ouverture, je parviens à distinguer le port avec les navires amarrés et les pontons sur pilotis. La mer agitée se perd ensuite à l'horizon dans un fracas de vagues et de cris de mouettes.

— Excusez-moi... dis-je d'une petite voix timide.

Le portier lève un regard ennuyé vers moi. C'est un gros lumbars mal peigné avec une barbe ignoble. J'ignore combien d'espèces de parasites vivent dans ses poils sales.

— Je suis occupé, la naine.

Mes joues s'empourprent de colère. Comment ose-t-il se méprendre ?! Allons, Püpe, calme-toi.

— Je voudrais savoir où je peux trouver le seigneur Lucasse...

— Rien à foutre.

Mais ce n'est pas possible ! Usons d'un autre moyen.

— Vous savez, je travaille à la Mer des Passions. Si vous me renseignez, je pourrai vous... donner une carte d'entrée.

Pour toute réponse, le garde me renvoie un sympathique rot aromatisé à la figure.

— Ah ouai ? Passe derrière le comptoir, tu m'en diras plus.

Je jette un regard derrière son dos pour apercevoir le bazar obscur d'une remise. Je pousse le battant et rejoins le garde d'un pas hésitant.

— Je vais te le trouver, ton Lucasse. Il passe pas souvent par là...

— Ah bon ?

— Nan... Il habite sur l'île, j'crois bien.

Il saisit un dossier et déverse les feuillets et les volumens sur le comptoir.

— Alors...

C'est infernal la puanteur qui se dégage de cet homme imbibé. Il doit faire presque deux fois ma taille, en plus. Un coup de poing de sa part m'écraserait comme une mouche.

— Apparemment, il se situe dans le département souterrain.

— Vraiment ?

— C'est plutôt huppé dans le coin. Enfin... On y croise à peu près tous les nobliaux psychopathes qui se repaissent des combats d'arènes et de fosses. Y a des loges de luxes là-bas.

En vérité, ça m'étonne : les étages du bas sont les moins bien famés. De véritables coupe-gorges. Et d'après cette outre de vin, on y trouverait des îlots fastueux, tels des étoiles étincelantes dans un océan de ténèbres putrides.

— Bien, la naine, faut payer pour le service maintenant.

— Vous n'aurez qu'à vous présenter à la maison...

Il m'attrape brusquement par le col de ma chemise et me soulève jusqu'à sa face :

— N'essaie pas de me rouler, petite salope... Tu ressembles trop à une elfe pour que je puisse croire en ta parole !

Journal d'une Soubrette en GoguetteOù les histoires vivent. Découvrez maintenant