Chapitre 7

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D'un pas sautillant, je rejoins les boudoirs pour apprêter les filles. À cette heure de la soirée, elles tournent à plein régime, sans mauvais jeux de mots. J'accroche un tablier de cuir sur ma poitrine avec une multitudes de poches garnies de pinceaux, de poudres, de ciseaux et de fils. Avec ça, je suis armée pour mon rôle de camériste.

La plupart des prostituées attendent oisivement sur les coussins, guettant d'un œil morne les clochettes qui les appelleraient pour leurs passes.

Sans perdre un instant, je m'attèle à la première et la recoiffe habilement avant de m'occuper de son visage. C'est que je suis devenue une artiste dans le domaine !

Comme nous sommes dans une maison close de luxe, les femmes n'enchainent pas les rapports au cours de la nuit ou de la journée. Il s'agit plutôt de liaisons plus longues avec repas, discussion et plus si -ou pas- affinité. Donc à ceux qui veulent juste tirer un coup, s'abstenir.

Il est aussi possible d'acheter les services de plusieurs femmes à la fois mais cela nécessite d'être bien nanti. De même, lorsque les rapports sortent un peu des « cadres conventionnels », les prix s'envolent. Après, je n'ai jamais vraiment voulu connaitre la palette des services proposés par notre célèbre lupanar.

Toute cette organisation est gérée par Méléra, la mère-maquerelle. Elle n'est cependant pas propriétaire des lieux ni des filles. La voilà d'ailleurs qui pénètre dans le boudoir, toujours parée de ses longues soieries brillantes. Elle échange quelques mots avec ses subalternes et s'approche de moi.

Je fais semblant de me concentrer sur le fard de la femme que je maquille, comme pour échapper à la prochaine inquisition. Avec un peu de chances, elle aura oublié la scène honteuse de la salle de bain.

— Püpe !

— Oui... ?

— Tu saurais où est passée Kliss ?

— Comment le pourrais-je ?

— Va la chercher, un nouveau client requière sa présence. Il s'agit de ne pas le décevoir. Fladjy finira de s'apprêter seule.

J'obéis promptement et pars en quête de la cathors. À contre-cœur, me voilà à arpenter les couloirs flanqués de portes de bois finement ciselées. Une fumée rose due aux vaporisateurs aromatiques emplit l'espace, étouffant par la même occasion les sons.

Où pourrait bien être notre amie ? Subrepticement, je pousse les judas placés au centre des battants afin de vérifier si elle n'est pas dans une chambre. Ce petit moyen indiscret permet de jeter des regards dans les loges sans être remarqué. Vous savez comment j'ai perdu mon innocence, maintenant.

Cependant, dans les couples qui dinent, papotent ou s'ébattent, je ne perçois aucune trace de notre petite panthère. Une porte entrouverte m'invite implicitement à pénétrer dans la chambre. Je trottine naïvement avant de m'arrêter brusquement ; une odeur de chair brûlée me prend les narines. J'avance dans la suite et arrive au niveau de l'alcôve. Kliss est bien là, recroquevillée au pied du lit.

Je me précipite vers elle pour voir comment elle va. Des tremblements l'assaillent alors que sa tête est enfouie sous ses bras. Elle est dans un tel état qu'elle n'a pu accéder à la sonnette de secours.

— Kliss, vous m'entendez ?

Elle pousse un miaulement plaintif pour réponse, ce qui a le don de me désarçonner. C'est bien la première fois que je l'entends utiliser un timbre bestial. Sans ses vêtements, elle ressemble à un gros chat. Dont on aurait arraché la queue. L'horreur marque mon visage devant la longue trainée de sang qui prend naissance à son coccyx. Mais le pire est l'état de ses parties intimes, complètement brûlées.

Journal d'une Soubrette en GoguetteOù les histoires vivent. Découvrez maintenant