Chapitre 21

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En arrivant devant ma porte, je surprends un bouquet de fleurs à moitié écrasé. Qui est l'abruti qui m'a offert ce cadeau ridicule ?

— Tu as des admirateurs, à ce que je vois, dit Loula adossée sur le cadre de la porte.

— Ce n'étais pas vraiment recherché... Tu sais qui c'est ?

— Ouai. Un gnome roux, un peu gros. Je crois qu'il s'appelle Clark.

— Bon, eh bien je dirai à Clark que je ne suis pas vraiment intéressée. Même ses fleurs ne sont pas utilisables pour la décoration de notre piaule.

Je rentre dans ma chambre et m'affale sur ma paillasse. Je n'ai pas encore eu le temps d'acheter un matelas plus confortable... Des emplettes s'imposeront dans les prochains jours...







Justement, quelques jours ont passé. Je n'ai pas vraiment recroisé Binou. Mieux vaut garder ses distances pour qu'il ne se doute de rien. Je vais gentiment le laisser continuer sa vie de subordonné dévot pendant que moi, j'aménage. J'ai remeublé mon petit nid et l'ai rendu fort plaisant. Loula m'en félicite alors qu'elle profite des changements. Ce cocon sera parfait pour comploter en toute sérénité.

Actuellement, je lis quelques pages du livre de Djinévix, à moitié allongée sur mon lit.

« J'ignore encore qui est cet homme, cet empereur qui a dévasté les cités divines. Mais je suis certaine d'une chose, il s'agit d'un Réceptacle. J'ai multiplié les rituels pour converser avec d'autres membres de cette race. J'ai arraché de nombreux yeux pour obtenir des larmes qui me permettraient ces échanges mais je ne suis jamais tombée sur un individu qui correspondait. Peut-être n'est-il pas encore né ? Je ne sais même pas à quelle race d'origine il appartiendra. Quoiqu'il en soit... »

Parfois, je trouve que cette prêtresse part vraiment trop loin. Elle se jette à corps perdu dans cette quête. Un peu comme moi...

Je referme le grimoire d'un claquement sec et pars travailler. Le matin se lève par l'oculus et une charge monstrueuse de tâches m'attend.

Je chausse mes escarpins, coiffe mon bonnet de soubrette, tresse mes cheveux et sautille jusqu'aux appartements elfiques avec une pile de linges propres sur les bras.

Aaaah, je suis de bonne humeur aujourd'hui. J'ai décidé de passer à l'attaque avec Binou dès que l'occasion se présentera. Il ne faudra pas trente secondes pour qu'il devienne un petit chiot bien fidèle.

Mon enjouement s'éclipse d'un coup lorsque je découvre le nombre de lits à changer dans la suite qui m'est confiée. Par le Créateur, il y a une famille entière, ici !

Ça pullule de gosses, j'ai jamais vu ça. En même temps, ça ne courait pas les rues, les gamins, sur l'Île des Sirènes. Mais là, y en a qui ont sali leurs draps, d'autres qui pleurent, certains qui se chamaillent et le reste qui court dans tous les sens. Je suis bousculée et je manque de m'effondrer avec ma pile.

— Attention les enfants, vous avez poussé la dame.

La maman apparait enfin dans tout ce capharnaüm. C'est une belle princesse elfe avec des cheveux châtains relevés dans un chignon sophistiqué. Son ventre proéminent m'indique qu'elle n'est pas débarrassée de sitôt avec les enfants. La compatibilité avec son mari doit être très élevée pour qu'elle parvienne à en pondre autant.

Le voilà d'ailleurs qui arrive avec un bambin dans les bras, complètement dépassé. La ressemblance avec le prince Morgal est telle que je devine aussitôt l'identité de cet homme : c'est un frère Fëalocen. Mais contrairement à mon nouveau maître, celui-ci semble sain d'esprit. Par contre, il a confondu sa femme avec une poule. C'est pas possible, à ce stade-là.

Journal d'une Soubrette en GoguetteOù les histoires vivent. Découvrez maintenant