Chapitre 26

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À la fenêtre, j'observe machinalement les lourds nuages filer à l'horizon. Je ressemble probablement à la princesse attendant son chevalier. Dommage, je n'en ai pas...

J'ai demandé à Alças une suite sous les combles pour travailler de mon côté lorsqu'il est en mission. C'est surtout pour installer ma base de retraite que je lui ai demandé, mais je me suis bien gardée de le lui dire, haha.

J'entrepose déjà mes armes et mes poisons dans les recoins, sous un fatras de plans incompréhensibles. Trop de mathématiques pour ma pauvre tête. Tampia aurait sans doute adorer s'y plonger. Mon pauvre chéri, j'ignore ce qu'il devient sur l'île. J'espère qu'il va bien et qu'il a vengé Firine.

De mon côté, je me demande ce que devient Binou. Ce gros débile est parti depuis plusieurs jours et aucune nouvelle de lui. Pourvu qu'il ne soit pas mort, je me le serais coltiné pour rien. Même si... Je ne dirais pas non à une autre partie de galipettes avec lui. Ce cochon n'hésite pas longtemps avant de dégainer et de passer à l'attaque.

Mais où a-t-il bien pu se fourrer ?

D'un air ronchon je regagne les couloirs où je croise le gnome roux, un lourd sac sur l'épaule.

— Tu t'en vas, Clark ?

— Oui... Le prince Arlin aussi donc... Je le suis.

Bon courage avec les gosses !

— Sais-tu où est Binou ?

— Il est dans une chambre au vingt-quatrième balcon. Il est alité pour trois semaines à cause d'une blessure à la jambe.

Mais quelle bille, ce type ! Il est vraiment pas doué !

J'accélère le pas et pars rejoindre ce crétin. Comment s'est-il fait ça ? Toujours plus déçue que ma conquête soit une tanche ambulante, je grimpe les escaliers rageusement. Pourquoi me suis-je accouplée avec un déchet pareil ?! Je longe le couloir gnomique et parviens enfin à la chambre. Binou est allongé dans un grand lit d'elfe, la mine patibulaire et le regard dans le vide. Je devine des bandages sous sa chemise.

— Eh bien, m'exclamé-je, on peut dire que la malchance te précède !

Son visage s'éclaircit face à ma présence. Il ne s'attendait pas à me trouver ici. Dans un basculement calculé de hanches, je m'approche vers lui et m'assois sur la couche.

— Tu sais, Bradh exige des explications. Ça l'ennuie de te voir disparaître et réapparaître ainsi. Avec quelques morceaux en moins qui plus est.

— Qu'il aille s'expliquer avec le prince, grogne-t-il comme s'il dénigrait notre supérieur.

Faut dire qu'il a plus de charisme que ma Loupiote.

— Où étais-tu, mon cœur ? susurré-je en me penchant davantage vers lui.

Il ne semble pas tilter devant mon décolleté sulfureux.

— Dans un endroit que tu n'apprécies guère, lâche-t-il toujours perdu dans ses pensées.

— L'Île des Sirènes ? Tu as rencontré des ours, c'est cela ?

— Exact.

Mooooh, pauvre petit lapin. Tu t'es fait croquer ? Un peu comme l'autre pétasse qui se faisait Tampia.

— J'avais une amie qui s'est faite manger par ces bestioles, ajouté-je simplement, les nains l'ont attrapée et jetée dans les cages pour admirer le spectacle.

— Je ne sais pas pourquoi, mais je n'envie absolument pas ton ancienne vie, Püpe.

— Y a de quoi.

Journal d'une Soubrette en GoguetteOù les histoires vivent. Découvrez maintenant