Chapitre 24

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Je me réveille le lendemain avant mon compagnon. Est-ce que j'ai vraiment couché dans le lit du prince ? Je crois bien.

Binou ronfle comme un ours à ma droite. Je jette un regard rapide sur sa belle chevelure noire, coupée sous ses longues oreilles

Il est vraiment très mignon, dommage qu'il soit aussi stupide. Mais mine de rien, ma mission d'infiltration risque d'être moins fastidieuse que prévue avec Loupiote en prime. C'est fort laid, ce que je fais, je séduis ce pauvre garçon pour assassiner son maître. S'il ne se doute de rien, je doute que ce soit un plan qui le rebute. Binou ne doit guère apprécier l'elfe mais c'est sûr qu'il aimera moins la manœuvre lorsqu'il apprendra qu'il n'était qu'un outil. Un outil fort accommodant, ceci-dit. Il y trouve son compte, après tout.

Le voilà d'ailleurs qui émerge de son sommeil et qui ne tarde pas à partir en quête de ses vêtements, le regard toujours dans le vague.

Eh bonjour d'abord !

Je fais exprès de m'étirer bruyamment dans le but d'attirer son attention.

Ses oreilles se dressent et il me jette un sourire niais qui finit par m'interroger sur la raison de ma présence ici.

— Peut-être que le prince mourra pendant cette bataille, dis-je, à ce moment je tiens à conserver son lit : il est plutôt confortable.

Il plisse les yeux, peu crédule à cette idée et me rejoint pour m'embrasser une dernière fois.

— On se revoit ce soir, murmure-t-il.

Monsieur semble avoir apprécié, à ce que je vois !

— Tu peux compter sur moi, Binou.

Sans un mot de plus, il sort de la chambre d'un bon pas, un sourire de satisfaction plaqué sur les lèvres. Ne fais pas le fiérot. Tu as tiré ton coup simplement parce que c'était dans mes projets. Pas la peine d'en récolter toute la gloire.

Mon regard se baisse sur les draps : des plumes blanches parsèment toute la surface du lit et du tapis. Clairement, je ne peux pas laisser les lieux dans cet état. Morgal risque de tirer une sacrée tête en découvrant tout ça.

Je l'imagine rentrer en sifflotant, reposant gentiment son armure dans un coin et venir se taper sa meilleure sieste dans son pieu.

Bon, hem, je vais tout passer au peigne fin.

Une par une, les plumes sont ramassées, les draps empilés dans un coins et remplacés. C'est pas Binou qui allait se fatiguer pour ça, hein ?

Pourquoi ne suis-je pas une princesse, d'ailleurs ? Pourquoi n'y a-t-il pas des petits serviteurs qui viennent apprêter mes appartements ?

D'un air maussade, j'attrape le linge sale pour rejoindre les lavoirs du palais. À cette époque de l'année, c'est une joie de se tremper les bras dans une eau bien froide !

Les lavoirs se situent dans les appartements les plus bas du palais. Là, les murs sont taillés à même la roche et une machine équipée de grosses roues remonte l'eau des réservoirs jusqu'à nous.

C'est ici que je retrouve toutes les lingères, frottant vigoureusement le linge. En raison de la tentative d'assassinat, beaucoup de draps sont tintés de sang. Quelle affaire quand même.

— C'est toi la nouvelle ? me demande une gnome sans me regarder.

— Oui...

Je me penche à côté d'elle pour commencer ma tâche.

— Tu sais que la majordome a disparu ? lance-t-elle.

— Madame Lina ?

— Oui. Impossible de la trouver... Binarvivox, le gnome bizarre, a expliqué qu'elle était tombée d'une fenêtre en essayant de rattraper un torchon qui s'envolait.

Journal d'une Soubrette en GoguetteOù les histoires vivent. Découvrez maintenant