Chapitre 2

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Les cheveux rattachés dans mon habituel chignon, je retrousse mes manches pour me mettre au travail. Fredonnant un air d'opéra, je commence à passer la serpillère sur les dalles lisses. Je sais que j'ai une très belle voix mais je n'ose jamais chanter devant un public.

Comme le reste des appartements qui constituent notre maison close, La Mer des Passions, l'intégralité de l'éclairage se fait par de large lampes ovales, suspendues aux poutres apparentes. Aucune fenêtre ne perce les murs épais. Il ferait bien trop froid. Les tapisseries qui pendent ne suffisent pas toujours à retenir la chaleur. À côté de ça, il reste compliqué à évacuer les sympathiques odeurs comme il peut y en avoir dans des bordels.

Actuellement, j'ai le droit à un beau parfum de substances illicites mélangées à des effluves corporels. C'est déguelasse.

Je m'empresse d'allumer des bougies pour brûler ces relents qui vont me provoquer un vomissement dans les prochaines minutes.

Parfois je me demande bien ce que je fais encore là ! Un jour je partirai...

Tout en ruminant mes plans futurs, je rentre dans le vestibule pour attraper les chiffons lorsque je pousse un cri d'effroi. Un homme est allongé sur les piles de linges. Oh par le Créateur ! Est-ce qu'il est mort ?

Ça arrive parfois que des clients claquent pendant les passes mais en général, on se débarrasse du cadavre ! Ce n'est heureusement par la première fois que je vois un corps sans vie. Il n'y a qu'à sortir dans les départements du bas avec les salles de jeux ou les arènes. Ça tombe à la pelle...

Mais je ne veux pas m'occuper d'une dépouille d'un homme qui fait trois fois mon poids ! Je m'avance et sursaute quand je me rends compte qu'il respire encore. Alors là, mon coco...

J'attrape mon sceau à deux mains et en verse le contenu sur la tête du dormeur qui se réveille en sursaut. Je n'attends pas qu'il se remette de ses émotions pour « l'encenser » :

— Non mais vous vous croyez où ! vitupéré-je, payez une chambre comme tout le monde ! Ce n'est pas l'hôtel ici !

Il se lève lentement de sa couchette de fortune et me toise de son regard violet. Bon, j'ai peut-être abusé, là. J'ai face à moi une montagne de muscles et je lui arrive au nombril. Hum, vu son air tendu et ses poings fermés, je crois que je ferais bien de déguerpir.

— C'est moi ou tu viens de me jeter ton eau croupie à la figure ?

— Oui, déglutis-je.

J'abandonne mon sceau qui s'éclate sur les dalles dans un choc métallique, et prends la poudre d'escampette.

En deux enjambées, l'homme me rattrape et me soulève par le col de ma chemise.

— Aux secours !

Ça y est, je vais finir broyée, il va me violer et abandonner mes restes sur le carrelage. Je ferme les yeux comme pour échapper à cette perspective.

— Eh, la gnome, écoute-moi.

Je secoue la tête en reniflant sans oser le regarder.

— Tu voudrais bien me faire couler un bain ?

Sa voix s'est soudain radoucie. J'ouvre un œil pour analyser mon interlocuteur et me détends lorsque je remarque aucun signe d'animosité. Il me repose délicatement au sol pour que j'effectue sa requête.

— Hum... Vous avez un ticket pour ça ? C'est que ce n'est pas gratuit.

— L'eau n'est pas gratuite sur l'île ? Et que crois-tu que nous ayons autour de nous ?

— Vous imaginez que l'on n'offre pas des bains aux premiers venus...

— Ne t'en fais pas pour ça. La plupart des filles d'ici me connaissent, je suis un habitué.

Journal d'une Soubrette en GoguetteOù les histoires vivent. Découvrez maintenant