5.Le Rêveur

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Vous voyez ces rêves où l'on est poursuivi, où l'on doit courir vite et, malgré tous nos efforts pour y parvenir, on n'avance presque pas ?

Je faisais exactement ce rêve-là.

Le temps me poursuivait. Le stress pressant du retard pour le boulot.
Dans la rue déformée par des souvenirs imprécis, je courais, mais mon corps demeurait comme figé dans un air devenu une glue compacte.

L'entreprise où je travaillais ne se trouvait plus qu'à quelques mètres et je me disais :

"Vite, vite, il n'y a rien de difficile à marcher, il n'y a rien de difficile..."

Et d'un coup je me retrouvai au bureau.

Tout m'apparaissait très net, trop net. J'entendais mes collègues pianoter sur leurs claviers d'ordinateur et faire des appels. Je voyais leurs visages, à tous, très distinctement, même s'ils se trouvaient de dos. Je pouvais voir jusqu'à la couleur des yeux de l'homme au fond de la salle.

Puis ils se mirent tous à m'observer, moi, sans cesser leurs activités.

Subitement, je me rendis compte que je ne pouvais plus bouger la tête. A ma gauche, des pieds tapaient contre le carrelage froid, et je savais qu'il s'agissait de mon patron.

Je commençais à sentir la sueur perler sur mon visage. Tout mon dos, mes cuisses, ma nuque, transpiraient à grosses gouttes.

Le patron s'approchait et je ne pouvais toujours pas bouger. Je sentis qu'il s'arrêtait juste contre moi, son souffle sifflant à mon oreille. Il grinça, oui, grinça et je compris :

"en retard."

Je ne pouvais pas dire un mot pour protester, je ne devais pas le faire.

Sans aucun bruit, le patron apparut dans mon champ de vision. Il arborait un sourire cruel que je n'avais jamais vu sur ses lèvres, pas dans la vraie vie. Et son visage était pâle, pâle mais tellement vivant !

Il ouvrit sa bouche incrustée de fines dents pointues, et je compris que les mots qui allaient en sortir annonceraient la terrible sentence. Je ne savais alors pas en quoi elle consistait mais je ne pouvais pas ne pas en avoir peur.

Il prononça alors les mots fatidiques, des mots qui me glacèrent d'effroi sans que je ne comprenne pourquoi.

"Tu sais ce qui arrive à ceux qui sont en retard..."

Dans ses yeux brillait le sadisme, un vrai sadisme, palpable, rougeoyant.

Il se détourna lentement de moi, il me sembla que ses dents poussaient ; son dos se vouta, mais il ne se tassait pas, il grossissait, à tel point que ses épaules faillirent quitter mon champ de vision.

Il se tortionna étrangement, comme pour se pencher vers moi, et alors, oh ...! Si vous saviez, si vous aviez pu le voir à ce moment-là !

Je voulais crier, crier mais je ne pouvais pas. J'étais condamné à voir son visage, horrible, qui se déformait, précisait ses traits de monstre.

Sa peau devenue noire de cendre se craquelait sous le mouvement des yeux, du nez, de la bouche. La folle lueur de sadisme s'était emparée de toute l'orbite et mangeait à présent le front : les yeux étaient devenus de terribles ovales suintant et dangereux qui, malgré l'absence d'iris, me regardaient d'une avidité de tortionaire.

Sa bouche grandissait, pleine de sang, il ne pouvait plus la fermer qu'en montrant les dents. Mais il ne voulait pas la fermer, oh, non ! Au contraire, il l'ouvrant grand, de plus en plus grand.

Ses dents provoquaient en se touchant le bruit de lames que l'on aiguise.

Sa mâchoire se rapprochait de moi, encore, et encore...

Mon cerveau, ne pouvant plus supporter un tel spectacle, me réveilla en sursaut.

Je dégoulinais de sueur dans ma chambre froide et noire. Le sang me battait dans les tempes, ma gorge semblait vouloir hurler tout ce qu'elle n'avait pas pu hurler dans le cauchemar.

Je reprenais lentement mes esprits, mais un malaise me prit.

Tout ce calme... Oui. Non. Oui.

Je sentais une présence. Juste là, sur mon lit. Je n'osais pas lever la main pour toucher la chose.

Je me recouchai et fermais les yeux.

Mais, décidément, je sentais quelqu'un, c'en devenait terrifiant.
Les images de mon rêve revenaient par flashs, je sentais même le souffle du monstre sur mon visage.

Je le sentais.

Je le sentais...

J'ouvris les yeux. Il était là, penché sur moi.

Mon coeur manqua de s'arrêter et un hurlement strident perça les ténèbres.

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