15.Le Trésor

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Marie-Margareth Dubois
24 mars 1924
5 août 1999

Pas une fleur n'embellit la tombe de ma mère. Il faut dire que personne ne l'aimait. Pas même sa propre fille, - moi - qui n'avait pas assisté à l'enterrement, ni reçut aucun héritage.

Mais maintenant me voilà, devant sa sépulture de marbre payée cher pour un accès direct au paradis.

Oh, mais le paradis, s'il existe, jamais elle ne l'atteindra. Sa vie regorge de bien trop d'atrocités pour qu'elle puisse un jour y pointer le bout de son museau. La preuve : ce que les vivants pensent d'elle.

Mais je ne suis pas là aujourd'hui pour parler religion. Non, je viens récupérer mon dû. A part moi, Marie-Margareth ne possédait plus aucun lien de sang. L'héritage familial me revient donc de droit.

"Si tu le veux, tu devras l'arracher à mon corps mort !"

Elle refusait d'en parler, refusait de me le léguer. Je ne compris que très - trop - tard que le sens de ses paroles ne s'arrêtait pas à de simples menaces. Cet héritage, j'allais vraiment l'arracher à son corps mort.

Elle faisait fort, la vieille. Très très fort. Je ne lui connaissais pas cette audace. Quand j'avais enfin tout découvert, ça me parut tout de même évident. Mémé ne faisait confiance à personne. Mémé, quoi que je puisse en dire, ne manquait pas d'intelligence - pas toujours. Elle ne pouvait pas cacher son trésor n'importe où.

Et ainsi me voilà de retour dans ma ville natale, après plusieurs heures de trajet. Le cimetière couvre une grande distance. Je ne vois personne, parce que personne ne vient saluer les morts au plein milieu de la nuit. Surtout qu'en cette période de l'année, il fait particulièrement froid.

J'enlève mes gants afin de mettre plus facilement mon foulard autour du nez et de la bouche. Pour l'odeur. Je pousse l'entrée du sarcophage. La lourde pierre tombe au sol. Tant pis si le choc la casse. Je prends ma pelle - eh oui, j'ai tout préparé - et je me demande jusqu'à quelle profondeur je dois creuser. Au fond, je verrais bien, alors je me mets au travail.

Les minutes traînent en longueur, le labeur devient harassant. A chaque pelletée, l'outil s'enfonce dans la terre, ressort plus lourd, s'allège à côté de la tombe. De la terre, de la terre, de la terre. Puis, quelque chose de mou, de dur, de différent.

Ma mère ! Je jette la pelle et me précipite dans la tombe pour creuser de mes propres mains. Je croise des bous de chère blanchie là où il en reste encore, dépoussière presque entièrement le cadavre mangé de la matrone.

"Où se cache-t-il, où se cache-t-il..."

Ses mains. Il ne peut être que dans ses mains. Croisées sur son ventre, elles se tiennent fermées. Je dois forcer un peu - un léger "crack !" retentit - et mère Dubois se dévoile enfin.

Sacré coffre : ses mains en guise de cave pour la famille. Je sors l'héritage familial. Le voilà, le bijou qui suit près de dix générations. Un collier à la chaîne en diamant qui porte un gros rubis en forme de cœur. Le travail du plus doué des joaillers de l'époque !

Ce bijou dans la famille assure la plus noble des lignées, ainsi que notoriété et respectabilité. Et puis, il vaut des millions...

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