23.L'Incendie

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"Allez, Romane... Sors de là, viens t'amuser !

- Non ! Je refuse de provoquer le mauvais sort !

- Allez, c'est juste une fête..."

Juste une fête... Les drames, ça commence toujours comme ça. Ils n'en prendront conscience que trop tard.

"Ça suffit, je rentre."

QUOI ?

Jessie ouvre la porte et me regarde avec ses yeux rouges. Elle est vraiment ridicule dans son costume de vampire.

"Viens décompresser. Je sais que tu crois en...

- Que je sais.

- Que tu connais tout sur les histoires... Paranormales mais, enfin, quelle chance avons nous de trouver un fantôme dans la maison ?"

Elle ne comprend rien. Je m'apprête à répliquer quand un autre visage passe l'encadrement de la porte. Je grogne. Paul, le nouveau petit copain de Jessie, me regarde en ricanant.

"Ça alors, mais c'est bien toi ! Je commençais à croire que je ne te rencontrerai jamais !"

Je me mets à crier pour qu'ils quittent ma chambre, mais personne ne m'écoute. Paul appelle même du renfort et je me retrouve traîné par quatre monstres robustes. Jessie me met un verre dans les mains et me promet que je vais m'amuser. Sur le comptoir de la cuisine s'étalent des hot dogs pimentés de faux sang raté, un bol de je ne sais quel alcool où flottent des yeux en plastique, et un tas de gâteaux avec des araignées dessus.

Tout le monde se cache sous une plâtrée de maquillage censé représenter un monstre soi-disant terrifiant. C'est ridicule. Une vieille fille barbouillée de peinture rouge s'approche de moi avant que je ne trouve le temps de m'enfuir.

"C'est toi, Romane ? Jessie parle beaucoup de toi. T'aimes pas Halloween, hein ? C'est dommage, c'est marrant.

- Ce sera marrant quand la sauce tomate qui tâche ta robe sera remplacée par le vrai sang de tes amis qui agoniseront par terre !"

Ses joues grasses s'affaissent et elle me regarde avec indignation. Elle s'enfuit : parfais. Je prends un gâteau et croque dedans.

Ils me dégoûtent tous, à croire qu'il n'y a pas de danger. Pourtant, chaque année, je les préviens. Mais ils préfèrent boire, à la place. C'est encore pire.

Je me demande bien ce qu'ils ont tous à s'agiter autour de la table du salon. Ils ne vont quand même pas jouer à un jeu de société ! Mince, j'ai attiré l'attention de Paul à les regarder comme ça. Surtout, qu'il ne s'approche pas de moi, avec son sourire débile.

"Tu veux venir avec nous ?

- No..."

Sans attendre ma réponse, il m'attrape par le bras et me pousse vers les autres. Je vois un étrange plateau, de faibles lumières... Non, ils n'oseraient pas invoquer les esprits ? Jessie m'adresse un regarde désolé tandis que Paul me cloue à une chaise. Ils s'installent tous autour de la table et un Frankenstein éteint la lumière.

"Donne-moi ta main.

- Quoi ?

- Donne-moi ta main !"

Me voilà prisonnier. Ils ferment les yeux et se mettent à fredonner. Je sue à grosses gouttes. Les deux abrutis à côté de moi tiennent fermement mes mains moites. Une voix s'élève et je sursaute.

Esprit, es-tu là ?"

Les autres continuent à fredonner en attendant une réponse. La grosse voix reprend :

"Esprit, es-tu là ?"

Les lumières des bougies font danser les ombres qui s'allongent démesurément. Si quelque chose bouge, je renverse la table. On ne communique pas avec les morts.

"Esprit, es-tu là ?"

Je retiens mon souffle. Les autres commencent à douter. L'insécurité pénètre les cœurs. Je regarde la fenêtre en face, où une flamme brille sans bouger. La flamme semble grande, je ne voie même pas la bougie. Mais, on dirait qu'elle s'agrandit...

"Feu ! je crie. FEU !"

Tous les convives me regardent d'abord avec agacement, puis ils se tournent vers la source de lumière.

Quelqu'un lâche un juron, Jessie court chercher de l'eau. Paul s'empare du plateau d'invocation et s'en sert pour éteindre le feu.

"Non !"

Le plateau prend feu, il le lâche sur le tapis, qui s'embrase immédiatement. Quand Jessie revient, nous sommes encerclés par les flammes.

"Jessie ! Aide-nous !"

Elle lance son pauvre verre d'eau par terre. Le liquide s'évapore. Elle crie.

"Mais sautez, bon sang ! Sautez !

- Ça va pas la tête ?"

Certains tentent le coup. Une cape s'enflamme. Puis c'est le chaos. Les gens soufflent sur le feu, l'étouffent avec leurs vêtements, mais il se répand partout.

"Je savais que c'était une mauvaise idée !" je hurle avant de sauter.

Les flammes me brûlent le tibia. Dans la maison, tout le monde court, crie, tente de s'échapper. Je reste tétanisé, observant le plateau d'invocation en train de brûler. Mais oui ! Si je sauve le plateau, la colère de l'entité paranormale qui nous observe se calmera ! Je m'élance dans le feu, Jessie hurle, puis je trébuche, je m'effondre.

Quand je me réveille, une lumière blanche m'agresse la rétine, un bip sonore et régulier me vrille les tympans. D'abord, tout est flou, puis des silhouettes se précisent.

"Jessie ?"

Affolé, je me redresse, me rappelant l'incendie. Jessie intervient : elle me calme, me rassure, m'explique que je me trouve à l'hôpital. Alors je me détends. Ouf, j'ai survécu. Je ne suis pas mort.

Mais quelque chose me dérange, un détail ne colle pas. J'observe à nouveau Jessie. Elle a abandonné son costume de vampire pour celui d'une sorcière. Je me tourne vers Paul. Son habituel blond platine a laissé place à un rosé bonbon ridicule. Mon cœur palpite.

"Que se passe-t-il ?"

Je peine à respirer. Ma voix est rauque.

"Qu'est-ce..."

Tous me regardent d'un air contrit, puis Jessie murmure :

"Romane... Tu étais dans le coma... Tu es resté à l'hôpital pendant... Un an."

Elle sourit timidement.

"Joyeux Halloween ?"

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