2.L'écrivain

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En tant qu'amoureux des lettres et sujet d'un événement pour le moins... Particulier, je me devais de faire le récit de mon histoire. Je me nomme Mike, je suis écrivain, et j'ai vécu un véritable cauchemar.

Un soir d'octobre j'étais, comme à mon habitude, installé à mon bureau, fixant intensément l'écran de mon ordinateur, dans l'espoir d'y voir surgir l'inspiration qu'il me manquait. Il se faisait tard et voilà plusieurs heures que je n'avais pas quitté mon bureau.

Cette petite pièce chauffée grâce à un radiateur malodorant se voyait affublée du titre de "Refuge de l'Ecrivain". Ce coin de la maison représentait pour moi l'un des seuls lieux où je me sentais capable d'étaler mon imagination. Ma femme respectait cela et ne tentait jamais de passer le seuil de la porte sans mon accord.

J'étais donc assis là, enfoncé dans mon vieux fauteuil, incapable de trouver les mots justes pour décrire une scène cruciale de mon livre. Celle de la mort d'un des principaux personnages.

Beaucoup de lecteurs décrivent mon style d'écriture comme "profondément sombre" et je ne peux pas leur donner tort. J'allais par ailleurs le leur prouver une nouvelle fois. Enfin, encore fallait-il que je trouve comment faire.

Excédé par le vide qui se faisait dans ma tête, je me mis à me masser lentement les tempes, yeux clos.

Puis une scène se joua dans mon esprit : celle que je tentais désespérément de retranscrire sur le papier. Elle défilait sous mes yeux, avec une netteté et une telle précision que j'en eus presque peur. Je voyais tout, j'entendais tout, je sentais tout. Comment exactement mon héroïne trouvait la mort, l'état de son corps, le champ de bataille dans ses moindres détails...

C'était parfait. Je commençais alors à taper sur le clavier à une vitesse effrénée. Faisant paradoxe à l'instant d'avant, les phrases de mon histoire me venaient à l'esprit avec une facilité que jalouseraient tous mes collègues. Ainsi, en un temps-record, la vision sordide de mon esprit se voyait couchée sur un document Word. Satisfait, je commençais à relire le passage, gagné par la certitude qu'il représenterait l'élément final de mon chapitre.

L'effet que produisait mon écrit me satisfaisait particulièrement. Il s'avérait si efficace que j'en ressentais un malaise étrange. Tentant d'ignorer ce sentiment obscur, je continuai à lire. Mais je finis par perdre toute concentration.

Que ressentais-je au juste ? Un mélange d'angoisse, d'inconfort et l'horrible sensation que... Que quelqu'un d'autre occupait cette pièce. Je n'ai pas pour habitude de me fier à mon instinct. Mais ce pressentiment me prenait aux tripes avec une telle violence que je ne pouvais m'empêcher d'avoir la certitude que quelqu'un s'était introduit dans la salle. Je commençais même à croire que cet individu se trouvait juste derrière moi.

Mais qui ? Ma femme n'entrait jamais et nous ne recevions pas d'invité. Seulement, cette présence était elle vraiment humaine?

J'avais peur. Mon écran allumé devant moi me faisait mal au crâne et les lignes de mon texte dansaient dans mon esprit.

Il y a quelqu'un derrière moi.
Il y a quelqu'un derrière moi.
Il y a quelqu'un derrière moi.

Les yeux clos, je tentais de faire abstraction de l'effroyable panique qui s'emparait de moi. Mes mains tremblaient, je pouvait sentir le regard de l'être posé sur ma nuque.

Lentement, tremblant, je fis pivoter mon siège. Puis j'ouvris les yeux.

Elle se tenait devant moi, le corps mutilé et ensanglanté, ses cheveux longs et fins éparpillés autour de sa tête comme des cordes de pendu, et son visage... Je ne saurai décrire un tel état. Il semblait que sa tête avait passé plusieurs années enfouie sous terre.

Elle posa un doigt contre mon torse, avec une force terrifiante. À ce moment-là, je compris qu'elle pouvait aisément me tordre le coup si je ne lui plaisait pas. Une sueur froide commença alors à glisser sur mon front, sur mon visage probablement aussi pâle que le sien. J'étais tétanisé par la peur. Nous restâmes là, face à face un long moment, elle le doigt posé sur moi, menaçante, moi les yeux baissés.

Soudain, elle se mit à bouger. Ce qui semblait avoir été sa bouche s'ouvrait et se fermait dans une tentative désespérée d'émettre un son cohérent. Mais tout ce que j'entendais n'était rien d'autre qu'un horrible râle étouffé et grinçant. Elle continuait désespérément de parler, et j'écoutais ses immondes borborygmes, terrifié, jusqu'à...

Jusqu'à ce que je comprenne. Derrière les gargouillis que produisait sa gorge desséchée, je réussis à entendre une phrase, répétée inlassablement

"Change ma fin."

Cela eut pour effet de me glacer le sang. Je n'en revenais pas. Ce ne pouvait pas...Comme une machine préprogrammée, je pivotai lentement vers mon ordinateur, observai ma brillante rédaction et...Je pressai le bouton "effacer". Le fantôme observait, avec moi, l'anéantissement de mon chef-d'oeuvre, la source de son malheur.

Le chapitre disparu, j'attendis. Mais elle était toujours là, derrière moi. Alors j'écris 4 mots, seuls au milieu de la page :

"Elle repose en paix."

Elle disparu. Et plus jamais un évènement de la sorte ne se reproduit. Mais le souvenir de cette horrible soirée me hante, lui. J'ai peur de devenir fou.

J'ai peur de devenir fou.

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