31Histoires Pour Attendre Halloween 🎃

14.Le Champ de Maïs

"Le tueur en série n'a toujours pas été retrouvé, les forces de l'ordre appellent donc à la prudence et..."

Vingt-deux heures. Il fait déjà presque nuit et je devrais être en train de me prélasser devant la télé. Mais Murray m'a appelé pour me signaler un problème à propos du système d'irrigation de mon champ de maïs.

Je ne peux pas laisser ça comme ça, ou je risque de trouver une jolie surprise bien salée sur ma fiche de paye à la fin du mois. Alors je gare mon tracteur à l'entrée du champ et éteins la radio.

Avant de sortir, j'attrape une lampe de poche et ma boîte à outils. Il fait encore chaud, en dépit du fait que la température ait largement baissé.

Tout jaunis que deviennent mes maïs ces derniers temps, je me garde bien de les laisser mourir. Les ventes ne voleront pas bien haut avec ça, mais je peux pas faire autre chose que continuer à bosser.

D'après Murray, la fuite se situe à l'ouest du champ. Je ne devrais pas mettre trop longtemps à trouver. Finissons-en pour que je puisse rentrer chez moi.

Je m'engouffre dans une allée dessinée par des épis plus hauts que moi. Les feuilles et grains de maïs qui n'ont pas supporté la chaleur craquent sous mes pieds et la terre sèche salit mes chaussures.

Mis à part le bruit de mes pas et le froissement des épis qui se plissent à mon passage, pas un bruit ne se fait entendre. Le ciel s'assombrit au rythme de mon avancée, l'air lourd me fait transpirer.

Enfin, je pose ma boîte à outils au sol. Voilà le système d'irrigation. Des gouttelettes s'en échappent à intervalles réguliers, brillant sous la lumière de ma lampe.

Je m'attelle aux réparations quand un bruit m'arrête. Le bon vieux Murray se sera décidé à venir m'aider, plutôt que de me laisser me débrouiller tout seul.

"Ici, Murray ! J'ai trouvé la fuite !"

Pas de réponse. Pas de Murray.

Bon. Il faudra faire sans lui. Je ne pensais pas qu'il viendrait, de toute façon. Mais le bruit recommence. Ça pourrait venir du vent dans les épis de maïs, sauf que sans vent, ça ne marche pas.

Je pointe la lampe torche vers l'origine du son. Les feuilles jaunies apparaissent comme des fantômes, leurs ombres s'étalent sur plusieurs dizaines de centimètres. Sinon, rien.

La situation semble stupide, mais je perds en assurance. Sortir la nuit, mauvaise idée.

Je me dépêche de finir mon travail. Mais encore une fois, un bruit survient. Cette fois, j'en suis sûr, quelqu'un se cache dans mon champ ! La situation ne m'amuse pas du tout, le petit malin qui s'amuse à me faire peur, il va m'entendre.

J'avance aussi vite que je peux entre les rangées de maïs. Désormais, j'entends très clairement les pas de l'individu. Ma lampe éclaire une à une les rangées de plantes, mais rien, rien, rien.

J'avance, haletant, transpirant, et la colère laisse place à un autre sentiment.

Que disaient-ils, déjà, à la radio ? Le son grésillant me revient en mémoire, avec la voix nasillarde de l'animateur.

"Le tueur en série n'a toujours pas été retrouvé..."

"Le tueur en série..."

Tueur en série.

Merde.

Lentement, je me retourne.

Ne fais pas un bruit.

Je cours. Les épis de maïs me fouettent le visage, je presse fort la lampe torche dans ma main qui me sert à peine à voir devant moi tellement ma course est instable. J'avance tout droit, tout droit, jusqu'à ce que mes poumons ne me le permettent plus.

Je m'effondre presque, le souffle coupé, étouffé par la chaleur de l'air.

J'écoute. Un silence de mort règne. Je n'ose plus bouger. Les minutes passent dans un silence écrasant.

Il est parti. Je l'ai semé. Tout va bien.

J'éclaire les environs par acquit de conscience. Rien. Je reviens sur mes pas.

A défaut de réparer le système d'irrigation, je vais le bricoler vite fait pour qu'il ne fuit pas trop pendant la nuit. Je n'entends plus rien, mis à part le son de mes pas.

La lampe torche éclaire quelque chose sur le chemin. Ça doit être un outil tombé de ma mallette à l'allée. Mais plus je m'approche moins je parviens à l'identifier.

Parce que ce n'est pas un outil.

Je ramasse le couteau. La longue lame semble tachée... De sang ! Je lâche, larme, tremblant.

Merde...

Où se trouve la sortie ?

Les épis de maïs frissonnent. Je cours.

Quelqu'un me suit. Je l'entends derrière moi, à gauche ou à droite. Je ne veux pas me retourner. Je ne peux pas me retourner.

Je ne sais pas où aller. Je vois une ombre devant moi. Je lâche la lampe torche. Je change de direction.

Je suis essoufflé. Je crois qu'il va plus vite que moi. Je change encore de direction. Il est à ma droite, non, à ma gauche ! Je ne trouve pas la sortie, je vais crever ici !

Là-bas, une lumière. Ce sont les phares d'une voiture, je vais pouvoir m'échapper ! Je m'élance dans cette direction, regagnant de l'énergie grâce à l'espoir.

Il ne reste plus que quelques mètres, je pousse les feuilles des maïs et...

Une lame ensanglantée surgit des ténèbres.