22. Prompt rétablissement

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Tout était plongé dans l’obscurité de la nuit. Quelques bougies allumées éclairaient vaguement la pièce à mon réveille, aussi je ne sus la reconnaitre distinctement. Étais-je déjà seulement venue ici par le passé ? Le silence religieux qui régnait m’effrayait autant qu’il m’apaisait. J’ouvris un peu mieux mes yeux et regardai autour de moi. À côté, assis sur une chaise de fortune, la tête penchée en avant, je reconnus la silhouette endormie de Darcel. Ses mains étaient jointes sur ses jambes et… et il était habillé d’un simple jogging et d’un pull gris.

Entre mes doigts glissaient les draps du lit dans lequel on m’avait mise. Ce n’était pas le mien, ça c’était sûr. Que c’était-il passé encore ? Je ne me souvenais plus… Une brume opaque obstruait mon esprit, m’empêchant de me remémorer les dernières heures écoulées. Je voulus me redresser sur le matelas mais une vive douleur lancinante me cloua sur place. Par tous les saints, ma hanche me faisait terriblement souffrir. Je réprimai un gémissement en portant ma main à des bandages qui me compressaient poitrine, tête et jambe. Je repris mon souffle court, calmai ma souffrance et pris sur moi pour m’obliger à quitter ce lit en serrant les dents.

« Ah non ! Il est hors de question que tu te lèves, jeune fille. » S’exclama une voix haut perchée semblant sortir de nulle part. Je tournai ma tête vers sa source et découvris une femme, habillée d’une coiffe d’infirmière, qui portait des draps blancs dans ses mains. Son air, bien qu’autoritaire, était surtout soucieux. « Tu as besoin de repos alors recouche-toi ! »

Prise sur le fait et ne voulant pas m’attirer ses foudres, je l’écoutai et, à la manière d’une enfant qu’on puni, je remontai mes draps jusqu’à mon nez. Elle toisa mon regard en ouvrant de grands yeux dissuasifs avant de reprendre sa besogne qu’était de faire les autres lits.

« Quelle heure est-il, s’il vous plait… » Prononçai-je d’une voix que j’ignorais aussi faible ; ma gorge était aussi sèche qu’un désert.

« Oh il doit être dans les alentours de trois heures du matin. Avec le coup que tu as reçu sur ta caboche et les potions sédatives que je t’ai données, tu as dormi la journée entière. Mais c’est bien, c’est signe de rétablissement. À ce rythme, demain soir tu pourras à nouveau être debout sur tes deux pieds sans pleurer ta douleur. »

« Toute la journée ? » M’exclamai-je et elle acquiesça en enfilant une taie d’oreiller.

Ainsi j’avais passé ma journée ici à dormir dans ce lit ? Et Darcel alors ? Était-il resté à mon chevet tout ce temps sans bouger ? Je tournai mon regard vers son corps assoupi. Ses cheveux retombaient en rideau sur son visage dont je ne pouvais cerner les traits.

« Je me suis presque battue avec ton ami ce matin pour qu’il parte mais jamais il n’a daigné quitter les lieux. » Brisa le silence la femme comme si elle eut lu mes pensées. « Il est tenace, une vraie teigne ! Quand il t’a apportée, vous étiez tous les deux trempés comme des soupes et, à partir du moment où j’ai pris la relève te concernant, j’ai bien cru qu’il allait nous rester là. »

« Comment ça ? »

« Son corps tremblait à en faire s’écrouler tout le château et il paraissait tétaniser. J’ai eu peur qu’il ne se soit, lui-aussi, blessé alors je l’ai examiné, mais rien ; il allait parfaitement bien physiquement, aucun signe d’hypothermie ou de choc crânien. Il a impérativement voulu savoir où étaient les douches de l’infirmerie et, après que je les lui aie montrées, il est allé s’y enfermer pendant des heures il me semble. Quand il est enfin réapparu, le jeune Malefoy était là pour lui donner des vêtements de rechanges. »

Je me souvenais maintenant… Notre promenade autour du lac ; sa déclaration d’amour pure ; l’arrivée d’Harry ; ma chute. Tout me revenait d’un coup dans la tête, me provoquant une migraine à vous décrocher la mâchoire de mal. Je portai ma main à mon bandage et l’infirmière repris sur un ton plus léger.

« Enfin, en tout cas tu pourras bien le remercier au matin ; sans son intervention pour te prodiguer les premiers soins, je crains fort que nous ne serions même pas là en train d’avoir cette discussion. Rendors-toi maintenant, tu en as besoin. »

Repliant avec soin une couverture sur un lit non loin, elle me souriait avec maternité alors que je m’emmitouflais dans mes draps. Elle vint ensuite vers moi, posa sa main sur mon front et, après un petit hochement de tête qui me confirma que ma température était correcte, elle attrapa un panier de draps sales et quitta la pièce aussi mystérieusement qu’elle était apparue.

À nouveau seule dans l’immensité silencieuse de l’infirmerie, je me retournai dans mon lit pour faire face à Darcel. Habillé d’un simple ensemble de jogging, je craignis qu’il eût froid. Mais il ne semblait pas s’en plaindre au vu de sa lente respiration apaisée. J’aurais voulu lui prendre la main ; après tout je lui devais la vie, c’était le moins que je pusse faire ; mais il m’était hors de portée… Bientôt, je sentis le sommeil me gagner à nouveau et je sombrai dans les méandres d’un monde qui n’appartenait qu’à moi.

-

« Aïe, tu m’as marché sur le pied ! »

« La ferme, sale sorcière. Tu vas la réveiller. »

« Oh, arrêtez vous deux sinon je vous sors par la force. »

« Chut taisez-vous, elle ouvre les yeux. »

Une effervescence aussi discrète qu’un pachyderme dans un magasin de porcelaine s’était élevée dans la pièce, m’accueillant au petit matin tel le chant du coq. J’émergeai doucement mais surement, ma tête me faisant déjà moins mal que la veille. Lorsque je fus totalement éveillée, je fus surprise de découvrir tous mes amis debout face à mon lit. Drago, Blaise, Pansy et même Hermione étaient là ! Le seul à être posté directement à côté de moi était Darcel dont les apparats habituels lui étaient revenus. La posture droite et l’air sévère, il n’avait plus rien à voir avec le petit garçon endormi sur sa chaise que j’avais vu hier.

« Waw… Ça en fait du monde juste pour moi. » Pouffai-je du nez et tout le monde se détendit d’un coup.

« J’ai eu si peur qu’il te soit arrivé quelque chose de grave, Y/N ! »

Hermione fut la première à parler. Ses doigts s’entortillant nerveusement entre eux, elle fit un pas vers mon lit mais Drago lui barra le chemin de sa main. Pansy roula des yeux, pleine de suffisance, et le visage de Darcel fut traversé par une grimace de consternation.

Non… Pas déjà, s’il vous plait…

« Quelque chose de grave ? Elle a des côtes fêlées, la hanche luxée et elle a failli mourir noyée. N’est-ce pas assez grave pour toi ? » Tonna-t-il et je lui pris la main avec les quelques forces qui m’étaient revenues.

« Darcel, c’est bon, laisse-là. Ce n’est pas ce qu’elle a voulu dire. En tout cas merci d’être tous venus me voir, ça me touche. »

« On est venus dès qu’on a su, princesse. » Dit Blaise dans un souffle émotif qu’il retenait depuis trop longtemps.

« Quelle frayeur tu nous as faite… » Commença Pansy, une chique en bouche. « Je me serai bien passé de ça ce matin. »

« Moi aussi je suis contente de te voir, Pansy. » Répondis-je avec sarcasme et elle me sourit en retour avec cette douce tristesse qu’elle tentait de cacher derrière ses airs.

Alors que tous s’étaient avancés d’au moins un pas vers moi pour s’assurer de ma bonne santé, un seul dont je n’avais pas encore entendu le son de la voix était resté en retrait. Drago, appuyé contre un lit en face, un bouquet de fleurs en mais, me semblait avoir la mine bien sombre dans son coin. D’un regard incertain, il communiqua sans mot un message qui m’était inconnu à son cousin. Je vis ce dernier répondre à sa question informulée par un inaperceptible hochement de tête négatif que, si je n’avais pas été aussi proche de lui, je n’aurais pas su capter. Comme si une épine venait d’être retirée de son cœurs, Drago expira un long soupire avant de donner une impulsion sur l’armature en fer du lit et de se rapprocher enfin de moi. Il me présenta les fleurs presque timidement, ce qui contrastait avec son comportement de petit prince arrogant de d’habitude, et je me redressai assez pour pouvoir l’accueillir comme il se le devait. Mon cœur palpita bien vite dans mon corps ; les souvenirs de notre nuit commune refaisaient surface dans ma mémoire, m’emplissant de sensations fantômes qu’ils m’avaient faites vivre ce soir-là.

« Salut Y/N, je t’ai apporté des fleurs. Je me suis dit que ça pourrait te faire plaisir et te changer les idées. »

« Merci, c’est adorable de ta part, Drago. »

D’une gestuelle gauche et mal assurée, il déposa le copieux bouquet enrobé de plastique dans un vase sur ma table de chevet après m’avoir souri à la manière d’un enfant qu’on félicite. Aussitôt le bouquet à mes côtés qu’une délicate fringance florale flotta jusqu’à mes narines, semblant ainsi calmer tous mes maux. Le blond se retourna vers moi et, dans un fragment de temps qui ne dura pas plus de quelques secondes, il effleura ma joue du revers de sa main en me parlant tout bas, le regard enquit de regrets dévorants.

« Excuse-moi d’être parti si vite. »

Nul besoin qu’il en dise plus, je savais à quoi il faisait référence. Je ne lui en voulais pas d’avoir quitté la chambre avant mon réveille ; un café c’était aussi important après tout. De plus, sur deux amants, un était au moins resté pour m’éviter le pire sentiment d’abandon qu’il puisse vous arriver après une nuit à trois. C’était déjà la moitié ! Je lui répondis par un simple signe de tête qu’il ne devait pas s’en faire et que je ne lui en voulais pas. Il sembla apaisé l’espace d’un instant avant qu’un voile oppressant ne vienne couvrir ses yeux. Pourquoi un tel air accablé ? Je n’étais pas morte bon sang ! Du nerf !

Tous autour de moi, mes amis se mirent à me parler, à me raconter les derniers ragots et autres histoires alléchantes du château. Pour une fois que ce n’était pas sur moi, ça pouvait bien être sur les autres. Pendant ce temps, Drago et Darcel s’étaient mis un peu à l’écart de mon lit afin d’entretenir une discussion aux airs formels qu’il m’avait été impossible de suivre là d’où j’étais. Blaise, assis sur le bord de mon matelas, s’était mis en tête l’idée saugrenue de me masser les pieds tout en me parlant. Pansy bichonnait mes fleurs tandis qu’Hermione… Eh bien, elle peinait à trouver sa place en tant que lionne d’or parmi les serpents d’argent. Elle disait peu de chose, pour ne pas dire rien du tout, n’intervenait jamais dans les discussions qu’elle se contentait de suivre d’une oreille attentive, adossée contre une armoire en verre. Je crus même qu’à un moment elle allait partir sans rien dire, espérant passer inaperçue à mes yeux, mais elle fut retenue par des bruits de pas effrénés venant en notre direction. On aurait dit qu’un troupeau de taureaux nous fonçait dessus. Toute discussions cessèrent lorsque les portes de l’infirmerie s’ouvrirent avec fracas, révélant un Tonton Crochu a l’air massacreur, un Dumbledore sage aux yeux pétillants, une McGonagall pincée ainsi qu’un Slughorn des plus répugnant avec son mouchoir en mains.

« Bonjour Miss Y/L/N, comment vous sentez-vous ce matin ? » Me demanda le vieil homme d’un air posé en me regardant par-dessus ses lunettes en demie lune.

« Bonjour professeur Dumbledore, fatiguée malgré ma journée et ma nuit entières de sommeil mais ça va. Je n’ai déjà presque plus mal. »

Mes amis avaient quitté mon lit pour se mettre en retrait. À mesures que les nouveaux arrivants se rapprochaient de moi, je ramenais mes draps sur mon corps. Bien que je fusse en parfaite tenue de pyjama d’hivers, recouvrant tout mon corps chaudement, je n’en avais pas moins l’impression d’être complètement exposée à leur vue. Et si être exposée à leur vue ne me dérangeait pas le moins du monde, il en était autrement pour sa vue à lui. Slughorn se tenait aux côtés de Minerva et était venu se piquer juste à côté de ma table de chevet, faisant de lui celui qui était le plus proche de moi. Je tentai d’éviter de le regarder et l’ignorai. Du coin de l’œil néanmoins, je pus voir qu’il baladait ses doigts boudinés sur les pétales délicates de mes fleurs et ne pus m’empêcher d’éprouver de la colère qu’il y touche. De quel droit se permettait-il ?

« Ahh les miracles de Madame Pomfresh ! on ne la remerciera jamais assez pour ses services. » Me tira Dumbledore de mes pensées énergivores avant de poser sur moi un regard bienveillant. « Y/N, si tu le permets maintenant, j’aimerai que l’on discute de ce qu’il s’est passé hier. Tu peux me dire qui est responsable de tout ça ? »

« Et pourquoi vous n’allez pas poser la question à Potter à la place ? C’est à lui qu’elle doit son état. »

Me coupant toute réponse possible, Darcel s’était avancé de nouveau jusqu’à moi en déversant sa haine pour Potter. Rogue fit à son tour un pas en avant pour réprimander son élève. Son air noir l’était encore plus que d’ordinaire, si cela était possible, et une prestance froide irradiait de lui.

« Cunningham ! Le manque de respect n’est pas toléré dans cet établissement. »

J’étais fatiguée, je n’avais ni la force, ni l’envie de l’entendre monter de ton contre le parrain de Sophia. Je savais qu’il allait réagir de la sorte ; il le faisait toujours. Aussi, je posai ma main sur la sienne, exerçant une légère pression lui intimant de se taire au moins pour une fois. Il s’embla coopérer car le son de sa voix ne se fit plus entendre, il capitula. Dumbledore tapota l’épaule de son collègue, les yeux pétillants d’une malice enfantine et les pommettes rebondies par un large sourire.

« Allons Severus, nous n’allons pas réprimander la fougue d’un amour protecteur quand même ? Néanmoins, mon garçon, je tiens à ce que ce soit Y/N qui m’explique ce qu’il s’est passé. »

Je crus que Darcel allait nous faire une dragoncelle suite à ces mots. Était-ce fougue, amour ou protecteur qui le fit devenir aussi blême ? À bien y réfléchir, je pense que c’était à l’habille combinaison des trois qu’il devait son teint livide. Dumbledore parut savourer ce déroutement qu’il avait créé chez son élève avant de revenir à moi. Je plongeai mon regard dans celui espiègle de mon directeur qui m’invita d’un mouvement de tête à me confier à lui. Je dus faire le point sur mes pensées volages le temps d’un instant avant de pouvoir me lancer.

« Eh bien pour commencer, hier matin, Darcel et moi étions partis pour une promenade autour du lac. Mais nous avons été interrompus par Potter qui disait avoir une lettre ou une invitation – je ne sais plus trop – de la part du professeur Slughorn à l’attention de Darcel. Seulement, tout dans son attitude envers nous était agressif et provocant. Au bout d’un moment, il a fini par s’en prendre à moi en me traitant de- Enfin… Disons qu’il n’a pas parler de moi en de très jolis termes et suite à ça je l’ai peut-être giflé. »

« Attends, t’as giflé Potter ? » Intervint soudain Drago dont la surprise était sans nom.

« Tu veux dire qu’on a loupé ça ?! » Continua Blaise avec la même énergie en s’accrochant au bras d’une Pansy bouche bée.

« Messieurs… »

La voix menaçante du professeur McGonagall s’était élevée afin d’étouffer l’engouement admiratif de mes amis. Darcel balaya le visage de tout ceux présents d’un regard méfiant et il s’arrêta en particulier sur celui de l’homme en trop pour moi. Toujours couchée dans mes draps blancs, je m’amusais de leurs réactions d’une sincérité inégalée avant de me remettre à mon récit sous le regard approbateur du directeur.

« On ne peut pas vraiment dire qu’il ait apprécié mon geste… Il n’a pas hésité une seule seconde à sortir sa baguette pour me menacer avec. Darcel, tout à son honneur, a tout de suite riposté pour me protéger. Seulement, ce qui devait arriver arriva et j’ai fini par me prendre un sort perdu. En ce qui concerne la suite des faits, je dois bien vous avouer, Monsieur le directeur, que c’est assez flou dans mon esprit et tout se mélange. Je me souviens juste que j’étais étendue sur la glace, que j’étais morte de froid et de peur et que l’instant d’après je me trouvais allongée dans ce lit. »

Les yeux du vieil homme brillant d’une étrange lueur derrière ses lunettes semblaient lire en moi comme dans un livre ouvert en cet instant ce qui me rendit soudain très mal à l’aise. Pensait-il que je puisse mentir là-dessus ? Doutait-il de moi alors que j’étais la première victime de toute cette suite d’évènements malheureux ? Après un moment passé dans le silence pesant, cherchant à soutenir au mieux son regard trop insistant, il dut enfin comprendre que j’en avais fini car il s’éclaircit la gorge et se redressa.

« Bien, je vois. Je vous remercie pour vos précieuses lumières sur la situation. Soyez rassurés, Monsieur Potter aura la sanction qu’il devra avoir pour l’acte irréfléchi de sortir sa baguette pour lancer un duel qu’il a commis. À présent, nous allons vous laisser vous reposer, Miss. Vous en avez besoin, prenez soin de vous. »

Alors que Dumbledore avait déjà fait demi-tour pour quitter la salle par là où il était rentré, derrière lui Rogue agitait ses bras en de lents mouvements amples afin de d’inviter mes amis à déguerpir eux-aussi.

« Allez, tout le monde part, vous avez des cours à suivre. Cunningham, nous nous retrouverons ce soir pour votre retenue. » Dit l’homme de son habituelle voix froide en échangeant avec son élève un regard sévère. Néanmoins, avant d’avoir pu entendre une quelconque réponse de ce dernier, Dumbledore posa sa main sur le bras du professeur qu’il tapota joyeusement.

« Allons allons Severus, laissez-leur le temps de se retrouver en tête à tête. Je suis sûr qu’après ce qui vient de se passer, un peu de temps à deux ne leur fera pas de mal. Monsieur Cunningham, vous serez attendu pour votre deuxième heure de cours. » Dit le vieil homme en adressant un clin d’œil à mon voisin pour appuyer ses propos.

« Merci, professeur. » Inclina-t-il avec respect sa tête en réponse.

Suite à ces mots, les adultes nous quittèrent dans le bruissement des longs tissus de leurs vêtements. Seul Slughorn se retourna avant de disparaitre pour m’envoyer un sourire cordial de bon rétablissement qui souleva en moi des envies de vomir. Mes amis leur emboitèrent ensuite le pas à contre-cœur ; Blaise me salua avec énergie, Pansy m’accorda un simple signe de main comme si elle se retenait toute extravagance, Hermione eut enfin l’occasion de venir m’enlacer sous le regard tolérant de Darcel et Drago se contenta de simplement me regarder de l’encadrement de la porte. Il y avait dans son regard ces airs d’abattements qui persistaient et dont l’origine me dépassait complètement. Je les regardai partir de l’infirmerie pour reprendre le cours de leur journée tandis que moi, j’allais devoir restée allongée quelques longes heures encore.

Enfin seuls, je reposai mon attention sur le dernier resté auprès de moi. Darcel se tenait toujours à côté de mon lit, cependant sa posture n’était plus aussi droite et son air n’était plus aussi fier que lorsque nous avions de la compagnie. À bien analyser son visage, ses traits étaient détendus et ses lèvres affichaient un léger sourire alors qu’il me regardait. Mais, malgré ce sourire, ses yeux révélaient ses réelles émotions. Un vert fatigué, sans éclat et voilé par la peine ; il fendait mon cœur.

« Tu as l’air si triste. » Dis-je d’une voix qui fut plus faible que prévu. Il intensifia son sourire, retira un de ses gants et passa sa main dans mes cheveux pour me les flatter de ses caresses.

« Je ne le suis pas, rassure-toi. » Souffla-t-il à demi-mot. « Je suis simplement soulagé que tu ailles bien. J’ai eu très peur pour toi. Quand je t’ai ramenée sur la berge et que tu ne bougeais plus, j’ai bien cru que… »

Sentant une certaine fragilité dans sa voix, je vins prendre sa main dans la mienne et le rassurai-je d’une légère pression sur la peau.

« Eh, je vais bien, mon cœur. »

« Oui, c’est le principal… »

« Merci de m’avoir sauvé la vie. L’infirmière a dit que sans toi, je n’aurais pas eu la même chance. »

« Sans moi ? Sans moi tu ne serais même pas tombée dans l’eau. J’ai été stupide de tout de suite sortir ma baguette. » Leva-t-il la voix dans une colère retournée contre lui-même.

« Si on résonne comme ça, alors c’est moi qui ai été stupide de gifler Potter. On peut même reporter la faute sur Slughorn qui l’a envoyé pour te voir. Dans tous les cas, ce n’est certainement pas de ta faute, arrête de te torturer l’esprit, tu as fait ce qui te semblait être juste. » Lui allégeai-je la conscience en caressant le dessus de sa main de mon pouce.

Il se contenta de sourire un peu plus en me regardant comme si j’avais été la chose la plus fragile ici-bas avant de se pencher sur mon lit pour m’embrasser. Ce fut un baiser empli de tendresse dont il ne témoignait que dans de rares cas. Je ne pouvais qu’en être ravie. Je savourai son affection en profitant de chaque seconde de ce contact en passant mes mains derrière son cou. Lorsqu’il rompit le contacte, ses lèvres me manquaient déjà. Il reposa son front contre le mien et borda mon visage de sa main. Je fus la première à rompre notre silence dans un murmure délicat.

« Je t’aime. »

« Moi aussi je t’aime. »

Après notre échange de mots doux, il se détacha de moi et se redressa. Nos regards toujours entrelacés, j’eus dans un flash des réminiscences de souvenir de la veille qui attisèrent une curiosité nouvelle en moi. Je fronçai les sourcils et me lançai dans ma question sans trop réfléchir.

« Darcel, je viens de me souvenir qu’hier, avant que Potter ne nous interrompe, tu étais sur le point de me dire quelque chose d’important. Je peux savoir ce que c’était ? Je t’avoue que tu as su attiser ma curiosité. »

Son visage changea. Tout sourire apaisé disparu pour être remplacé par un air grave, il recula de quelques pas pour se rapprocher d’une chaise non loin et il me sembla qu’il perdit même une teinte de teint. Ce subite changement de comportement m’inquiéta et je me redressai un peu dans mon lit dans une position soucieuse.

« Je ne crois pas que ce soit le bon moment pour parler de ça. Tu es faible, tu dois te reposer, recouche-toi. On en parlera plus tard quand tu iras mieux, je te le pro- »

« Non, tu m’en parles maintenant, Darcel. Je veux savoir. »

« Je trouve que tu fais de plus en plus de caprices ces derniers temps, Y/N. »

« Ce n’est pas un caprice. Tu as quelque chose sur le cœur à me dire et je veux savoir de quoi il s’agit, c’est tout. Ce n’est pourtant pas compliqué. »

« Oui, pas compliqué… »

De son air tourmenté, il prit place sur la chaise en poussant un long soupir défaitiste. La tête baissée et le regard vague, il vint joindre ses mains sous sa mâchoire dans une grande réflexion qui semblait accaparé toutes ses ressources à en croire ses larges sourcils froncés. Ses cheveux chastement ondulés retombaient en mèches rebelles devant ses yeux, m’empêchant de discerner distinctement son visage.

« Darcel, tu peux me faire confiance. Parle-moi. » Dis-je en me redressant maintenant complétement dans mon lit, prête à entendre ce qu’il avait de si lourd à dire, non sans une certaine appréhension au fond de moi. Il prit une longue inspiration avant d’enfin délier sa langue.

« Il y deux ans, j’ai fait une erreur, une terrible erreur que je regrette amèrement aujourd’hui. Il faut que tu me croies, Y/N, quand je te dis que je regrette. »

« Darcel, tu me fais peur… »

« Laisse-moi finir. » Trancha-t-il avec fermeté. En se rendant compte qu’il m’avait surprise, il passa une main incertaine dans ses cheveux et humidifia ses lèvres en passant sa langue dessus. « L’on dit qu’une image vaut mieux que milles mots alors… »

Il jeta des coups d’œil autour de nous pour s’assurer de notre isolement. Avec une lenteur cérémonieuse, il approcha sa main de son bras gauche, attrapa la naissance de sa manche et la remonta afin de dévoiler sa peau nue. Les battements de mon cœur s’accélérèrent d’anxiété, redoutant le pire et pourtant niant l’évidence. Mes yeux s’ouvrirent d’effroi lorsque mon regard se posa sur la sinistre marque au serpent noir. Je fus parcourue par de puissantes vagues de frissons qui firent trembler tout mon corps. Mon sang ne fit qu’un tour et je sentis que mon teint virait au blanc. Non, ce n’était pas possible. Pas lui. Ma tête me tournait. Une subite migraine me frappa de plein fouet et je fus prise de vertiges qui, si je n’étais pas assise dans mon lit, m’auraient fait tombée de toute ma hauteur. J’étais clouée sur place, incapable de détourner mon regard de ce simple symbole qui signifiait tellement d’horreurs.

« Pourquoi tu me dis ça maintenant ? » Arrivai-je à prononcer malgré ma mâchoire tremblante.

« Parce que tu avais l’air si déterminée à venir au manoir que j’avais peur que tu finisses par l’apprendre d’une autre bouche que la mienne. Je ne suis pas le seul de ma famille à être un mangemort. Nous le sommes tous, pour la plus part. Sauf Sophia, cela va sans dire. Que Merlin la protège. Et je voulais être le seul à te l’annoncer. »

Paralysée sur le lit, je l’écoutais parler sans vraiment l’entendre. Seules les informations principales m’arrivèrent aux oreilles ; qui il était vraiment.

« Un mangemort… Tu es un mangemort… »

Alors que j’essayai de garder la face, je fus brusquement prise par une salve de rire nerveux qui saisirent sur place Darcel. Inquiété par mon hilarité soudaine, il se redressa et voulut s’avancer vers moi.

« Ça va ? »

« Ne fais pas un pas de plus, Darcel. » Le menaçai-je de mon indexe en m’éloignant de lui à l’autre bout de mon lit avant de reprendre un air moqueur. « Je vais parfaitement bien, merci de t’en inquiéter. Tu ne sais pas la meilleure ? Le garçon dont j’étais tombée follement amoureuse vient de m’avouer qu’il m’avait mentis depuis tout ce temps et qu’il faisait partie des gens qui me terrifient le plus sur cette Terre. »

« Je comprends ta colère, Y/N. Mais je t’en prie, calme-toi. Ce n’est pas bon pour ta tête de te mettre dans un état pareil. » Tenta-t-il de me contenir mais il avait perdu son droit de jouer aux gentils innocents avec moi.

« Qui d’autre ? Qui d’autre fait partie de ton petit club d’assassins ? QUI ? » Me mis-je à hurler ce qui aggrava mes vertiges. Je dus fermer mes yeux et porter une main à ma tête pour retrouver mes esprits. J’entendis Darcel se hâter de venir vers moi pour s’assurer que j’allais bien mais je l’interdis encore une fois de m’approcher par le simple geste de mon doigt levé. « Réponds, c’est tout ce que je te demande. »

« Pansy, Blaise et Drago. »

Ces trois noms résonnèrent en moi, me hantant en plein jour. Le choc fut double.

« Quoi ? Par Merlin… Vous m’avez tous mentis… J’aurais dû m’en douter, c’est de ma faute, j’ai été trop conne à tous vous accorder ma confiance. Pourtant je vous ai déjà entendu faire des messes basses dans mon dos, mais bon… Innocemment je n’ai jamais pensé à mal. Hermione avait raison au final, elle a toujours eu raison. »

« Y/N, arrête… »

« NON ! Toi arrête ! » Répondis-je en écho avec rage avant de reprendre mon monologue. « Oh et puis cette magnifique marque que tu nous avais maquillée sur ton bras pour la pièce, je suppose que ça aussi c’était bidon. Tu n’as jamais eu de don en maquillage, c’était la vraie ! Quel culot tu as eu de te pavaner devant mon nez avec cette… Cette abomination ! » Alors que j’étais perdue dans mes pensées et que je continuais de déferler mes paroles sans aucune retenue, je captai du coin de l’œil un mouvement suspect de la part du mangemort. Je me tue enfin, relevant mes yeux sur lui alors que ma mâchoire continuait toujours de trembler. « Repose cette baguette, Darcel. »

« Non. »

« Tu vas faire quoi ? M’oublietter ? C’est ça l’amour pour toi ? Tu disais m’aimer il y a à peine quelques minutes et là maintenant tu serais prêt à trafiquer ma mémoire pour ton petit bonheur ? »

« Je fais ça pour te protéger. » Dit-il sans état d’âme ce qui contrastait avec ma propre attitude allant à l’opposé de la sienne.

« FAUX ! Tu fais ça uniquement pour TE protéger. »

Hors de moi, je dus détourner le regard lorsque je sentis couler sur mes joues des larmes inattendues. Le visage tourné vers ma table de nuit, mes yeux se posaient avec frénésie sur les fleurs aux couleurs douces de Drago. Je fermai les yeux de toutes mes forces, sentant la lame aiguisée de la trahison me lacérer le cœur. Il me fallut un moment passé dans le silence entrecoupé de mes sanglots avant qu’enfin je puisse retrouver un semblant de calme. Sans lui donner un dernier regard, refusant toujours de lui accorder ce privilège, je repris la parole malgré la boule qui obstruait ma gorge.

« Vas-y, fais ce que tu as à faire. Mais fais-le vite. Ensuite, la porte est là. Je crois que tu sauras trouver le chemin tout seul, tu es grand assez. Encore merci de m’avoir sauvée la vie, Cunningham. »

L’aigreur dans ma voix fut à peine dissimulée pour ma dernière phrase. Il ne répondit pas. Dans le silence religieux de l’infirmerie vide, les seuls bruits que je pus entendre furent les tic-tacs oppressants d’une horloge lointaine, ma respiration saccadée, les grincements métallique des ressorts de mon lit, le bruissement des vêtements de Darcel qui se relevait, le rabattement de sa manche sur sa marque, et le mouvement de son bras levé, prêt à jouer avec ma mémoire.

J’étais heureuse de l’avoir rencontré.

Heureuse d’avoir appris à le connaitre comme peu le connaissent.

Heureuse d’avoir su pénétrer dans sa vie comme nul ne l’avait fait avant moi.

Mais j’étais sous le choc, quoiqu’il en fût.

Au final, j’étais heureuse qu’il m’efface la mémoire…

𝓓𝓮́𝓬𝓱𝓾「𝓞𝓬 𝔁 𝓻𝓮𝓪𝓭𝓮𝓻」(Harry Potter)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant