Manille et Malik sortirent de l'auberge en entraînant avec eux l'indésirable personnalité de Milan Lazsco.
Le soleil était haut dans le ciel matinal, et Milan dut immédiatement enfourcher ses lunettes irisées, même s'ils se trouvaient dans l'ombre de la massive bâtisse de l'auberge. Sa résistance à la clarté du jour avait ses limites, et cela ne signifiait pas qu'il lui fût immunisée. Au contraire, en plus d'être douloureuse, elle entravait considérablement son champ d'action...
– Jolies, fit Manille en désignant les lunettes. Je peux les essayer ?
– Ce serait dommage de cacher vos beaux yeux, répondit Milan.– J'ai jamais vu de lunettes pareilles, ajouta Manille en se rapprochant du personnage, pas dupe du fait que le compliment valait surtout pour justifier son refus.
– Je les fais faire sur mesure. J'ai une sorte de maladie oculaire, qui...Plus vive que Milan, dans un geste qu'il ne la vit pas venir, la jeune femme s'empara subrepticement des lunettes. Il ne put que porter la main à ses yeux pour se protéger de l'afflux lumineux, tandis que la jeune femme, avec satisfaction, enfourchait les verres bleutés.
Pendant un instant, munie de ces verres irisés qui donnaient fière allure à sa silhouette racée, Manille ne fit ni ne dit rien. Quant à Malik, il restait témoin de cette scène, sans intervenir, pendant que Milan attendait la réaction de la jeune femme en se protégeant de la lumière.
– Quel genre de maladie au juste ? demanda-t-elle sur un ton méfiant.
– ... ça ne vous dirait rien.– Vous êtes aveugle ?
– Non, merci, c'est gentil de vous inquiéter.
– Alors à quoi servent des lunettes au travers desquelles on ne peut rien voir ? fit-elle en les ôtant.Milan récupéra les verres d'un geste furtif et les remis à leur place.
– On vous a jamais appris que les lunettes, c'est comme les brosses à dents, ça se prête pas.
Manille comprit qu'elle n'obtiendrait pas de réponse à ce sujet et se détourna pour jeter un œil à la ronde. Ils n'étaient pas seuls dans la rue, le village semblait à l'opposé de la veille : en pleine effervescence. Des hommes et des femmes se préparaient à un événement de grande importance, avec autant d'empressement que de fébrilité.
– Écoutez, reprit Milan, c'est pas que je me sente pas concerné par votre petite cabale villageoise, mais je vois pas vraiment quel rôle je pourrais jouer là dedans. J'ai pas la fibre sportive, pour tout vous avouer. Maintenant que j'ai répondu à vos questions, est-ce que je pourrais pas juste réparer mes pneus et partir ?
– Vous êtes sérieux ? dit Manille. Est-ce que vous avez compris un seul mot de tout ce qu'on vous a expliqué ce matin ?
– Comprendre et croire sont deux choses très différentes, dit Milan. Jusqu'à preuve du contraire, rien ne me retient ici à part vous. Si vraiment je ne peux pas quitter cet endroit, pourquoi ne pas me laisser libre d'aller et venir.– Parce que vous pourriez trouver un moyen d'informer Tarsis de ce que vous avez vu, pour commencer, dit Manille.
– Je n'ai aucune intention de retourner là-bas, je veux juste poursuivre ma route. Un hôtel autrement plus confortable que votre auberge m'attend de l'autre côté des montagnes.– J'ignore si vous mettez un point d'honneur à refuser la situation ou si vous êtes juste lent d'esprit, dit Manille, alors je vais essayer d'être la plus claire possible. A compter de maintenant, que vous le vouliez ou non, nos destins sont liés. La Soule va commencer, et vous serez des nôtres. Rien de ce que vous pourrez dire ou faire ne le changera.
– Et comment comptez-vous m'obliger à me battre ?
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Milan Lazsco : La Soule [E2 Quadrilogie du vampire]
VampireAu détour d'une route des Pyrénées, deux villages se livrent à une compétition antique et mortelle. Serait-ce l'œuvre d'une malédiction ? Il se trouve que même quand on est un vampire, on ne plaisante pas avec les malédictions. ...