Coup de lune

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La Veille

Malik, Manille, Sandoz et Milan s'installèrent autour d'une table, dans la cuisine de l'auberge, auprès du fourneau dont les flammes les éclairaient de lueurs vacillantes.

Peu de temps auparavant, lors du grand Conseil, les Soulevains avaient validé leur stratégie pour la bataille finale. Ils savaient que l'entité magique liée à la Soule les piégerait comme la dernière fois, même s'ils réussissaient à atteindre l'autel. Elle contraindrait le soleil à se coucher et la nuit emporterait leurs espoirs. C'est pourquoi ils avaient décidé de confier la Soule à Milan Lazsco. Lorsque le jour basculerait dans l'obscurité, ce serait au vampire de tenter leur chance... Entre tous, cet étranger providentiel avait été élu comme celui qui mènerait la Soule à la victoire, ou à la défaite perpétuelle.

C'est ainsi que le vampire se retrouvait le porteur d'étendard du village de Soulevan. A la fois pour certains un étranger et un monstre, dont il fallait se méfier quoique la puissance puisse s'avérer salvatrice ; et pour d'autres une sorte de messie que l'on attendait depuis des générations.

L'heure de vérité cependant n'était pas encore venue. Le conseil s'était dispersé, afin de préparer les troupes pour l'attaque du lendemain. Les meneurs quant à eux s'étaient réunis dans les quartiers de Mama Galia, en secret, pour creuser jusqu'au plus profond du mystère.


  – Cette fois, dit Sandoz à sa sœur revêche, je ne plaisante plus. Tu vas tout nous dire.

Contre toutes attentes, Milan prit la défense de Mama Galia face au ton accusateur de Sandoz.

  – Ne soyez pas trop dur avec elle, dit-il. Si elle n'en a jamais parlé, c'est en partie pour vous obéir.
  – Qu'est-ce que vous voulez dire, grommela Sandoz.

  – Depuis vingt ans, vous interdisez que l'on prononce seulement le nom de votre femme.
  – Mon ex-femme ! gronda Sandoz. Et qu'a-t-elle à voir dans cette histoire. C'est les agissements de Bora et Galia que nous interrogeons ce soir.

  – Mais ils sont liés, n'est-ce pas, Mama ? dit Milan en se retournant vers la robuste femme.

Mama Galia poussa un grognement de rancœur, mais savait au fond d'elle qu'il n'était plus l'heure de se taire. Elle avait certes prêté serment ; cependant, la créature auprès de laquelle elle avait prêté ce serment s'étant dévoilé comme le véritable ennemi, elle n'était plus désormais contrainte de s'y tenir.

La femme cracha cependant plus que ne formula sa réponse :

  – Qu'est-ce que vous voulez savoir ?!
  – Allons droit au but, dit Milan. Vous et Bora saviez qui était l'entité maléfique, n'est-ce pas ?

Mama Galia émit un autre de ses borborygmes, semble-t-il affirmatif.

  – C'était vraiment la Doyenne ? l'interrogea Sandoz avec incrédulité. Depuis tout ce temps elle était parmi nous ?
  – C'est vrai.

Qu'ils ne l'aient jamais soupçonné n'était pas en soi une surprise pour Milan Lazsco. C'était souvent le lot des malédictions de dissimuler l'évidence à la vue de tous.

  – Est-ce que je peux savoir par quelle espèce de folie aveugle et insensée vous n'avez rien dit, toutes les deux ?
  – Elles ne le pouvaient pas, elles étaient tenues par leur serment, dit Milan.

  – Quel serment ?

Celui des sorcières Belagiles, expliqua Milan. La Doyenne était leur mentor, elle les avait intronisées, elle les avait formées, elles n'avaient su que tardivement ce qu'elle était réellement. Elles savaient l'entité liée à la malédiction, mais la croyaient sa gardienne, la garante des règles. Et même lorsqu'elles avaient fini par comprendre que la doyenne était une forme de parasite au sein de la malédiction, se nourrissant d'elle et des villageois, le sang qu'elles avaient versé lors du rituel d'intronisation les empêchait de la trahir, tant du moins qu'elle ne brisait pas elle-même leur contrat.

Milan Lazsco : La Soule [E2 Quadrilogie du vampire]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant