Sur la grande place du village pyrénéen, entre les feux, Rancor revenait une nouvelle fois en grand héros de la journée. Sans lui, le front ouest aurait cédé plusieurs fois. Sa seule présence ravivait la flamme Soulevaine. Sandoz assurément était le cerveau du village. Taronne était leur champion et le vieux Parvis le tronc de l'arbre qui les abritait. Quant à Manille et Yacin, ils seraient leurs futurs meneurs à n'en pas douter... Mais Rancor était le coeur battant de la population. A la fois son rempart et sa relève.
Comme les autres, le colosse au visage juvénile avait commencé à guérir, même s'il restait encore très touché. Ses adversaires s'y étaient mis à sept pour lui faire rendre gorge, il portait encore un énorme bandage sur le crâne. Pourtant, il restait souriant et amical, en dépit des blessures.
– Je voulais l'enlever ! grommela-t-il à l'intention de Milan lorsque ce dernier l'interrogea sur l'utilité du bandage en question. Mais Mama Galia a dit qu'elle le tolérerait pas... Je veux pas la fâcher.
Chacun acquiesça à ces paroles, connaissant l'humeur acariâtre de la brave mais intraitable gardienne de l'auberge. Rancor trinqua avec Malik et Milan comme il l'avait fait avec chacun, puis repartit auprès de son clan.
A ce moment, Milan sursauta, car on l'avait saisi par l'épaule. Il avait cru un moment qu'il s'agissait de Manille ; en réalité c'était Yacin. Le grand escogriffe blond semblait remis de ses blessures mais n'avait pas perdu son air sombre. Il demanda à Milan de le suivre à l'écart.
Malik et Milan échangèrent un regard, au terme duquel le second fit comprendre au premier qu'il n'avait pas besoin de son aide. Il suivit Yacin dans les ruelles étroites du village.
Une fois éloignés des autres, derrière une grosse maison, Milan ôta sa veste et se mit en garde.
– Je suppose que tu veux finir le combat ? déclara-t-il
Yacin recula en dressant subitement la main.
– Non, je... je ne vous embêterai plus, se mit-il à protester. Vous m'avez sauvé la vie. Si vous voulez Manille, prenez-la. J'ai une dette envers vous.
Après un instant de surprise, Milan rompit sa posture de combat et se rapprocha du gaillard à la moue embarrassée.
– Écoute, lui dit-il, je veux pas paraître le type qui donne des leçons, mais... enfin, il me semble que tu te plantes complètement, avec cette fille, non ?
Yacin acquiesça d'un air penaud.
– Je comprends rien, quoi que je fasse ça l'agace.
– C'est un peu normal, tu fais tout à l'envers. Tu vois, quand tu dis "Si vous voulez Manille, prenez-la", c'est ridicule. Comme si elle m'appartenait, comme si c'était un trophée. S'il y a bien une fille qui ne se laissera pas faire, c'est elle. Tu vois donc pas que tout ce qu'elle fait avec moi, c'est pour te mettre en rogne.– Elle a réussi, maugréa le jeune homme.
– Oui, elle est plutôt douée pour ça. Écoute, Yacin, fais comme tu veux, mais... à ta place, si je tenais à elle, je lui dirais franchement, et j'éviterais précisément de la traiter comme un trophée.– Vous croyez ?
– C'est toi qui vois, dit Milan, mais s'il y a une méthode qui me semble totalement inadaptée, c'est la méthode Buldor.Yacin hocha la tête en faisant la grimace. Après quoi Milan le prit par l'épaule et l'entraîna au milieu des foules.
– En attendant, dit-il, il faut vraiment qu'on se mette d'accord. C'est toi qui a battu Dorian, OK ? Ce sera plus crédible.
– Je voudrais pas vous voler la gloire.
– Bah... tu sais, la gloire, c'est surfait.
VOUS LISEZ
Milan Lazsco : La Soule [E2 Quadrilogie du vampire]
VampireAu détour d'une route des Pyrénées, deux villages se livrent à une compétition antique et mortelle. Serait-ce l'œuvre d'une malédiction ? Il se trouve que même quand on est un vampire, on ne plaisante pas avec les malédictions. ...