Le lendemain de l'attaque, Sandoz doubla le nombre de guetteurs.
Ce geste n'était pas réellement la réaction à laquelle s'étaient attendus les Soulevains suite à ce qu'ils considéraient comme une victoire. L'enthousiasme les tenait, ils ne demandaient qu'à battre le fer tant qu'il était encore chaud, pour de vrai, en emportant la Soule.
Malgré tout, Sandoz temporisa. Toute la journée il maintint ses troupes sur le pied de guerre, confiant à chacun de nombreuses tâches, mais sans préparer de nouvelle offensive. En de nombreux aspects, la Soule était un jeu de patience autant que d'action.
Le surlendemain fut placé sous le même sceau : surveillance, réorganisation des défenses, mais pas d'attaque. Les Soulevains ne comprenaient pas les raisons de cette prudence. N'avaient-ils pas démontré leur force ?
On avait ressorti de vieux casques datant de la Résistance sous l'occupation allemande, et Parvis organisait de nouveaux exercices. Or, des exercices, voilà vingt ans que les Soulevains en pratiquaient. Ils n'en comprenaient pas la nécessité, pour eux il fallait agir, avant que Tarsis ne les prenne de vitesse.
Chacun pressait ses meneurs de haranguer Sandoz ; mais mystérieusement, ni Buldor ne chercha à discuter les ordres de leur chef, ni le fidèle Parvis, et encore moins Taronne, que l'on disait toujours convalescent.
Ce jour était le sixième depuis le solstice et l'inauguration. Milan, de lui-même, était resté dans sa chambre, évitant les Soulevains, ne recevant que la visite régulière de Malik. Dans son esprit, progressivement, les règles de leur jeu maudit s'organisaient.
Lorsque l'on affrontait une malédiction, on ne pouvait se permettre le moindre écart. L'ennemi n'était pas tant leurs adversaires de Tarsis, du moins en ce qui concernait Milan, que le jeu lui-même. Ce dicton qui invitait à connaître son ennemi le mieux possible valait également pour la Soule. A cette différence près qu'un tel jeu ne pouvait jamais être parfaitement maîtrisé, il possédait toujours des obstacles, des tiroirs secrets à découvrir, et quel que fût le plan, le hasard pouvait toujours le mettre à mal.
Néanmoins, à l'instar des jeux les plus complexes, leur jeu de massacre disposait forcément de clefs à décrypter. Milan pour sa part songeait que l'espèce de tueur en série qui sévissait dans leur village depuis des générations pouvait être une de ces clefs. Une créature inconnue qui n'apparaissait qu'au moment de la Soule ne pouvait que lui être intimement liée. Il restait à savoir de quelle manière, et surtout à quel niveau.
De fait, tandis que les Soulevains, à l'exception peut-être de Sandoz, ne se focalisaient que sur la confrontation musclée entre les deux camps, en ce qui concernait Milan, elle restait en second plan. Il cherchait une porte de derrière, qui permettrait d'actionner les leviers de la malédiction...
Malik frappa à sa porte, vers le milieu d'après-midi. L'ex assassin entra et le trouva allongé sur son lit, tout habillé, les yeux à demi-fermés, en posture de méditation. S'il fut surpris de le trouver ainsi inactif, il ne fit aucun commentaire à ce sujet.
– Sandoz demande si tu peux accomplir une tâche pour lui, dit Malik.
– Il le demande ou il l'ordonne.
– Qu'est-ce que cela change ?
– Rien, effectivement, dit Milan en se redressant d'un bond de son lit, passant sans transition à une posture active. En quoi consiste cette mission ?– Nous avons besoin de quelqu'un pour accompagner Bora, l'épouse de Taronne, dans la forêt. C'est en quelque sorte notre soigneuse, elle récolte des herbes aux vertus médicinales.
– Et vous avez pensé à moi ? s'étonna Milan. Vous avez sûrement mieux que moi en réserve, en terme de garde du corps...
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Milan Lazsco : La Soule [E2 Quadrilogie du vampire]
VampireAu détour d'une route des Pyrénées, deux villages se livrent à une compétition antique et mortelle. Serait-ce l'œuvre d'une malédiction ? Il se trouve que même quand on est un vampire, on ne plaisante pas avec les malédictions. ...