Le lendemain, Milan fut alerté aux aurores par des bruits de pas rapides dans les escaliers de l'auberge. Il eut à peine le temps d'ouvrir les yeux que sa porte de sa chambre s'ouvrait. Le furtif Malik apparut avec un air pour la première fois inquiet.
– Viens, dit-il, on est attendus.
Milan, couché tout habillé sur son lit, sans un pli sur ses vêtements, frais et dispos comme si la nuit ne possédait aucune emprise sur lui, n'avait pas particulièrement besoin de préparation. Il enfourcha simplement ses lunettes et suivit son interlocuteur dans les escaliers en colimaçon.
– Il y a un problème ? fit-il. Me dis pas qu'on a déjà perdu...
Préoccupé, Malik ne prit pas le temps de répondre. Milan le suivit et ils sortirent tous les deux de l'auberge.
Le jour était levé, et hormis les gendarmes chargés de garder la soule ou les sentinelles de faction aux frontières, tous les villageois s'étaient retrouvés sur la place, devant le bâtiment de la mairie.
Le Maire Faurou avait convoqué l'ensemble de la population dans l'urgence. Il s'était entouré de Sandoz et Buldor comme pour asseoir encore davantage son autorité.
A peine les deux retardataires approchèrent que Faurou les désigna d'un doigt furieux.
– C'est eux, ça ne fait aucun doute ! L'un ou l'autre ! Je parie pour le nouveau.
– Pardon ? dit Milan. Serait-ce trop demander de savoir de quoi il parle ?Le Maire prit la parole avec force et colère.
– On a tenté de voler la Soule, déclara-t-il. En pleine nuit ! La malédiction empêche Tarsis et Soulevains de franchir la frontière la nuit, ce ne peut être que l'un d'entre nous.
– Il est hors de question qu'il s'agisse d'un Soulevain, déclara Buldor. C'est forcément un de ces deux-là.– Malik, combien Thievan t'a-t-il payé cette fois ? gronda Turdal.
Turdal, le premier lieutenant de Buldor, n'avait jamais apprécié l'assassin de service de Sandoz, leur rivalité provenant essentiellement du fait qu'il étaient en quelque sorte équivalents dans la hiérarchie des familles adverses. Mais Malik ne s'en laissa pas conter.
– Inutile de payer une seconde fois, il a déjà suffisamment donné la première, répondit le tueur. Vingt-trois ans de malédiction, c'est un salaire plus que correct. Pour ça, voilà ce que je lui réserve...
Malik sortit son poignard de sa veste si rapidement que les regards eurent du mal à le suivre.
– Je ne peux pas encore lui enfoncer entre les deux yeux, mais je le ferai dès notre malédiction levée, déclara-t-il d'une voix qui ramena le silence dans l'assemblée. C'est pour cette raison que je ne nuirai pas à Soulevan : j'attends moi aussi avec impatience cette victoire.
Et toujours avec calme, mais sur un ton tout à fait éloquent, Malik ajouta :
– Mais s'il y en a qui pensent malgré tout que je pourrais de nouveau travailler pour ce fils de pute, qu'ils viennent me le dire en face, nous réglerons ce différend entre quatre yeux.
Malik avait conclu en rengainant son arme. Seuls des murmures nerveux suivirent cette annonce. Même Turdal n'osait pas défier le tueur en combat singulier, ils connaissaient ses états de service.
Milan, de son côté, en profitait pour découvrir l'assassin repenti sous un angle différent. Mais il dut vite oublier Malik pour revenir à la réalité, car à défaut de leur première cible, les soupçons des villageois se reportaient inexorablement sur lui. Et voler la Soule était pour eux le pire crime que l'on puisse commettre.
VOUS LISEZ
Milan Lazsco : La Soule [E2 Quadrilogie du vampire]
VampireAu détour d'une route des Pyrénées, deux villages se livrent à une compétition antique et mortelle. Serait-ce l'œuvre d'une malédiction ? Il se trouve que même quand on est un vampire, on ne plaisante pas avec les malédictions. ...