Milan Lazsco : La Soule [E2 Quadrilogie du vampire]

Le Châtiment

La Veille

Au coeur de la nuit Soulevaine, dans la cuisine de l'auberge, à la lueur des braises consumées dans l'âtre mourant, cinq individus jouaient aux échecs contre le destin, la veille du combat qui déciderait du sort de leur communauté pour une autre génération.

Jamis Sandoz menait la danse, son œil borgne plus concentré que jamais. Sa fille Manille le secondait avec une gravité nouvelle. Face à lui, sa sœur Mama Galia subissait davantage cet entretien. Et tandis qu'un peu de côté, l'assassin Malik se contentait d'écouter sans intervenir, l'autre étranger, Milan Lazsco, intervenait en revanche davantage qu'à son tour.

  – Au début de notre discussion, dit Jamis Sandoz à ce dernier, vous avez parlé de mon ex-femme. Je veux savoir ce que vous sous-entendiez.
  – Avons-nous le droit d'évoquer son souvenir ?

  – Parlez où je jure que je vous étripe, tout vampire que vous soyez ! gronda le chef des villageois.

Milan se retourna vers Mama Galia et l'interrogea du regard. Celle-ci sembla se faire une raison.

  – Camilla était une Belagile, comme nous, finit-elle par avouer.

Sandoz serra les dents à cette annonce. Ce fut Manille qui réagit, avec autant de surprise que d'incompréhension.

  – Ma mère... ma mère était une sorcière ?

  – Tu as le droit de l'appeler Camilla, dit Milan. Elle ne vous a pas trahis.

  – Qu'en savez-vous ? gronda Sandoz, qui semblait prêt à exploser d'une émotion profondément refoulée.

  – Camilla a donné naissance à deux demi-soeurs, une dans chaque village, dit Milan, ce détail ne vous rappelle pas quelque chose ?

Des larmes perlèrent à la commissure des paupières de Manille.

  – Vous voulez dire... qu'elle l'a fait volontairement ? dit la jeune femme. Elle m'a engendrée, puis Cintra... de manière délibérée, calculée... !
  – Qu'en pensez-vous ? C'est important de se forger son propre avis, n'est-ce pas. Qu'en pense Mama ? 

Mama Galia secoua la tête.

  – Camilla était la plus forte et la plus droite d'entre nous, déclara-t-elle. Elle a compris bien plus tôt ce qui se tramait. Nous n'avons pas su l'écouter, ni la croire. Quand elle a fini par partir, je me suis dit... qu'il y avait peut-être un espoir...

Une flamme était née dans le regard de Manille, quand bien même celui de Sandoz refusait encore l'évidence.

  – Elle a voulu terminer ce que César Osmin avait commencé, comprit Manille avec ferveur. Elle a conçu deux sœurs, avec les deux chefs des villages... et ensuite ?

  – Ensuite, dit Milan, elle s'est enfuie hors de portée de l'entité maléfique. Pas par lâcheté, elle l'a fait pour aller chercher du secours. Elle a compris qu'elle ne réussirait pas seule à vous sortir de là.

  – Et ce secours, c'était vous.
  – Disons que je suis tombé... par hasard, sur son testament.
  – Vous saviez tout... Depuis le début !!! s'enflamma Manille.
  – Tout est un mot excessif... Mais effectivement, j'avais une vague idée de ce qui m'attendait.

  – Cela signifie que vous n'êtes pas venu ici par hasard ! Que vous êtes venu dans un objectif précis !
  – Lequel ? renchérit Sandoz, qui comprenait à présent ce qu'il n'avait fait jusque-là que soupçonner, en le touchant du doigt sans jamais le réaliser.
  – Honorer un testament ? répondit Milan.